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5 mai 2011
Dans l’hémicycle en séance houleuse
Ce qui nous appartient : ce pour quoi on est prêt à se battre. Tout le reste nous quitte par mégarde, inattention. Un jour, on se retourne et il n’y a plus rien. Alors, ne pas se retourner, avancer et se battre. La mémoire est une lutte au présent – pas derrière nous, non – ici, devant nous. Ne pas oublier, c’est ne pas se retourner. Se retourner nous condamne à l’immobile fascination.
Seul le héros qui ne se retourne pas échappe à la fascination de Méduse. Tous les autres oublient pourquoi ils sont là, et se font dévorer.
Nathalie ne penserait pas cela de cette façon. Pour Nathalie, seule compte la création de ces choses complexes qui se jouent dans l’instant. Lorsque je la vois concentrée sur une mince plaque de cuivre, je la regarde et je l’aime.
Parfois, je la vois, et c’est elle qui me regarde.
Pour elle, l’avant et l’après tournent autour d’un présent minuscule, sonore et bref tel un tintement de cuivre, pas trop loin devant ou avant une page colorée au sein d’un livre. Moi, je ne peux pas.
Son regard est profond. Il y a en elle de la gravité. Elle a le sens des choses physiques, et de l’irrémédiable chemin du temps au sein de la matière.
Elle donne forme aux choses.
A sa façon, elle aussi remonte le courant.
Un jour, nous lâcherons prise. Mais d’autres seront là, et en lâchant, nos regards se croiseront. Qu’y verra-t-on ? Espoir ou désespoir ?
Et dans quels regards ?
La revoir.
Même jour, après la séance parlementaire
Elle. Je suis sorti passer un coup de fil. Je l’ai invitée dans un restaurant. Trop chic. Ça ne lui a pas plu. Pas à l’aise. Nous sommes sortis, puis à pied avons descendu le Boulevard Saint-Germain, jusqu’aux petites rues qui jouxtent Cluny et Saint-Michel. Dans un restaurant grec, gras sombre et enfumé, dans la pénombre à la lueur des bougies, ses yeux n’ont jamais été aussi beaux.
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