Orgie

5 minutes de lecture

Assis confortablement dans le salon privé de l’aéroport, Pierre attend patiemment l’embarquement dans son avion. Il avait prit un billet simple pour l’île de Bali. Il y est tellement de mystère que cet endroit l’appelle. Après la folie de ces derniers jours, et devant le silence des conséquences de ses actes violents, il avait décidé de partir, loin. Les voyages permettent de se retrouver, peut-être son âme s’y était-elle réfugiée là bas ?

###

Les aéroports fascinaient Pierre. Ce sont des lieux fait de sentiments contraires, de peur et de joie, de l’armes et d’amour. De ceux qui craignent de voler mais qui sont impatients de rejoindre leur destination, comme de ceux qui volent pour rejoindre un amour, ou mieux le quitter. Pierre, lui, avait besoin de se retrouver, en ne laissant derrière lui que la vengeance et la haine, car cette nuit encore, il avait frappé très fort.

###

Dans le salon d’un cossu chalet d’alpage, en Haute Savoie, perché sur une montagne isolée de toute vie à plusieurs kilomètres, des hommes se retrouvent. Tous ont reçu par coursier, un carton très lacunaire, qui les invitaient à se retrouver ce jour, vendredi 23 octobre, à l’adresse indiquée. Une menace était toutefois délivrée.

###

S’ils ne venaient pas au rendez-vous leurs comptes en banque ne seraient pas crédités des sommes qui avaient été retirées. La liste de ces comptes était imprimée au verso du carton, et la menace était d’autant plus réelle, que les fonds avaient déjà été déplacés par l’organisateur. Une bien étrange invitation, qui poussait à la méfiance. Mais une telle menace était si violente, que tous, sans exception, se rendirent au rendez-vous.

###

Dans le salon, aucune parole n’était prononcée, tous se regardaient, en scrutant un indice. Pourquoi étaient-ils ici ? Qu’avaient-ils en commun, et qui était leur hôte malveillant ? Toutefois, ce dernier avait le sens des réceptions. Un immense et appétissant buffet avait été dressé, en leur honneur, pensaient-ils, et une enivrante musique emplissait le silence des invités, alors que le feu crépitait doucement dans la cheminée en pierre.

###

— Tiens, c’est amusant, il y a un message sur l’étiquette.

Antoine s’était approché du buffet, et admirait la qualité des produits qui étaient mis en valeur. Ils étaient si appétissants. Il y avait de tout, et pour tous les goûts, mais ce qui avait attiré son attention était ces petits bouts de papiers délicatement accrochés aux mets offerts.

— Mangez moi. Comme Alice qui craignait d’être empoisonnée.

###

Pierre pensait à ses convives, tous réunis dans le salon du chalet, qu’il avait spécialement préparé pour eux. Il regarda sa montre. Outre son embarquement, qui devrait débuter dans cinq minutes, il était impatient de voir la réaction de ses convives, à la surprise qu’il avait préparé. Il ouvrit alors l’application de son téléphone, qui lui permettait de consulter les caméras de surveillance qu’il avait installé dans le chalet.

###

Les invités s’étaient approchés du buffet, et tous dégustaient la délicate attention de leur hôte. Antoine avait initié ce mouvement, lorsqu’il avait englouti le cupcake qui lui ordonnait de le manger. Son exclamation avait attiré les regards vers lui, et la faim les avait alors soudainement assailli. La route avait été longue et éprouvante pour chacun d’eux, le vin et le pantagruélique buffet allaient les rassurer, l’espace d’un instant.

###

Pierre patientait dans le confortable fauteuil Première Classe de l’A380, qui le ferait très prochainement voyager vers Bali.

— Monsieur, nous allons bientôt décoller, pourriez vous éteindre votre téléphone s’il vous plait ?

La douce voix de l’hôtesse était comme le chant des anges.

— Bien sûr, je vous prie de m’excuser.

Il actionna son ultime vengeance, avant d’éteindre son téléphone, dont il se débarrassera lors de son escale à Singapour.

###

Dans le chalet qui s’était animé du vin qui coulait à flot, et des ventres qui se remplissaient, la douce euphorie qui y régnait fut soudain troublée par une étrangeté. L’écran plat, qui trônait dans le coin opposé au buffet, près de la cheminée, s’alluma. Un visage que tous reconnurent, apparu. Jade riait. Elle était jeune, belle et lumineuse. Elle portait une robe blanche qui délimitait le contour de ses douces formes.

###

L’ambiance festive était si vite retombée. Les visages étaient fermés. Le point commun de tous ces hommes était-il Jade ? La tension monta encore lorsque les photos de chacun d’eux défila, et que ce message, menaçant, était délivré d’une voix sourde, grave et distordue comme dans les pires films d’horreur.

— Votre vice et votre immoralité vous ont poussé à profiter de la faiblesse d’une femme, de détruire sa vie, ses projets et sa joie.

###

Le film s’accéléra. Jade apparaissait toujours magnifique et souriante, jusqu’à ce que l’image se fige sur une terrible photo. Elle était allongée dans sa baignoire, et semblait se prélasser dans un bain à l’eau couleur rubis. Cette image aurait pu être belle, si la faïence de la baignoire n’était pas détruite par de nombreux impacts de balles, illustré par un étrange message, écrit avec le sang.

« Pierre pa »

###

— Un homme blessé, meurtri, est terriblement dangereux. Comme un animal sauvage acculé, sa violence est décuplée par l’urgence de la survie. Plus que le corps, ma mémoire a aujourd’hui besoin de se rassasier du sacrifice des esprits impurs.

La peur s’empara des convives, qui cherchèrent une issue.

— Ouvrez la porte, cria l’un d’eux.

Certains s’évertuaient, en vain, alors que d’autre étaient figés par l’imminence d’une sentence.

###

— Toutes les issues sont scellées. Vous êtes piégés comme je l’ai été pendant ces longues années, passées en prison. Le poison que j’ai concocté spécialement pour vous devrait commencer à agir. Vous aller sentir une brûlure dans chaque cellule de votre corps, une sensation d’enfer qui vous emportera dans une longue agonie. Vous ressentirez votre âme se consumer, comme j’ai senti la mienne disparaitre, à cause de vous.

###

L’agonie débuta dès la fin de la vidéo. Les cris et les hurlements couvraient une musique tellement inappropriée. Wonderful World de Louis Armstrong couvrait les râles désespérés.

La douleur insupportable en fit vaciller certains. Antoine tomba justement dans le feu crépitant, lorsque sa tête tourna si fort. Son agonie fut plus courte, mais non moins horrible.

###

La chute d’Antoine provoqua une réaction en chaîne. Ses vêtements brulèrent, emportèrent le tapis, et tous ceux qui, aveuglés par la douleur, plongeaient dans cet enfer qui dévorait les corps.

Le chalet brûla, et avec lui, la trentaine de convives, dont les âmes tourmentées furent purifiés par le feu de la vengeance d’un homme blessé.

###

En cet instant, dans le ciel, Pierre dégustait une flute d’un excellent champagne, dont la douceur des bulles caressait tendrement l’intérieur de sa bouche.

Son coeur s’allégea subitement. Tout était terminé. Sa haine avait disparu avec la certitude qu’il était vengé.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire greg_dcx ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0