Assume
Les jours passaient, Pierre et Jade étaient à quelques semaines de leur mariage. L’effervescence de l’évènement était différemment vécu par chacun d’eux.
Pierre était heureux et impatient, il avait hâte de se lier à la seule qu’il avait jamais aimé. Jade, quant à elle, vivait ces jours comme l’épreuve de sa moralité. Elle était tiraillée entre son engagement et la décadence de sa vie, qui finalement, lui plaisait. Devait-elle tout lui avouer ?
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- Tu ne sais pas ce que j’ai appris ? C’est chaud franchement.
Gaspard détestait lorsque ces mots venaient l’agresser, car il savait qu’il allait devoir s’impliquer. Il était comme ça Gaspard, lorsque quelqu’un venait lui rapporter des faits, c’était pour qu’il agisse. Mais il en avait assez d’être impliqué dans les histoires des autres. Sa vie était suffisamment compliquée, malgré les apparences, et personne ne lui venait en aide.
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- Ça ne t’intéresse pas ?
- Non, franchement, j’en ai assez. Je me porterai mieux à ne rien savoir.
- Tu n’as pas remarqué ces derniers temps que tout le monde se tait à la salle, lorsque tu rentres dans les vestiaires ? Tu n’as pas remarqué qu’au travail, c’est pareil ? Tu ne trouves pas qu’il y a une sorte de méfiance à ton égard, comme si tu dérangeais.
Gaspard devait l’admettre, depuis quelques temps certaines personnes l’évitaient.
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- Il faut que tu saches, mais ne répète rien.
Quelle naïveté, pourquoi venait-il lui parler si c’était pour ne rien dire ni agir en conséquence ? Comme si l’information devait simplement circuler. Cette attitude était tellement typique d’une volonté de consommer des données comme un animal affamé de ragots.
- Tout le monde t’évite parce que tu es un ami de Pierre.
- Et alors ? Il est où le problème ?
- En fait…
Un malaise s’installa.
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Gaspard était choqué par toutes ces révélations. Jade et Pierre devaient se marier dans moins de six mois. Ils avaient réservé tous leurs prestataires. Pierre était si impatient, et Jade pourtant laissait entendre qu’elle était pleinement impliquée dans cette évènement heureux. Quelques jours auparavant, ils avaient déjeuner entre amis et Jade lui disait combien elle était excitée par tout ce bonheur. Avait-elle osée se créer un personnage ?
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Les jours passèrent, et une bulle se forma, l’information était devenue incontrôlable. Tout le monde parlait, et depuis qu’ils avaient sût que Gaspard savait, une forme de libération de la parole était née. Tout le monde donnait son avis et commentait les dérives de Jade, lorsqu’elle et Pierre n’étaient pas aux alentours, évidemment. Cette tension insupportable devint si puissante qu’une rumeur vint aux oreille de Gaspard.
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Quelqu’un allait tout raconter à Pierre. Mais ce quelqu’un, qui était-il ?
Gaspard senti l’urgence de la situation, il devait prendre la bonne décision. Cette dernière information était encore basée sur une absence de faits, et la source était difficilement traçable. Toutefois, Gaspard connaissait suffisamment Pierre pour savoir qu’il allait devenir incontrôlable. Il devait lui éviter de gâcher sa vie alors qu’elle était en train de se détruire.
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La solution la plus pertinente, se disait-il, était de confronter Jade. Il saurait déceler la vérité dans son regard. Or Jade était ici ce soir, dans ce bar de centre ville, où les terrasses sont si bondées que la foule permet de se camoufler dans sa densité, et les conversations les plus privées peuvent le rester.
- Oh, Gaspard, comment vas-tu ? Qu’est-ce que tu fais là ? Jade était surprise, et surtout gênée de le trouver ici.
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- Je t’offre un verre ? Lui proposa-t-il. Tu seras en meilleur compagnie avec moi qu’avec ceux qui rôdent autour de toi.
Ses yeux s’écarquillèrent davantage lorsqu’elle entendit ces mots. Savait-il ? Pourtant, tous ses amants avaient promis de garder le secret de leurs aventures.
- Avec plaisir. Tu m’offres un mojito ? lui lança-t-elle, avec son sourire des plus ravageurs.
Leur discussion pris une tournure inatendue.
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De lourdes larmes de remords et de culpabilité roulaient sur ses joues. Le bleu de ses yeux devenait un océan de tristesse, d’un malheur qui prenait forme. Entre deux respirations haletantes, elle tenta de se justifier, si maladroitement.
- Je ne sais pas ce qui m’a pris. Tu sais, je l’aime. Mais, je ne me contrôle pas, c’est plus fort que moi. J’ai l’impression de détruire tout le bien qui est autour de moi. Tout va se retourner contre moi.
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- Écoute, Jade. Je ne dirai rien à Pierre, je voulais juste que tu saches qu’une personne va bientôt tout lui révéler. Fais ce que tu crois juste, pour lui et pour vous deux. Rappelle toi que vous allez bientôt vous marier. Sache aussi une chose. Car tu auras besoin de l’entendre un jour. Je ne te condamne pas, et je te pardonne, pour tout.
Abasourdie par ces mots, elle lui dit combien elle était désolée du mal qu’elle avait fait.
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Jade rentra seule chez elle ce soir. La tête basse des lourdes pensées qui l’assaillaient. Comment allait-elle affronter Pierre ? Devait-elle tout lui avouer, ou lui dire qu’une personne amoureuse d’elle souhaitait rompre leur relation en divulguant de fausses informations. Elle ne savait quoi faire. En marchant, elle se rendit compte qu’elle manipulait une bague à son doigt, un bijou de famille de Pierre, d’une grande valeur. Qu’ai-je fais ?
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Elle était proche de leur appartement. D’ici elle voyait les fenêtres du salon, étrangement sombre.
Jade regarde son téléphone. Elle avait reçu deux messages. Le premier de Pierre, qui lui disait qu’il rentrerait tard, un dossier urgent devait être bouclé avant le lendemain matin. Le second, était de Gaspard. Il lui rappelait qu’il les soutenait tout les deux, mais qu’il ne pourrait faire davantage. Il protégerait Pierre de toutes ces médisances.
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Jade prit un long bain chaud. Elle faisait toujours ainsi, pour se détendre, et réfléchir aux solutions qu’elle pourrait trouver pour se sortir de cette terrible situation. Elle envisageait à présent plusieurs scénarii. Le plus violent était de tout lui avouer, au risque de tout détruire, l’honneur et l’amour. Mais n’était-ce pas déjà le cas ?
Le plus malhonnête, pensait-elle, était de tout nier en bloc face aux accusations.
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Aucune preuve n’existait. Ce n’était que des rumeurs. Mais au fond d’elle, comment vivrait-elle avec ce poids sur sa conscience ? Enfin, elle envisageait de partir, dès ce soir. Quitter le pays, sans rien dire à personne ni laisser un mot. Cette solution était la plus horrible pour Pierre, mais elle le préserverait surement…Pensait-elle.
Un grincement se fit entendre au loin.
- C’est toi, chéri ? Je suis là.
Ce furent ses derniers mots.
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