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J’ai un peu plus d’un an pour me préparer. Villaume, il est de ceux d’en face, nos adversaires. Je peux le battre, je le sais et Marchal, du moins, l’espère. « On verra bien. » « Solide implantation historique. » « Tous les bastions ouvriers. » « Tu vas devoir construire une équipe. »

Tarak. Vieille connaissance d’école. Famille kabyle. Père décédé. Frère multirécidiviste - incroyable d’inventer des mots aussi longs – le frère utilisant les petits de la famille pour les tours de garde, les intrusions dans les maisons, et pour se défouler, avoir du pouvoir facile. Lui, plus jeune, pas trop d’accord, un peu moral, un peu religieux, un peu attiré par les études commerciales. Je suis allé le voir, on est allé boire un verre. Dès la seconde phrase, il m’a cité la vie du Prophète je lui ai dit que s’il voulait qu’on se revoit fallait pas me sortir ses Hadiths et je l’emmerderai pas non plus. Il a bien voulu travailler avec moi.

« Banquier, t’es banquier ! Et en plus t’es homme politique ! » Il s’emmerde, Tarak. Trois gosses, déjà, toujours la mosquée, la même gueule de sa femme – gentille - toujours le même boulot à la mairie. Putain, y’en a qui se font sauter pour moins que ça. Le prince du désert, il s’ennuie à mort. Ses yeux brillaient de l’éclat de ses vieux au bled avant le rezzou, lorsque je lui ai parlé du projet. Il me suivra. En plus, sa mairie c’est celle de Marchal. On lui foutra la paix s’il est moins assidu au travail, et puis, ça pose son homme, ça, hein, la politique ?

Valérie se montre jalouse, distante, soucieuse, colérique. Nous avons de fréquentes disputes. Mes déplacements sur Metz n’arrangent rien, surtout lorsque je dois rester plusieurs jours de suite et siéger au Conseil de Région. Elle porte l’activité familiale, les transports scolaires, les repas, les leçons de violon de Hélène. Le linge. La vaisselle. Enfin, toute une liste que Valérie connaît si bien, et qu’elle me sert régulièrement lors de ses plaintes, variant la tonalité de la badinerie à la colère en passant par l’ironie acérée.

J’ai invité Tarak et sa femme, afin de créer des ponts entre mes différentes activités, au lieu de tout cloisonner. Fiasco. Le fait qu’elle soit voilée, Essaadiya, bon, passe encore. Mais les femmes n’ont rien à se dire et les enfants se sont disputés méchamment. Nos femmes n’aiment pas ce que nous faisons, des affaires d’hommes, qui nous éloignent d’elles. Résultat, on fait nos réunions dans une brasserie du centre ville.

Tarak est tout fier, il n’en revient pas de me montrer sa carte du parti, sa carte toute neuve qui sent bon le plastique thermocollé, avec lui en photo très smart en costume-cravate.

Tarak, mon fourrier des zones urbaines. Les maires dans les campagnes, c’est pour moi. En plus c’est la chasse privée de Marchal, donc prudence. Tout est clean, bien organisé. Les réunions s’enchaînent.

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