J'arrive devant le café restaurant, tout semble fermé. Je m'apprête à toquer à la porte quand elle s'ouvre sur Monsieur Charmant. Les rayons du soleil se reflètent sur lui, et il me faut quelques secondes d'adaptation pour pouvoir le regarder dans les yeux. Son regard est doux et profond, comme si ses yeux faisaient ressortir toute sa gentillesse.

— Moi : Bonjour ! Une livraison pour vous...
— Charmant : Bonjour, vous êtes en retard... Ce n'était pas 09h30 ?
— Moi : Pour ça, il aurait fallu confirmer plus tôt, j'aurais même pu annuler la livraison...
— Charmant : Je vous taquine, entrez.
— Moi : Avant toute chose, je voudrais quand même régler mon addition.
— Charmant : Vous êtes têtue.
— Moi : Un peu oui, mais dans ce cas c'est la moindre des choses.
— Charmant : Bon, alors une caïpi, les huîtres et le saumon, ça vous fera vingt-neuf euros s'il vous plaît. Le reste est offert.
— Moi : Merci beaucoup encore, c'était vraiment exquis. Tenez.
— Charmant : Merci Mademoiselle. Bon, ça y est, maintenant que vous avez régler vos dettes, on peut aller s'installer...

Il dépose les viennoiseries dans une corbeille sur le plateau, deux cafés les rejoignent et il me demande de le suivre. Nous sortons sur les petits fauteuils face à la mer. C'est un petit déjeuner digne de ce nom... Je croise plusieurs fois son regard et sens mes joues rosir. Je n'arrive pas à le cerner, il est à la fois timide et charmeur. Mais un charmeur au bon sens du terme. On sent toute la bienveillance, il ne force pas... Je ne sais pas comment l'expliquer... L'échange autour de notre petit-déjeuner se fait naturellement, dans la simplicité, comme si nous étions de vieux amis.

— Charmant : Qu'avez prévu aujourd'hui ?
— Moi : Il faudrait que je passe au marché, et ensuite je ne sais pas encore.
— Charmant : Alors je vous emmène en balade...
— Moi : Ah bon ? Et où ça ?
— Charmant : Vous verrez. Mais prenez des baskets, et un maillot de bain. Ne vous inquiétez pas, je vous veux que du bien, vous verrez ce sera une belle surprise.

Je reste silencieuse, lui souris et ne sait pas quoi répondre. Il me fait un clin d'oeil et débarrasse notre table. Je reste encore quelques minutes à regarder la mer. De mon fauteuil, les pieds dans les doux grains, à observer chaque vague. Aucune ne se ressemble. Je suis toujours émerveillée devant la beauté du spectacle, cela reste toujours de l'eau et du sable, mais ce n'est jamais le même paysage.
Je remercie mon hôte et lui demande à quelle heure nous nous rejoignons, ce à quoi, il me répond « faites-moi signe quand vous serez prête et je passe vous chercher ».
Je décide de rentrer par la plage, un peu plus loin je me retourne et l'observe, les yeux rivés vers ce doux spectacle que je contemplais quelques minutes auparavant, il sourit. Il a l'air tellement heureux, à se contenter des choses simples. Il semble avoir une facilité à prendre la vie comme elle vient. Pas une once de méchanceté n'émane de lui. Non je n'ai pas peur, je le sens qu'il ne me veut pas de mal. Il a plutôt un côté Ange Gardien que Dragueur diabolique.
Je reprends ma marche direction le marché. Je fais le plein de fruits et légumes, achète du pain, du fromage et un poulet rôti. Les étalages sont gourmands et colorés, mais je n'ai pas le temps de flâner. Une balade mystère m'attend.
Quarante-cinq minutes plus tard, j'arrive à mon studio. Je range mes courses et prépare deux sandwiches pour le midi, prends quelques fruits dans mon sac à dos et des bouteilles d'eau. J'enfile mon maillot de bain, un short et un débardeur, je chausse mes baskets. Je relève mes cheveux avec un foulard et me regarde dans la glace. J'ai l'impression d'avoir rajeunie depuis mon arrivée ici, pas
de cernes, une mine apaisée et ma peau qui s'est déjà un peu colorée.
Une fois prête, j'envoie un message à Charmant « Prête pour de nouvelles aventures ! ».
Quinze minutes plus tard, un toc toc toc se fait entendre. J'ouvre la porte et tombe sur Monsieur Charmant, en bermuda, tee-shirt, baskets et lunettes de soleil avec une rose entre les dents. Je pouffe de rire et l'invite à entrer. Je lui enlève la rose de sa bouche en prenant soin de ne pas égratigner ses lèvres.

— Charmant : Désolé, c'est un peu too much.
— Moi : Non c'est très bien, merci beaucoup. Je vous sers un petit café ?
— Charmant : Volontiers merci.
— Moi : Tenez. J'ai préparé un en-cas pour ce midi, vu l'heure je doute que nous serons rentrés de balade pour le déjeuner ?
— Charmant : Vous avez bien fait, j'ai hâte de voir vos talents culinaires.
— Moi : J'excelle dans l'art du sandwich au poulet, vous verrez... Je peux vous poser une question ?
— Charmant : Vous avez le droit de me poser toutes les questions que vous voulez... Mais par contre, il faudra répondre à toutes les miennes...
— Moi : Pas de problème... Première question facile ; quel est votre prénom ?
— Charmant : Max. A moi... Comment m'avez-vous enregistré dans votre téléphone ?
— Moi : Euhhhh...
— Charmant : Vous avez promis... Allez je ne ferai aucun commentaire...
— Moi : Charmant....
Il esquisse un petit sourire et me dit « à vous ».
— Moi : Même question ?
— Charmant : Jolie amatrice de rhum...
— Moi : Sérieusement ?! Je passe pourquoi moi...
— Charmant : A mon tour, comment dois-je vous renommer ?
— Moi : Caroline. Pouvez-vous me donner vos recettes du saumon et du moelleux ?
— Charmant : Je serai ravi de vous apprendre à les faire. Est-ce que je peux vous renommer Jolie Caroline ?
— Moi : Vous pouvez me renommer comme vous le souhaitez.
— Charmant : Alors Jolie Caroline, on y va ?

J'acquiesce et soulève mon sac à dos, il s'approche et tend la main pour le prendre. Quel homme galant. Je mets mes lunettes de soleil et nous partons vers l'inconnu. Enfin, pour moi.
Il ouvre la portière de son carrosse et m'invite à m'installer. Un SUV de couleur noire, sièges en cuir, GPS intégré. Je m'attache et lorsqu'il s'assoit, je jette un oeil vers lui. Il est apaisant, plein de douceur. Nous nous éloignons de la ville et empruntons des petites routes à travers les marais salants. Il est prudent et ne lâche pas son regard de la route. J'observe le paysage, et petit à petit les marais se font plus rare et laissent place à la pinède.
Nous nous enfonçons un peu plus dans la forêt avant d'emprunter un petit chemin. Quelques minutes plus tard, nous arrivons sur un petit parking. Charmant se gare et vient à nouveau m'ouvrir la portière.

— Charmant : Vous êtes arrivée à destination, Mademoiselle Jolie Caroline.
— Moi : Vous n'allez pas m'abandonner dans la forêt au moins ? Dans le doute je vais ramasser quelques pommes de pins pour les semer...
— Charmant : Qui sait... Venez c'est par ici, attention aux branches.

Nous nous écartons du sentier et empruntons un raccourci. Il a l'air de connaître la forêt comme sa poche. Je n'ai aucun sens de l'orientation, je ne le quitte pas d'une semelle. Au bout d'une vingtaine de minutes, nous arrivons à une petite clairière. Charmant me propose de nous arrêter pour pique-niquer avant la suite.
Nous nous installons alors sur des gros rondins de bois et entamons notre déjeuner.

— Charmant : Bon appétit !
— Moi : Merci, à vous aussi.
— Charmant : Le vouvoiement a son charme, mais que diriez-vous de se tutoyer ?
— Moi : c'est une très bonne idée, effectivement.
— Charmant : Super alors... Alors Mademoiselle Curieuse, tu n'as pas d'autres questions ?
— Moi : Comment trouves-tu mon sandwich ?
— Charmant : Alors... Honnêtement, c'est le meilleur sandwich au poulet que je mange de toute ma vie !

J'éclate de rire en lui disant qu'il en fait un peu trop et le défie de m'en faire un moins bon. Nous finissons de déjeuner tranquillement dans la bonne humeur. Il s'allonge quelques instants le temps de la digestion, j'en profite pour sortir mon carnet.