Uluwatu

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Pour la première fois, Maylis pris la main de Pierre, alors qu’ils rejoignaient la cohorte de touristes qui déambulaient le long de la corniche, qui menait au monastère d’Uluwatu.

Le bruit du ressac contre la roche emportait au loin leurs esprits, perdus dans l’immensité du monde des pensées.

Au loin se détachait une pagode à étages, nichée au bord d’une haute falaise qui surplombait l’océan.

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Maylis fixait au loin ce lieu hautement symbolique, qui fût érigé pour protéger l’île du Mal et des esprits démoniaques. C’est en ce lieu que tout deux feraient le choix de l’amour, ou de la peur. Cette ultime épreuve qu’elle réservait à Pierre, avait pour unique but de les libérer de leurs passés tourmentés.

Elle tremblait de tout ses membres, malgré la chaleur pesante en cette fin de matinée.

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— Tu trembles ! Ça va, demanda Pierre, inquiet. Tu n’as rien mangé depuis ce matin et tu ne m’as pas dis un seul mot. J’ai fait quelque chose de mal ?

Elle le regarda tendrement, et déposa sur sa joue, un doux baiser.

— Tout ira mieux dans quelques instants, fais moi confiance. Tu crois en moi ?

— Évidemment, je crois en toi, répondit-il, en plongeant son regard dans la profondeur de ses yeux. Je t’aime, comme jamais je n’ai aimé.

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Enlacés au milieu du chemin qui menait à la pagode, plus rien n’existait pour Pierre et Maylis. Le monde venait de s’évaporer dans sa déclaration. Cet aveu emportait leurs coeurs, et les liait pour toujours, ce qui rendrait l’épreuve que Maylis lui réservait, d’autant plus douloureuse, ou merveilleuse.

— Je t’aime aussi, lui répondit-elle, et je crois en toi. Tu feras le bon choix.

Pierre fût désarçonné.

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Maylis refusa de lui donner plus d’explications. Il comprendrait une fois arrivé à la pagode, lui disait-elle.

Il s’abandonna alors à la contemplation de l’océan qu’ils surplombaient sur cette longue corniche. L’île était vraiment magnifique, se disait-il. Il s’imaginait finir ses jours ici, dans la quiétude et l’insouciance, aux bras de Maylis, et se regarder vieillir.

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De nombreux singes les suivaient, poussant des cris joyeux qui terrorisaient certains touristes. Ils se faisaient aussi voler leurs lunettes et tout ce qui dépassaient de leurs poches, par les plus petits d’entre eux. Pierra s’en amusait, les singes étaient comme d’adorables petits enfants terribles, que l’on gronde de leurs bêtises, mais nous attendrissent dans leurs joie de vivre communicative.

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Pierre s’inquiétait du comportement de Maylis, elle semblait angoissée. Ce qui était surprenant. Jamais il ne l’avait ainsi vu. Elle tremblait de tout son corps, et ne cessait de jouer avec une bague qu’elle s’évertuait à dissimuler, et qu’elle ne portait que depuis ce matin. Le plus troublant était son regard, déterminé, qui ne se détachait jamais de la pagode, qu’ils finirent par rejoindre.

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Tout le long du chemin, ils avaient marchés main dans la main, sans jamais se lâcher, et sous la pagode, seuls, elle relâcha sa prise.

Les touristes les regardaient, surpris. Comment ces deux personnes avaient-elles pu accéder à cet endroit sacré, qui leur était interdit, à eux, venus de leurs lointains pays pour découvrir la culture de cette île ?

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Isolés de la foule, et protégés par l’énergie de la pagode, Maylis rassembla tout son courage, pour faire vivre à Pierre, l’ultime vérité.

De sa main droite, elle prit les deux mains de Pierre, qu’elle porta contre son coeur.

— Le sens-tu battre, Pierre ?

D’un signe subtile, il acquiesça.

— Cale ta respiration sur la mienne, et fais résonner nos coeurs.

Alors qu’il ouvrait la bouche, pour parler, elle lui fit signe de se taire.

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Les yeux fermés, tout deux se livraient à un ballet immobile, où leurs âmes se liaient en silence. Leurs respirations se firent profondes, et se mirent à l’unisson. Maylis le sentait, ils étaient prêt.

Lentement, elle ouvrit les yeux, et fit redescendre leurs mains. Elle glissa par dessus, sa main gauche, celle qui portait l’anneau que Pierre avait remarqué.

Lorsqu’à son tour, Pierre ouvrit les yeux, le monde lui semblait plus intense.

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— La précipitation, dans l’amour, est l’expression de la peur, celle de ne pas plaire, et d’être abandonné. Jade était ainsi. Elle soignait inconsciemment sa peur de l’abandon, dans les bras des hommes qu’elle rencontrait. Mais les conséquences de sa peur, détruisait des vies. La tienne, mais aussi la mienne, dit Maylis.

Leurs yeux ne se quittèrent pas, et les touristes ne cessaient de les observer, avec curiosité.

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— Si j’avais commis le plus terrible des actes, m’aimerais-tu encore, comme tu me l’as déclaré ?

— Tu m’aimes en retour malgré mes actes, je t’ai dis pourquoi j’avais été emprisonné. Tu as bien dû l’apprendre, tu connaissais aussi Jade, malgré toi.

Jade, dire son nom lui souleva le coeur. C’était la première fois qu’il osait le prononcer, depuis son emprisonnement. Il en perdit sa connexion avec Maylis, et baissa son regard.

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— Où as-tu trouvé cette bague, Maylis, s’exclama-t-il.

Le silence devint pesant, sa tête tournait, et son coeur s’emballa Il perdit le contrôle de son esprit et de ses émotions. La paix qu’il avait trouvé ici, s’évanouissait devant cette conclusion.

— Maylis, où l’as-tu trouvée, dis le moi ! Je lui ai offerte pour nos fiançailles.

Elle garda son regard baissé, fixé sur cette bague qui lui rappelait comme elle était possédée ce jour là.

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Une larme, lourde du poids de la culpabilité, roula sur joue.

— Ses derniers mots étaient pour toi. Elle suppliait. Pierre, pardon. C’est ce qu’elle écrivait sur le mur de la salle de bain, avant d’expirer.

Il saisit fortement le bras de Maylis, et la plaqua contre le muret qui bordait la falaise. Des cris se soulevèrent de la foule qui épiait leurs gestes. Des gardes couraient vers eux.

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— Je l’ai tuée, Pierre. Elle a détruit ma vie. Elle était l’amante de mon mari. Elle devait mourir.

Pierre était perdu, la haine avait remplacé l’amour si facilement. En face de lui se tenait celle qui avait aussi détruit sa vie.

Les secondes devinrent des éternités. La vie s’était arrêtée. Elle était suspendu à un choix. L’amour, ou la peur.

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Il se souvint de l’amour et de son désespoir lorsqu’il apprit les actes de Jade.

Il se souvint de la prison, de l’Animal, de la violence qui naissait en lui, et qui dévorait tout l’espace.

Il se souvint de ses vengeances, et de la satisfaction qu’il en avait retiré. Le goût de la vengeance remonta dans sa gorge, il voulait hurler, se libérer de ce monde qui le faisait souffrir, alors qu’il pensait avoir trouvé la paix, il avait fui.

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La vie lui offrait ici une leçon magistrale. Il avait la chance de choisir avec force, l’amour, ou la peur.

Autour de lui, le silence malgré les cris, le vent faisait voler les pétales des fleurs, portant à lui, leurs doux parfums.

Maylis comprit, la peur. Elle saisit alors Pierre, et basculèrent, dans le vide de la falaise. L’océan se mêlait au ciel, et le souffle de l’air au bruit des vagues qui s’écrasaient contre la falaise, et leurs corps.

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