Chapitre 12 : Les explications d'Astérion
Après quelques minutes sur la moto, je pris finalement mon courage à deux mains avant de dire avec reconnaissance :
« Merci. »
La réponse ne tarda pas à arriver.
« Je t’en prie, répondit calmement Astérion. »
Il n'avait pas l'air de m'en vouloir de l'avoir rembarré plus tôt, ce qui me rassurait. J’avais suffisamment l’impression d’être seul comme cela. Pourquoi l'avais-je remercié ? Car sans son aide, je n'aurais jamais pu projeter le jeune délinquant contre le mur. Si cette capacité m'était venue naturellement comme un résultat de mon léger entraînement sur la télékinésie, cela restait éprouvant. Surtout après ce que je venais de vivre. Astérion m'avait donc offert son soutien, non pas pour me rassurer ou me rendre plus confiant comme face au Xenos par exemple, mais en m’offrant un peu de ses forces.
C'était difficile à expliquer mais pendant un moment, lui et moi établissions un contact plus intense, lui permettant de partager son énergie. Il put donc me donner une partie de ses forces, comme une réserve de dernier recours. Sans lui, malgré ma colère et mon aversion, je n'aurais pas réussi à effrayer ces trois vauriens et aurais peut-être même été trop faible pour me défendre ensuite.
Et pour cela, je me devais de le remercier.
Sortir de Paris ne fut pas une mince à faire. On était en plein milieu de la journée, il devait bientôt être midi, et la circulation était dense. Remarque, elle l’était toujours à cette heure-ci. Astérion et moi ne discutions pas, trop attentifs à tout ce qui nous entourait pour être sûrs de ne pas être repérés ou interpellés.
Finalement, après plus d'une heure à faire des détours pour trouver ma route, je réussis à atteindre le périphérique et enfin l’autoroute en direction de Rennes, une des principales villes Bretonnes. Nous partions en direction de l'ouest avec environ quatre heures de route devant nous et aucune idée de la manière dont nous allions rejoindre les États-Unis. Je devais admettre que si je pouvais éviter d'y aller à la nage, cela m'arrangerait.
Pendant le trajet, les deux premières minutes furent silencieuses. Je finis par briser ce silence oppressant pour poser la question qui me brûlait les lèvres et allait inévitablement me rendre fou.
« Astérion, j’ai besoin de savoir : est-ce que j'ai utilisé la magie divine tout à l'heure ? Ta magie divine ? »
Il resta silencieux avant de demander :
« Te sens-tu prêt à en parler ?
— Oui. Du moins je crois.
— Je ne pensais pas que tu serais capable de l'utiliser, admit-il. Ou du moins, pas aussi prématurément. Mais la situation t’y a contraint. »
C’était donc bien cela ! La magie divine ! Je ne pensais pas que moi, un simple humain comme aimait le rappeler Astérion, pouvais la posséder et l’employer.
« Il faut que tu m’apprennes à maîtriser cette énergie, dis-je. Je ne veux pas que sous le coup de la colère, je réitère ce qu’il s'est passé devant le restaurant. J’aurais pu les blesser gravement…
— Je t'apprendrai du mieux que je le peux, me rassura-t-il, mais après que tu aies commencé ton entraînement chez les Elementaris. Pas avant. Tu n'es pas encore assez fort pour cela. Là-bas tu t'entraîneras dans le but de devenir plus expérimenté et puissant. Ainsi, je pourrais aussi voir jusqu'à quel point tu es capable d'utiliser de tels pouvoirs. Et surtout, capable de les maîtriser.
— Mais je ne pensais pas la posséder… Je pensais que c’était uniquement une propriété des Immortels comme toi !
— D’où proviennent tes nouvelles capacités à ton avis ? souligna-t-il. La magie divine coule dans tes veines par ma présence, et rend ton corps apte à dépasser ses limites pour réaliser les prouesses que tu as déjà accomplies. Cependant, face au Xenos, tu l’as expulsé hors de ton corps et lui as donné forme.
— Je lui ai donné la forme d’un rayon et ensuite comme une vague d'énergie face aux policiers (ce souvenir me fit grimacer). Mais c’était involontaire ! Je ne m’en savais même pas capable !
— Tu l'as utilisé de manière instinctive dans le seul but de te défendre, mais l'utiliser ne signifie pas que tu la contrôles. La seule limite à la magie divine, hormis ton esprit, est ton imagination. »
Je restai un moment silencieux.
« Mon esprit ? Et mon imagination ? répétai-je finalement, perdu.
— L'esprit humain étant mortel, il est plus fragile que celui d'un Eternel. Il n'a donc pas été formaté pour utiliser la magie divine. Mais ma présence te donne non seulement accès à mes pouvoirs, mais renforce aussi ton esprit. Et si ton esprit est plus fort, il peut potentiellement user une partie de la force divine à laquelle il a accès, rendant ainsi ton corps plus résistant. Ton enveloppe corporelle n'a pour seule limite que son esprit, retiens bien cela. Plus le temps passera et plus ton esprit aura accès à l'énergie.
— C’est donc pour cela que tu disais que mes capacités ne feraient que croître, me remémorai-je. Mon « esprit » assimile de plus en plus de ton énergie, me rendant donc de plus en plus fort.
— Tout à fait, confirma-t-il. Et avec le temps, ainsi que de l’entraînement, tu devrais pouvoir l'utiliser avec plus d’aisance dans ses diverses formes. Mais avec certaines limites, qui viennent du fait que tu es mortel : ton esprit n’étant pas adapté à utiliser une puissance d’Immortel, il ne peut pas l'employer dans sa totalité. Seul un être immortel peut employer la totalité d'une énergie divine sans craindre de mourir, puisque comme je l'ai dit, nous sommes immortels et conçus pour manier cette énergie incommensurable. »
J’enregistrai toutes ces informations en silence. J’allais devenir plus fort encore pendant un temps, avant que ma constitution de simple humain mortel ne bloque la progression de mes capacités.
Cela semblait relativement logique.
« Lorsque tu me soutiens, comme tu l’as fait face au Xenos ou aux trois crétins de tout à l’heure, est-ce que cela me rend plus puissant ?
— Oui et non, répondit-il. Je peux certes te soutenir comme je l'ai fait plus tôt afin de te prêter ma force, mais je ne peux pas te permettre d'en utiliser plus que tu ne le peux. Je peux partager mon savoir et t’offrir de l’énergie si tu en es à besoin, mais pas te rendre plus puissant que tu ne l’es.
— Tu es un peu une réserve d’énergie à mon entière disposition, rigolai-je.
— Je t’interdis de me réduire à une simple source de…
— C’était une blague, le coupai-je sans m’empêcher de sourire à ma boutade qui l’avait vexé.
— De toute manière, à cause de mes chaînes et de ma présence secondaire dans ton corps, je ne peux pas t’en donner énormément. Le gros de la magie divine provient de toi donc ne t’attends pas à ce que je te sauve la mise à chaque fois que tu es en difficulté.
Cette fois je grimaçai. Il marquait un point.
« Il y autre chose que je voudrais que tu m’expliques, repris-je.
— Quoi donc ?
— Tu m’avais dit que si Hepiryon se réincarnait, j’aurais peut-être une chance car il ne serait pas aussi fort que dans ton souvenir. Pourquoi cela ?
— Ah ! s’exclama-t-il. Tu admets enfin que mon frère existe !
— Après le Xenos, je n’ai pas trop le choix, soupirai-je. Mais j’aimerais une réponse quand même ! Tu m’as dit que le corps était limité par l'esprit. Logiquement, si tu possédais le plein contrôle de mon corps comme tu le souhaites, tu ne serais plus limité par ma mortalité. Alors qu’est-ce qui vous empêcherait, toi et ton frère, de récupérer le pouvoir de vos anciens corps comme auparavant ?
— Ton analyse m’impressionne, me répondit l’Eternel, mais elle est fausse. Tu dois comprendre une chose : sans votre esprit, votre corps ne fonctionne pas. Si j’avais le contrôle de ton corps, j’aurais tout de même besoin de la présence de ton esprit pour que ton organisme fonctionne correctement. Sauf que la présence d’une trace de mortalité, c’est-à-dire ta conscience, m’empêcherait d’exprimer mes pleins pouvoirs par l’intermédiaire de ton corps. Je serais plus fort que toi, mais pas au summum de mes capacités. Le seul moyen de contrer cela, si encore c'est possible et je n’en suis même pas sûr, serait que ton esprit disparaisse.
Je déglutis devant cette perspective.
« Ah...
— Mais l’esprit est l’identité de la chair : sans ta conscience, ce corps ne fonctionnerait pas ! Donc n'aies crainte je ne compte pas te laisser mourir. Les hommes n'ont pas encore compris que leur esprit et leur corps sont liés plus intimement que n'importe quelle autre chose dans l’univers. Le corps et l'esprit naissent ensemble et sont joints à partir de cet instant. Un corps obéit à un esprit et ne fonctionne qu'à condition que cet esprit soit toujours présent à l'intérieur de son enveloppe charnelle pour lui donner des ordres.
— Tu te contredis, non ? S'il n'obéit qu'à l'esprit avec lequel il est né, pourquoi obéirait-il à celui d'un autre, comme le tien ou celui de ton frère en l’occurrence ?
— Parce qu’on peut le « duper ». Enchaîner et réduire au second plan l'esprit de l'hôte permettrait non seulement au corps de continuer de fonctionner, car l’âme qui lui est accordé serait encore présente, mais aussi de m’en donner les commandes. C’est ce que fera mon frère au mortel qu’il choisira comme réceptacle, et c’est ce que j'aurais normalement dû te faire. Nos rôles seraient inversés et tu n'aurais même pas la force de me résister : rien que de me parler te coûterait énormément d'énergie. C’est uniquement parce que mon esprit est immortel que je peux communiquer avec toi sans difficulté.
— Si je résume bien, tu es en train de me dire que mon esprit est trop faible pour utiliser la totalité de ta puissance et de ce fait mon corps n'a pas accès à la totalité de tes pouvoirs. Ce qui au final fait que je ne peux pas être aussi fort et puissant que toi tu l'étais. Malgré tout, même si toi tu avais le contrôle total de mon corps, il serait toujours limité par mon esprit car mon corps a besoin de mon âme pour fonctionner. Ma conscience étant mortelle, mon corps reste mortel et donc restreint.
— Et nous arrivons au souci qui est que pour retrouver un corps aussi puissant que je l'avais, il faudrait que tu deviennes entièrement immortel afin que tu puisses employer tous mes pouvoirs, et que ton corps devienne lui aussi celui d’un Eternel. Ou bien que ton âme disparaisse dans le néant pour ne laisser que mon âme d'Immortel dans ton corps, ce qui n'est pas envisageable. Tu es le carburant qui fait fonctionner ce corps, sans toi il resterait inanimé. Même pour moi. Donc dans les deux cas nous sommes coincés. »
Je ne vous raconte pas le mal de crâne que j'avais en essayant de comprendre tout cela. Malgré tout, il me semblait avoir compris l’essentiel. Il reprit donc avec gravité :
« Tu comprends donc pourquoi j'ai besoin de toi mais pourquoi je déteste avoir créé des êtres aussi fragiles que les Hommes. Tu ne peux pas exploiter tout mon potentiel ! Mais je n'avais pas prévu avoir un jour besoin d’un humain...
— Donc d’abord j’apprends à me battre chez les Elementaris, et ensuite, une fois que mes pouvoirs auront cessé de grandir, tu verras jusqu'où mon âme est capable d’utiliser l'énergie qui lui est mise à disposition.
— Exact. Mais le plus gros viendra de toi. Comme je te l’ai expliqué, une fois le début de tes capacités débloquées, le reste te viendra naturellement de par ton instinct qui s’aiguise et se formate de plus en plus comme celui d’un Eternel. Tu l’as déjà vu : tu t’habitues à avoir la possibilité de réaliser des exploits surhumains comme si c’était naturel, et tes propres capacités que tu viens à peine de découvrir comme la télékinésie, deviennent de plus en plus instinctives à utiliser. Tu ne penses plus comme un véritable mortel.
— Et tout ça parce que tes pouvoirs, la magie divine, ont commencé à couler dans mes veines dès ton réveil. Je n’imaginais pas la magie de cette manière…
— Le sens du mot « magie » a dérivé depuis. Aujourd’hui vous l’utilisez dans le sens d'un tour de passepasse, mais la magie divine est une véritable énergie qui te permet d'innombrable possibilité. »
— Limité par mon imagination, me remémorai-je. C'est ce que tu as dit tout à l’heure.
— L'énergie divine a une forme pure que je décrirai comme un fluide invisible qui vit en symbiose avec ton sang. Mais une fois à l’air libre, elle peut prendre la forme spécifique que tu souhaites. Le bouclier, le champ de force, le rayon d'énergie sont les formes les plus basiques parmi tant d'autres, mais tu peux l'utiliser de bien d’autres manières. Lors de la télékinésie, tu l'utilises. Les Elementaris en utilisent une sorte de variante pour contrôler les éléments. Elle peut être visible ou bien invisible, tout dépend de ce que tu souhaites d’elle. De comment tu l’imagines.
— Mais ça me fatigue grandement de l'utiliser, fis-je remarquer. Après la vague d'énergie, j'étais épuisé.
— Parce que tu ne contrôles pas la quantité que tu libères et que tu ne connais pas tes limites. Mais plus tu l'utiliseras et plus tu arriveras à l'utiliser longtemps et en grande quantité. C'est comme la course, courir plus longtemps c'est une question d'endurance et d'entraînement pour vous les Hommes. »
D’une accélération, je doublais une voiture sur l’autoroute tout en assimilant ces nouveautés. Je ne m’en étais pas rendu compte mais il avait raison : ce nouvel instinct que j’avais et qui me rendait plus sûr de moi, et plus apte à faire face au danger, me permettait aussi d’accepter ma nouvelle condition sans la moindre hésitation. Je bondissais à des hauteurs anormales d’où je pourrais me briser la nuque en chutant, et pourtant je n’avais aucune crainte à réaliser mes sauts. J’avais aussi affronté un homme armé d’un couteau sans songer un seul instant à m’enfuir, me sentant capable de faire face à la menace encore une fois potentiellement mortelle. Pareil lorsque j’avais sauté de toit en toit, c’était sans gêne que j’avais bondi au-dessus du vide, faisant confiance à mes capacités alors que j’aurais pu me tuer au moindre échec. La peur du danger et de mourir auraient dû m’interpeler et me freiner, mais elles semblaient avoir disparu grâces à mes nouvelles aptitudes sans même que je ne m’en rende compte. Et tout cela afin de me permettre de tirer parti au maximum de mes capacités !
C’était tout simplement incroyable ! Je mis un moment avant de réengager la conversation pour revenir sur notre principal problème :
« Avant de parler des Elementaris, il faut déjà les trouver. Et pour cela, il va falloir trouver un moyen de quitter le continent. Sans prendre un bateau ou un avion, je ne vois pas d'autre moyen de rejoindre les États-Unis.
— J’y songeai justement, et j'ai peut-être un moyen, répondit-il après un instant de réflexion.
— En volant ? suggérai-je avec envie.
— Non, t’apprendre à voler serait risquer et une perte de temps que l’on ne peut pas se permettre. En réalité je ne suis pas sûr que ce à quoi je pense fonctionnera... Mais après tout, si tu es capable d'utiliser la magie divine tu devrais pouvoir y arriver. Il faut simplement espérer que ton corps tienne le coup. »
Je fis une embardée sur la droite à la fin de phrase, me prenant au dépourvu et faisant chuter mon moral aussitôt.
« Qu'est-ce que tu entends par « si ton corps tient le coup » ?! J’en ai assez de mettre ma vie en danger !
— Que serait la vie sans danger ? Et puis, avec mon aide, tu devrais y arriver en un seul morceau, et rapidement. Mais il faudrait que tu me laisses plus de liberté.
— C'est quoi ce moyen de déplacement ultra-rapide ? demandai-je, intrigué.
— À mon époque, je disais '' Translatíon '', ce qui dans votre langue se traduirait par…
— Déplacement lumineux ! traduisis-je avec enthousiasme sans trop savoir comment. Car « Latíx » signifie lumière et « Transleï » correspond au déplacement ! Ne me dis pas que tu vas m’apprendre à me téléporter ?!
— Bon « téléporter » sonne moins bien, mais le principe reste le même. On va disparaître d'ici et se fondre dans l'énergie qui parcours ce monde depuis sa création, la lumière, pour se déplacer d'un endroit à un autre. Pendant un bref instant, nous ne serons qu'énergie. J'espère juste que ton corps résistera à la transformation, sinon on est dans… »
— … la merde, terminai-je sans pour autant m’inquiéter. On commence quand ?! »
Si je mourais de cette manière, je voyais déjà toute l'armée d'Hepiryon se tordre de rire devant mon incroyable débilité. Mais je m’en moquais, être capable de me téléporter m’ouvrirait les portes du monde entier ! Je serais capable de faire les mêmes choses que Hayden Christensen dans le film Jumper !
« Par contre, on n’aurait pas pu faire ça de Paris directement ? soupirai-je en mon for intérieur. On aurait gagné du temps et épargné beaucoup de stress aussi.
— Plus on sera proche de notre destination, me répondit Astérion, moins il y aura de risque que tu ne meurs dissipé en milliers de particules. Et puis, je te rappelle que notre fuite de la capitale a été quelque peu précipitée. De toute manière, ce trajet nous aura permis de parler : maintenant tu es mieux informé et tu sais ce qui t'attend une fois à destination. »
Il n'avait pas tort mais cela m'aurait coûté de le lui dire.
C’est dans le silence que, une heure plus tard, nous arrivions à Rennes. Le jour commençait à baisser dans le ciel gris en fin d’après-midi et la jauge d'essence de la moto indiquait que je n'allais pas pouvoir parcourir plus de cent kilomètres avant d'être à sec. Je regrettais de nouveau ma carte bancaire mais de toute façon cela aurait été dangereux de retirer de l'argent ou de payer avec. Il allait donc falloir prier pour que la moto m’emmène le plus loin possible car je n’avais aucun moyen de faire le plein.
Je m’arrêtai finalement à une aire de repos avant d’arriver en ville. Je n’en pouvais plus d’être assis, j’avais les fesses en compote. Ayant fait don de tout mon argent au SDF, je ne pouvais pas acheter quoi que ce soit dans le petit commerce. Mais j’avais soif, mon ventre hurlait famine, et la fatigue reprenait peu à peu le dessus. Peu fier de moi, je fis glisser sur le sol de la nourriture provenant du magasin. Je me retrouvai avec un sandwich, des chips, de l'eau et une barre chocolatée. Heureusement, personne ne les vit venir vers moi comme animés d'une volonté propre.
Utiliser la télékinésie pour des choses semblables me déplaisait. J’en avais mauvaise conscience. Astérion tenta de me remonter le moral en m’assurant que si je ratais la « translatíon », au moins j'aurais mangé un dernier sandwich au poulet avant de mourir. Si vous aviez un ami en pleine dépression, demander à Astérion de lui remonter le moral reviendrait à lui donner une corde et une chaise. Ma poche se mit à vibrer tandis que je mangeais à l'écart sur ma moto. Je me rendis compte que j'avais encore mon téléphone dans ma poche. C'était ma mère qui m'appelait, elle avait dû trouver le message que je leur avais laissé.
En effet, j'avais une trentaine d'appels manqués, mais je n'avais pas senti les vibrations lorsque je roulais. Pendant un instant je fus fortement tenté de décrocher mais je me retins. Puis une crainte m’apparut : et si la police avait réussi à tracer mon téléphone jusqu’ici ? Je ne savais pas si c'était réellement possible ou non et je n'avais pas envie de le vérifier. Mais je me détendis rapidement : je ne resterais pas ici bien longtemps, il fallait que je rejoigne la côte. Je retirai la puce et la batterie de mon téléphone avant de le jeter dans une poubelle de la station, en même temps que mes déchets.
Après un passage urgent aux toilettes, je repris la route.
Il m'aura fallu une heure de plus pour arriver à Vannes, une ville au bord du Golfe du Morbihan. Une fois là-bas, je réussis à trouver un garagiste tandis que mon fidèle destrier commençait à montrer des signes de faiblesse. En bref, j'étais en panne d'essence.
L’homme, malgré que je n’aie aucun papier attestant que c’était bien mon véhicule, me proposa de racheter ma moto pour mille euros. Il devait se douter que ce n’était pas ma moto mais vu l’affaire qu’il pouvait faire en la reprenant aussi peu cher, il passait outre. Étant donné qu'il voulait me faire un chèque et que je voulais de l'argent liquide à sa grande surprise et sa plus grande joie, je la lui vendis à six cents euros.
Je pris ensuite les transports en commun pour me rendre à l'hôtel le plus proche qu'il m’indiqua. Sans téléphone je n'avais aucune idée sur la manière de trouver un hôtel ici. J'étais déjà venu à Rennes ou quelques autres villes Bretonnes mais jamais à Vannes si bien que j'étais perdu. Bien sûr, c'était beaucoup plus petit que Paris, mais cela restait vaste tout de même, surtout quand on ne connaissait pas son chemin. Je pris une chambre à l'hôtel Quick Palace pour une nuit. Astérion et moi étions tombés d'accord : il valait mieux nous reposer avant d'essayer quoi que ce soit afin de prendre le moins de risques possible. Nous n'étions plus à une journée près, après tout. Une fois avoir mangé au restaurant de l'hôtel et m'être lavé (car c'est fou ce que je puais !), je pus enfin faire une chose que j’attendais désespérément depuis bien trop longtemps : dormir.
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