Chapitre 23 : La maîtrise de la terre
Le lendemain de ma Ternaíre, à ma demande, mon entraînement matinal s’intensifia. J’avais gardé les paroles des esprits élémentaires pour moi mais j’avais été suffisamment clair sur le fait que ce que j’avais vu ne présageait rien de bon pour l’avenir. Si je voulais avoir une chance de vaincre l’ennemi, il allait falloir accélérer mon apprentissage et intensifier mes entraînements. La veille, j’aurais été découragé par cette perspective. Surtout après la raclée que m’avait mise Kalya. Le rythme normal était déjà exténuant alors le rendre plus rude risquait de devenir insupportable.
Pourtant, la Ternaíre avait changé ma vision des choses.
J’avais ressenti l’énergie de ces créatures que j’avais rencontrées et qui n’avaient d’humain que leur silhouette. C’étaient des entités autrement supérieures aux Hommes et bien plus incompréhensibles et indescriptibles que tout ce que j’avais vu jusqu’alors. Et c’était pour cette raison que leurs mises en garde m’avaient tant ébranlé. Leurs paroles avaient surgi dans mon sommeil, telle une mise en garde dans le but de me rappeler ce pourquoi j’étais venu. Non pas que j’avais oublié mais, depuis l’attaque du Xenos et mon arrivée, les choses s’étaient calmées et je me sentais en sécurité à Thorlann.
Mais, de façon égoïste sans doute, je n’avais pas songé que ma famille se trouvait hors des parois de la cité et qu’ils étaient des cibles vulnérables pour un Xenos ou un Gerydïon. De plus, la dernière fois que j’avais ignoré l’avertissement d’un dieu, c’est-à-dire celui d’Astérion, j’avais failli être tué par un de ces cadavres diaboliques tout en mettant en péril la vie de mon patron et d’une magnifique jeune fille. Si je voulais empêcher que cela se reproduise, la seule manière, je le savais, était de devenir suffisamment puissant pour faire comprendre à mes futurs adversaires que s’ils osaient toucher à un cheveu de mes parents, de mon frère ou de quiconque d’autres, je leur ferais découvrir les enfers par moi-même. Mais pour mener ces paroles à bien, il me fallait devenir un guerrier accompli.
Autant avec les éléments qu’avec une épée ou mes poings.
Ma première résolution fut de réprimer l’attitude désinvolte de celui qui prend tout à la légère que j’affichais régulièrement. Maintenant que j’avais pris encore plus conscience de la situation, je savais qu’il fallait que je m’endurcisse. La plupart des Elementaris ne cachaient pas leurs émotions : au contraire, ils les laissaient se déverser afin de montrer qui ils étaient. Pour quelqu’un comme moi, qui avait la faculté de ressentir les émotions des autres, c’était une véritable torture. Il n’était pas rare que je me fasse engloutir par un tourbillon de sentiments lorsque j’en croisais d’incroyablement heureux, profondément attristé ou courroucé.
Cependant, contrairement à eux, je n’étais pas prêt à me dévoiler. Cela signifiait me laisser à nu or j’en étais incapable. M’endurcir, j’en étais certain, passait d’abord par ma capacité à ériger des barrières mentales capables de me protéger des sentiments d’autrui.
Mon second entraînement avec Kalya fut tout aussi douloureux et pénible que le premier, comme je m’y attendais. Mais je me relevais encore et encore, encaissant chaque défaite et me jurant de lui rendre la pareille. Ma volonté et ma rage étaient telles que Kalya m’affrontait avec sérieux et respect. Elle se montrait même encore plus redoutable et implacable afin de me pousser à donner le meilleur de moi-même.
Malheureusement, même avec la meilleure des déterminations, ce ne fut pas suffisant pour la vaincre. Mais, à mon grand soulagement, je sentais que mes réflexes s’affinaient. Par trois fois, j’avais deviné et déjoué ses tentatives de me faire mordre la poussière et, une fois, j’avais réussi à la désarçonner en atteignant son épaule. Cette attaque-là l’avait beaucoup ébranlée et j’avais bien lu la surprise dans ses yeux sombres. Bien sûr, c’était peu au bout de trois heures de dur labeur mais, au vu des capacités et de l’expérience de l’Elementaris, c’était une grande victoire pour moi.
La matinée se poursuivit sous le soleil et sa chaleur pesante. Je répétai à nouveau, de manière incessante, parades et enchaînements à mains nues qui, Elysion me l’assurait, me permettraient de faire face à n’importe quel Xenos. Là encore, mes coups devenaient plus précis et vifs. Non pas que mes capacités continuaient de croître, même si ce n’était pas impossible, mais je les employais simplement à meilleur escient. Chaque attaque avait un but, qui n’aboutissait pas toujours certes, mais qui n’était plus le fait du hasard. Et cela, comme l’avait souligné Elysion, était la preuve que je réfléchissais et donc que je m’améliorais.
Plus tard, après notre déjeuner, Talane vint de nouveau me chercher. Cette fois, je le savais, il avait dans l’idée de me mener dans la forêt de la zone sud de Thorlann afin de m’enseigner la maîtrise de la terre. À mon retour, tous les Kalhns avaient approuvé de débuter mon apprentissage des éléments le plus tôt possible. J’avais dû contenir mon impatience toute la matinée mais enfin j’allais débuter son enseignement !
Plus encore que ma force ou mes réflexes, le simple fait de m’imaginer dompter les flammes et les tornades me donnait l’impression de devenir invincible. Même si je tentais de me raisonner en me rappelant que si les éléments rendaient aussi puissant, les Elementaris n’auraient pas été en si grande difficulté face aux Xenos lors de la Grande Bataille, cette idée continuait de flotter dans mon esprit et d’attiser la flamme du combattant qui persistait à brûler dans ma poitrine.
« Kacelia viendra te chercher ce soir pour te mener au match de Dænami, m’informa Kalya alors que je m’apprêtais à suivre Talane. C’est le dernier match de l’année et il serait dommage pour toi que tu ne voies pas à quoi ressemble un vrai sport !
— Avec plaisir, répondis-je en refoulant la curiosité que m’inspirait cette pratique sportive unique en son genre. À ce soir dans ce cas. »
Je leur adressai un signe de la main avant de suivre le Kalhn de la terre. Ce dernier resta silencieux tout au long du trajet et je dus me mordre la langue pour faire de même. J’avais tant de questions ! Il me mena au tréfond de la massive forêt. Bientôt le feuillage devint si épais que le soleil n’arrivait plus à percer le couvert des arbres. Alors qu’il faisait jour, nous nous trouvions dans une quasi obscurité qui contraignit mes yeux à s’accoutumer. Le silence pesant qui nous entourait n’était perturbé que par le son d’une branche du Lithán qui coulait non loin d’ici. À mon grand étonnement, même les animaux ne semblaient pas vouloir nous déranger durant notre séance.
Talane s’arrêta finalement, apparemment satisfait de l’endroit où nous nous trouvions. Je ne voyais rien de spécial à ce lieu, excepté l’absence d’animaux. Dans la cité, il n’était pas rare d’en croiser qui se promenaient sans la moindre inquiétude et se laissaient attendrir et nourrir par les Elementaris. Sinon, on retrouvait encore dans ce lieu la même beauté végétale que n’importe où à Thorlann.
Mon mentor se tourna enfin vers moi.
« Sais-tu pourquoi nous commençons ton apprentissage par l’élément de la terre, Peter ? me questionna-t-il de sa voix grave et harmonieuse. »
Je secouai négativement la tête.
« Parce que c'est l'élément qui donne le moins de soucis aux Elementaris, m’expliqua-t-il. En règle générale, les Elementaris de la terre maîtrisent leur élément avant les autres car il est considéré comme le plus docile. Suivent l'eau et le feu quelques années plus tard, puis celui de l'air, plus difficile à contrôler et dont les adeptes sont un peu moins nombreux. (Il laissa planer le silence avant de poursuivre :) La maîtrise des éléments n'est pas donnée à tout le monde, comme tu le sais déjà. Uniquement aux Elementaris. Mais même chez nous, ce contrôle est variable d’un individu à l’autre. Chez certains elle est innée, chez d'autres elle demande de l'entraînement et quelques fois, elle n'apparaît jamais. Pour quelle raison ? Nous l’ignorons. Mais ce que nous savons, c’est qu’une fois la Ternaíre accomplie, nous obtenons l’accès aux pouvoirs élémentaires jusqu’à la fin de notre existence. Comme le prouvent les Eríans. »
Il releva la manche de sa tunique pour me dévoiler la lettre G tatoué sur son avant-bras gauche.
« Ces marques sont le symbole même de l’élément qui nous anime et qui nous a choisi pour l’employer à notre guise. Aujourd’hui, tu es le seul être vivant réunissant les quatre Eríans. »
Je jetai un œil aux quatre lettres sur mon avant-bras. Il m’arrivait encore de la frotter en ressentant quelques picotements. Elles ressemblaient à un tatouage ordinaire mais je savais bien au ton de Talane qu’elles représentaient bien plus que cela.
« Chaque lettre représente un élément, n’est-ce pas ?
— Tu l’as deviné par toi-même ? me questionna le Kalhn, intéressé.
— Je l’ai supposé, mais Elysion me l’a confirmé. »
En effet, Kalya et Elysion m’avaient eux-mêmes montré leurs Eríans le matin même. Je n’y avais pas prêté attention jusqu’alors mais je m’étais promis d’y faire plus attention à l’avenir.
« Le F signifie Firren, ou le feu dans ta langue, m’expliqua Talane. Le A représente Aléoa, l’air…
— Le H veut dire Hydwa, l’eau, et la terre est symbolisée par le G de Galiena, terminai-je. Je le sais. »
Talane fronça les sourcils.
« Tu fais preuve d’une grande perspicacité, remarqua-t-il.
— J’ai simplement pris de l’avance en me renseignant auprès de Kalya et Elysion, répondis-je avec honnêteté.
— Avais-tu peur que je manque à mes devoirs d’enseignant ?
— Je craignais surtout de vous montrer mes lacunes. »
Ma réponse le laissa soucieux. Durant presqu’une minute, il me dévisagea de ses yeux verts scintillants.
« Tu sembles différent, Peter, finit-il par dire.
— Que voulez-vous dire ? m’étonnai-je en haussant un sourcil.
— Depuis que tu es revenu de l’antre céleste, tu parais animé par un désir plus mordant encore d’être le guerrier que tu étais si récalcitrant à devenir. Et cela te rend… prévoyant. Et quelque peu impatient aussi. »
Cette fois ce fut à mon tour d’être à court de mot. Je détournai le regard. Comment avait-il deviné la hâte que m’inspirait cet apprentissage alors que je m’efforçais de ne pas dévoiler mes sentiments ?
Talane reprit avec douceur :
« Tu ne dois pas essayer d’interpréter ce que tu as vu lors de la…
— Sauf votre respect, l’interrompis-je alors en le fixant droit dans les yeux, vous ne savez pas ce que j’ai vu lors de ma Ternaíre. »
Son regard demeurait imperturbable. Tout comme celui du Kalheni lorsque je ne contrôlais plus ma rancœur envers Astérion, à mon réveil à Thorlann. Face à son manque de réaction, il me fallut reconnaître que la patience des Elementaris de la terre, décrite par Kalya, était remarquable.
« En effet, admit le Kalhn, je ne le sais pas. Et je n’ose imaginer ce que les esprits qui te sont apparus ont suggéré pour que ton comportement devienne aussi dur. Nous savons tous, qu’étant donné la voie que tu suis, ton avenir connaitra de nombreux… obstacles. Mais tu ne dois pas baser tes choix et tes actes sur ce qu’ils t’ont confié. Une mauvaise interprétation de leurs paroles…
— Sauf qu’il n’y a pas de mauvaises interprétations possibles ! le coupai-je à nouveau en ressentant l’agacement enfler dans ma poitrine. Ils me l’ont prédit : mes proches souffriront des affrontements à venir et j’endurerai un chagrin et une douleur plus grande que jamais ! Comment réagiriez-vous à ma place ? »
Mon professeur assimila mes paroles tandis que j’essayais de refouler les émotions néfastes. J’avais toujours su rester impassible… Alors pourquoi, à présent, je me laissais emporter aussi facilement ?
« Je ne peux pas t’assurer qu’il n’y aura pas de victime…
— Dans ce cas ne le faites pas.
— … mais je peux te promettre que nous ferons de toi le plus redoutable des guerriers, acheva-t-il. »
Je restai un instant silencieux, essayant de déchiffrer son regard.
« Je le sais, répondis-je finalement. C’est pour cela que je suis aussi convaincu que m’entraîner sans relâche m’offrira toutes les chances de déjouer ce funeste futur auquel je semble destiné. Je compte rejoindre ma famille dès que mon entraînement sera terminé ! Chaque jour qui passe laisse la possibilité à Hepiryon de s’en prendre à eux ! »
— Et qu’est-ce qui te fait dire qu’il ne l’a pas déjà fait ? »
Sa réponse me figea.
« Ta famille est en effet une cible facile pour l’Eternel du Chaos, mais s’en prendre à eux n’aurait aucune utilité pour le moment. Non seulement parce qu’il ignore où tu te trouves en ce moment, dissimulé par le dôme d’énergie, mais également parce que cela risquerait d’avertir les humains. Or je suis certain qu’il préfère retarder cela le plus possible. »
Je le dévisageai, soucieux.
« Mais…
— C’est en te précipitant et en retournant au plus vite auprès de ta famille que tu joueras le jeu de l’ennemi, poursuivit l’Ancien. Tu comprends ? »
Je hochai la tête, embarrassé devant ma stupidité.
« Je n’avais pas réfléchi à ça…
— Parce que tu es jeune, répondit-il avec sympathie, et que l’amour que tu éprouves pour ta famille est fort. Et cela te permettra d’accomplir ton entraînement et de protéger tes proches le moment venu. »
Talane se leva et ajouta :
« Éprouver des sentiments aussi forts n’est pas une faiblesse. Nous, les Elementaris, l’avons compris. Les émotions nous façonnent, tout autant que nos responsabilités en tant que protecteurs des Hommes. Et c’est également ton cas, Peter. »
À ces mots, les paroles de l’esprit de l’air me revinrent en tête et semblèrent résonner à mes oreilles.
« Jamais plus tu ne redeviendras celui que tu as été, Peter, avait-il dit. Aujourd’hui, l’es-tu encore ? »
Étais-je le même depuis que j’avais appris ce à quoi j’étais destiné ? Je le pensais mais peut-être que, de la même manière que l’on ne se voit pas grandir, je n’avais pas vu ma personnalité changer. En tout cas, les paroles de Talane me laissèrent abasourdi. Apparemment, il en avait terminé car il me fit signe de le rejoindre auprès d’un des pins qui nous entouraient.
Après une hésitation, j’obéis.
« Pose ta main contre l’écorce et dis-moi ce que tu ressens. »
Toujours perturbé par ses précédents propos, il me fallut une seconde pour me ressaisir. Une fois concentré, cela ne me prit que quelques instants pour ressentir ce faible battement régulier au bout de mes doigts. Je l’avais déjà ressenti au contact d’un sequoia : c'était comme si un cœur battait au ralenti à l’intérieur même de l’arbre. Je le sentais, profondément enfoui sous l’écorce.
« Je ressens comme un pouls, décrivis-je au Kalhn.
— Bien, dit mon professeur, tes sens sont affûtés. Mais tu ne comprends pas comment un tel phénomène peut se produire, n’est-ce pas ? »
Je secouai la tête et il prit ma main entre ses longs doigts sombres afin de la guider et la poser sur la terre dure. Sans savoir ce que je devais faire, agenouillé, je me focalisai sur le sol rigide, perplexe. À mon grand étonnement, le battement se fit de nouveau ressentir mais d’une manière plus prononcée. Rapidement, il se mit à croître. À présent, je ne savais plus comment décrire cette sensation. J’avais l’impression que quelque chose tentait de… se connecter à moi. À travers ma paume. Mes yeux s’agrandirent lorsque ma main se mit à luire d'un léger mais vif éclat doré. Mon corps tout entier commençait à s’engourdir par l’étrange échange entre moi et la terre.
Sans oser retirer ma main, je demandai à l’Elementaris :
« Qu’est-ce qui m’arrive ? »
Ma voix trahissait ma curiosité face à cet étrange phénomène.
« Tu te libères de tes enclaves d’humain pour user du cadeau que tu viens d’obtenir, répondit-il. Un don commun à tous les Elementaris. Tu entends le souffle et le battement de Hekla, la Terre-mère. Laisse l’essence de la Terre te pénétrer et te rendre la vue. »
Me rendre la vue ? Que voulait-il dire ? Il ne semblait pas enclin à approfondir son argument, ce qui ne me laissa pas d’autre choix que de le découvrir par moi-même. Je tâchai de détendre tous mes muscles et de retrouver une respiration régulière. J’abaissai les barrières mentales que j’avais inconsciemment érigé face à cette sorte d’invasion. Une fois fait, le processus entre la terre moi s’accéléra. Ma tête commençait à tourner et devenir lourde. De brèves électrochocs traversaient à présent mon corps à fréquence régulière. Ce n’était pas désagréable, simplement perturbant.
Après quelques minutes, ma peau finit par cesser de luire et la connexion sembla se rompre d’elle-même. Supposant que c’était terminé, je retirai ma main engourdie du sol et me remis debout avec lenteur. Mes oreilles étaient prises d’acouphènes tandis que mon cerveau peinait à se concentrer. Je me sentais comme groggie.
« Qu’est-ce… qui… m’arrive ? balbutiai-je. »
Une poigne puissante me saisit et m’aida à me redresser.
« Tu subis ce que l’on nomme Maleas Elentaria, les maux élémentaires, me répondit Talane. Ton cerveau tente de s’adapter à la masse d’information »
Je tournai mon regard vers lui mais je ne voyais qu’une silhouette floue.
« Quelles infor… commençai-je avant de m’interrompre. »
Brusquement, ma vue s’éclaircit et la sensation de tournis disparut. Je restai bouche bée devant ce que je voyais. Ou plutôt, ce que je ne voyais pas.
De manière indescriptible, je savais la présence d’une fourmilière à dix mètres d’ici, dissimulé par un arbre au tronc volumineux. Je percevais ses habitantes sans pour autant les voir. Pourtant, dans mon esprit, la vision des ouvrières s’affairant à leurs tâches s’imposa. Chacune leur tour, elles entassaient feuilles et fruits qu’elles avaient réunis avant de repartir à la recherche de nourriture. Je sentais leur dévotion à leur reine et leur entente d’une incroyable complexité démontrant la sociabilité extrême de ces insectes.
Puis mes sens changèrent de cible.
Dissimulé sous un rocher à deux mètres de nous, un lézard recherchait lui aussi de la nourriture. Je sentais l’esprit du reptile aux aguets du moindre insecte qui passerait à proximité, aussi immobile qu’une statue.
Ensuite, l’image d’un oiseau semblable à un merle, avec l’extrémités des plumes d’un bleu irisé, apparut dans mon esprit. Le volatile venait de décoller six mètres au-dessus de nous, et je n’avais pas eu besoin de lever la tête pour le voir. Sans le moindre bruit, ses ailes le portaient vers son nid ou trois petits piaillaient.
Mon esprit bifurqua encore une fois.
Deux arbres à ma gauche, confortablement enroulés dans un nid de branchages, deux écureuils au pelage brun faisaient leur toilette. La femelle ne cessait de jeter un regard en arrière, là où deux petits étaient lovés et dormaient paisiblement. Je devinais également le réseau de sève et d’eau de chacun des arbres alentours, circulant d’un bout à l’autre pour apporter nutriments et vitalités nécessaires à leur bon développement. Je savais avec une précision exacte la profondeur de leurs racines incroyablement éparses. Le moindre mouvement d’un animal, la moindre feuille qui se décrochait de sa branche, le moindre bourgeon qui fleurissait… Mon cerveau captait toutes ces informations et les stockaient afin de m’en informer.
Je n’avais même pas l’impression d’observer la nature : j’étais en phase avec elle. J’étais un membre de l’écosystème lui-même !
« C’est… »
Les mots se perdirent dans ma bouche. Magique ? Incroyable ? Aucun ne semblait suffisamment proche de la vérité pour décrire ce que j’éprouvais en cet instant. Je me sentais connecté à la faune et la flore sylvestres. Talane hocha la tête, comme s’il avait deviné ce que je n’arrivais pas à exprimer par de simples mots.
« Tes capacités sensorielles te permettent de nous détecter parce que notre énergie est semblable à la tienne. Maintenant que tu as obtenu le pouvoir des éléments, la signature de ton énergie a changé. Et de ce fait, tes sens ont évolué afin d’avoir accès à un monde encore plus vaste. »
Je tournai sur moi-même, émerveillé, incapable de contenir le grand sourire dessiné sur mes lèvres. Le scarabée qui se déplaçait dans l’herbe sur ses six pattes à trois pas de nous me paraissait fascinant. L’aigle qui saisissait un rongeur après une descente en piquée, à une trentaine de mètres d’ici, était époustouflant. La complexe structure de l’écorce constituée de cellules aux rôles de protection comme de nutrition afin que l’arbre s’épanouisse, était sublime. J’avais la sensation d’observer le plus beau des tableaux, mais dont la représentation était en mouvement perpétuel afin de montrer quelque chose de nouveau à chaque instant.
« Peter, tu m’écoutes ?
— Hein ? »
Il me fallut produire un effort immense pour m’arracher de ces visions féériques et dévisager Talane. Pourquoi ne me laissait-il pas savourer cet instant merveilleux ? Un des petits écureuils venait d’ouvrir un œil brun et tentait de se maintenir sur ses pattes fébriles. Mon esprit se concentra sur lui lorsque la voix de l’Elementaris retentit à nouveau avec une autorité que je ne l’avais jamais entendu employer :
« Tu dois fermer ton esprit à présent !
— Pourquoi ? m’indignai-je. C’est extraordinaire !
— Tu risquerais de ne plus jamais revenir à la réalité.
— Mais c’est la réalité ! rigolai-je. Tout cela est bien réel !
— Non, insista-t-il, ce n’est pas ta réalité. Ferme ton esprit ! »
Le ton sans réplique qu’il utilisa me sortit de l’envoûtement que générait cette capacité. Surpris, je clignais des yeux plusieurs fois tout en tâchant d’ignorer le flot d’information que mon cerveau m’envoyait sur l’environnement. Il me fallut ériger de nouvelles barrières mentales pour ne pas laisser les images et les sensations s’engouffrer dans mes pensées.
« Bien, approuva Talane. Tu dois comprendre que tu ne peux pas laisser ton esprit vaguer trop longtemps dans un tel état d’omniscience. Tu risquerais de te fondre entièrement dans la nature et te perdre dans la réalité sylvestre. Mais ta réalité, c’est-à-dire ton corps et tes propres pensées, doivent rester tiennes et ne pas se disperser si tu veux les garder unies. »
— Pourquoi me l’avoir montré si c’est dangereux ? l’interrogeai-je, surpris. »
Je n’arrivais pas à croire que j’aurais pu me perdre dans les tréfonds de la nature en restant dans cet état… d’omniscience ? Était-ce ainsi que Dieu voyait les choses d’après les croyants ? Maintenant c’était comme s’il venait de me faire goûter le gâteau le plus délicieux au monde mais me demandait de ne pas y toucher alors qu’il était juste sous mon nez.
Comment résister à la tentation ?
« Parce que cette connexion t’est nécessaire pour vivre parmi nous et nous comprendre. Je ne t’interdis pas de l’employer mais tu dois garder en tête que dépasser la limite charnelle avec ton esprit afin de toucher les âmes des autres êtres vivants est extrêmement enivrant. Tu dois toujours revenir à toi avant de sombrer éternellement dans cette d’ivresse. Cependant, elle te changera pour le mieux et t’offrira la clairvoyance perdue par les tiens lorsqu’ils ont décidé d’oublier d’où ils venaient. »
Je passai d’un pied à l’autre, mal à l’aise. C’était la première fois que quelqu’un d’autre, hormis Kalya, abordait le sujet de la trahison des Hommes envers les Elementaris. Pourtant, Talane n’avait pas dit cela de manière agressive. Au contraire, il avait retrouvé son timbre paisible.
« Maintenant que cela est fait, ajouta-t-il, nous pouvons commencer.
— Commencer quoi ? demandai-je, perdu.
— Ne trépignais-tu pas intérieurement d’impatience à l’idée de débuter ton apprentissage du contrôle des éléments ? s’étonna-t-il en haussant un sourcil. »
Obnubilé par la nature, j’en avais oublié ma véritable présence ici.
« Si, excusez-moi.
— Ne t’excuse pas, je préfère te savoir enthousiaste que récalcitrant. »
Sur ces mots, il leva sa main en direction d’un rocher situé tout près de nous. Ce dernier s’éleva aussitôt sur près d’un mètre de hauteur, comme si la gravité avait perdu tout effet sur lui. De ce rocher, le même lézard dont j’avais senti la présence, jaillit pour s’enfuir dans les bosquets. Il me fallut faire face de nouveau à l’envie de suivre son parcours pour me concentrer sur mon mentor. Talane était entièrement concentré sur la pierre. Il poursuivit avec des gestes légers et le rocher tourna lentement autour de nous, obéissant parfaitement. Je le suivis du regard, tout aussi émerveillé que par ce que j’avais vu un peu plus tôt. Jamais avec la télékinésie j’aurais été capable de soulever quelque chose d’aussi lourd !
Le Kalhn serra alors son poing d'un geste vif et, en parfaite synchronisation, le caillou se brisa en multiples morceaux. Mais les bouts ne tombèrent pas, ils restèrent en suspension et tournèrent encore autour de nous, mais à vive allure. L’Elementaris dirigea ses deux index dans une direction et les morceaux s’y rejoignirent et se figèrent. D’un nouveau mouvement, il joignit étroitement ses mains et, de nouveau, la roche l’imita. Sous mes yeux époustouflés, les différentes parties se réunirent pour ne reformer qu’un seul et même roc. Comment avait-il pu lui redonner sa forme initiale ? Il semblait capable de modeler la roche à son bon vouloir ce qui, physiquement parlant, était impossible !
Tout autant que de voir et percevoir des choses qui se passaient à des dizaines de mètres de là où je me trouvais, en fait.
« À ton tour, annonça Talane après avoir laissé la pierre s’écraser dans un bruit sourd.
— Vous voulez que je fasse tout… ça ?! demandai-je avec appréhension. »
Cela relevait tellement de la magie à mes yeux que je ne voyais pas comment je pourrais parvenir à un tel résultat. Bien entendu, je voulais apprendre et ma détermination était intact. Seulement… je n’arrivais pas à voir comment je pouvais reproduire un tel exploit. Malgré mes efforts pour les lui dissimuler, mes doutes ne lui échappèrent pas.
« Non, me rassura-t-il, nous commencerons avec de la terre. La roche est légèrement plus complexe. Je veux que tu saisisses une poignée de terre et que tu la fasses flotter au-dessus de ta main.
— Mais de quelle manière ?
— Astérion a déjà dû te le dire mais tout est question de concentration. L’énergie divine qui coule dans tes veines te permet d’accomplir des prouesses inconsidérables, comme la translatíon ou la télékinésie. Et tu la contrôles par le biais de ton esprit. La concentration est la clef de tout et passe par la visualisation. Tu dois donc user de ton imagination et de ta créativité pour voir le but désiré et ainsi obtenir le meilleur résultat possible. Si tu es suffisamment concentré, l’énergie de la Création agira d’elle-même pour réaliser ton souhait. Suis-je clair ?
— Je pense que oui, mais je ne suis pas certain pour autant d’y arriver. Je n’arrive pas à translater par moi-même…
— Je t’aurais traité d’inconscient si tu le pensais, rit-il. La translatíon est, de ce que j’en sais, extrêmement compliquée à réaliser. C’est déjà un miracle que tu y sois arrivé autant de fois, même avec l’aide d’Astérion. Non, le contrôle des éléments est différent : ils te guideront jusqu’à ce que tu sois apte à te débrouiller seul. Et si cela ne suffit pas à te convaincre, j’espère te rassurer en te disant que j’ai bon espoir sur tes résultats. Aujourd’hui, tu es familiarisé avec la puissance de l’Eternel. Tu n’es donc pas entièrement novice. La difficulté ici est de dénicher l’énergie de l’élément et de la soumettre à ta volonté. Tu dois pour cela rechercher cette source et, avec ton esprit, lui donner des ordres avec fermeté. »
Même si je ne le lui dis pas, je craignais que l’Ancien me surestime. La plupart du temps j’agissais par instinct. Je n’avais qu’une vague idée sur la manière de procéder et je sentais que j’allais lamentablement échouer. Pourtant, le regard chaleureux de Talane m’encouragea à essayer. Je ramassai donc une poignée de terre sombre dans ma main et me focalisai dessus de la même manière que pour la télékinésie. La matière s’éleva alors dans ma main.
« Non, intervint Talane en secouant la tête. Tu ne dois pas utiliser tes capacités psychiques mais utiliser le pouvoir de la matière elle-même. Ton pouvoir la contraint à t’obéir, mais l’énergie doit venir d’elle et non de toi ! »
Déçu mais pas pour autant démotivé, je la laissai retomber dans ma paume et m’affairai à rechercher l’énergie de la matière. En fait, c’était comme si, spirituellement, je passais ce morceau de terre au crible fin. Je le scannai pour rechercher la moindre trace d’énergie. Étonnamment, ce ne fut pas difficile. Cette énergie était semblable à la mienne et à celle que j’avais ressentie un peu plus tôt en me connectant à la nature. J’étais même surpris de voir une telle quantité dans si peu de matière.
Une fois fait, je me concentrai et l’imaginai s’élever dans les airs sur environ cinq centimètres. L’image en tête, j’ordonnai mentalement :
« Élève-toi ! »
Bien entendu, y arriver du premier coup aurait été formidable. La terre ne daigna même pas bouger. L’absence de vent au moins me permettait d’être certain que si elle bougeait, cela viendrait uniquement de moi.
« Élève-toi ! recommençai-je. »
Toujours rien. Après trois autres tentatives non concluantes, je m’impatientai :
« Allez ! Élève-toi bon sang ! »
Je n’avais qu’une envie à présent, balancer cette grossière chose qui semblait se moquer de moi et essayer avec une autre. Pourtant je me doutais que le résultat serait le même.
« Ça ne marche pas, soupirai-je.
— Tu visualises l’ordre ? me demanda Talane.
— Oui, et uniquement ça.
— Tu as trouvé la source d’énergie à l’intérieur de la terre ?
— Aussi, et c’est d’ailleurs impressionnant ce que si peu de terre peut contenir. »
Talane fronça les sourcils.
« Si la Ternaíre a réussi, je ne vois pas pour quelle raison…
— L’Esternal, intervint alors Astérion dans ma tête.
Sa remarque fut si soudaine que j’en sursautai.
« Bon sang, tu m’as fait peur !
— Ce n’était pas le but, répliqua-t-il.
— Peut-être mais c’est le cas ! Pourquoi es-tu resté silencieux aussi longtemps ? Tu ne répondais plus à mes appels !
— Disons que je n’avais pas le droit d’être présent lors de la Ternaíre et que, de ce fait, notre lien en a été brouillé. Mais ça va mieux à présent, ne t’inquiète pas. T’ai-je manqué ?
— Pas le moins du monde, lui assurai-je sans retenir un sourire narquois. Par contre, pourquoi avoir parlé de l’Esternal ?
— Parce que c’est la raison de ton échec : les éléments ne comprennent pas vos langues futiles. Ils ne comprennent que la langue véritable des Immortels. Or, tu penses en français. »
C’était tellement stupide que pendant un instant je pensais qu’il se moquait de moi. Pourtant, je ressentis son sérieux et sa certitude.
Était-ce si simple que cela ?
« Astérion, dis-je après quelques instants à Talane, pense que cela vient de la langue dans laquelle je donne l’ordre.
— Mais bien sûr ! s’exclama ce dernier en souriant. Je n’avais pas pensé à te le préciser car pour n’importe quel Elementaris, cela aurait été évident. Nous pensons et parlons en Esternal. Tu dois te forcer à donner l’ordre en Esternal et non pas en français. Réessaye ! »
J’opinai de la tête et me focalisai sur le morceau de terre à nouveau.
« Élève-toi ! ordonnai-je en Esternal. »
Cette fois la terre trembla dans ma main avant de se mettre à flotter quelques centimètres au-dessus de ma paume.
« Magnifique ! s’exclama Talane. »
Un sourire, occasionné par la joie de la réussite, se dessina sur mes lèvres. Cela faisait si longtemps que je n’avais pas souri ainsi.
« Maintenant, ordonne-lui autre chose ! m’intima le Kalhn. »
Je fronçai les sourcils et imaginai la terre se diviser en trois parties distinctes. Aussitôt que je le lui ordonnai en Esternal, la terre obéit. Je lui ordonnai ensuite de faire trois tours avant de se redéposer dans main. Je réussis encore une fois et les applaudissements de Talane suivirent.
« Pourquoi est-ce aussi facile ? questionnai-je le Kalhn, surpris.
— Ne te méprends pas, répondit-il. Ce que tu viens de réaliser demande plusieurs semaines de préparation aux Elementaris ayant accompli la Ternaíre ! Aucun Elementaris, excepté ceux qui ont une affinité particulière pour maîtriser les éléments, n’arrive à le plier à sa volonté avec une telle aisance que celle que tu viens de démontrer. C’est absolument fantastique ! »
Cela m’avait paru si simple que je n’arrivais pas à comprendre l’intense satisfaction que je distinguais dans les yeux de mon mentor. Talane me fit poursuivre avec un caillou pas plus gros qu’une souris, avant de passer à des éléments plus imposants lorsque j’eus comblé ses attentes tout aussi facilement. Mon premier échec fut face au rocher qu’il avait lui-même utilisé lors de sa démonstration. Si j’avais trouvé l’énergie présente dans la terre remarquable, celle d’un aussi gros roc était immense. Le contraindre à m’obéir fut une véritable lutte intérieure. Le simple fait de le faire s’élever de quelques centimètres demandait un effort de concentration considérable qui me fila un sacré mal de tête.
Après plus d’une heure, nous avions déterminé la taille maximale d’une pierre, la quantité de terre et le nombre de branche que j’étais capable de contrôler. Talane m’assura que pratiquer ma maîtrise diminuerait les limites que j’avais pour le moment et qui étaient exceptionnelles alors que ma Ternaire s’était terminée la veille.
Talane finit par me faire signe de m’asseoir, ce que je fis avec un grand plaisir, et il me tendit une gourde pleine. Pendant que je savourais la fraîcheur de l’eau, il commença à m’expliquer toutes les possibilités qu'offrait son élément. Le pouvoir de la terre ne se limitait pas à la roche ou à la terre, mais aussi aux végétaux. Jusque-là je ne m’étais entrainé que sur des branches mortes. Mais les êtres vivants étaient tout aussi contrôlables.
Il m’en fit la démonstration en faisant prendre vie les branches des arbres alentours qui se mirent à bouger comme si elles avaient perdu toute rigidité. Talane cessa les mouvements et porta sa main vers une fleur située à côté de lui. La plante montrait plusieurs boutons éclos aux pétales jaunes mais il saisit à deux doigts la tige de l’un des rares bourgeons verts présents. Il ferma les yeux et son visage se contracta, signe de sa profonde concentration. Soudain, le bouton se mit à s’éclaircir et s’ouvrit pour dévoiler de magnifiques pétales semblables à ceux qui l’entouraient.
Il s’assit à côté de moi en poussant un soupir de fatigue. Il reprit sa gourde et but deux longues gorgées.
« Comme tu l’as probablement déjà remarqué, dit-il ensuite, les éléments ne servent pas seulement à nous défendre. D’ailleurs, nous ne les avons pas employés dans ce but depuis bien longtemps maintenant. Mais si tu regardes dans notre vie de tous les jours, nous les utilisons. C'est pour cela que nous ne sommes jamais à court de nourriture et que notre cité est si… parfaite, si j’ose dire. C'est aussi pour cette raison que les Hommes ne pourront jamais être aussi proche de la faune et de la flore que nous, malgré tous leurs programmes pour l'écologie. (Je manifestais ma surprise d’un haussement de sourcil et il ajouta :) Oui, nous suivons de près l’avancée des Hommes, notamment sur le respect de la nature. Et je ne te cache pas qu’elle est déplorable. »
Je soupirai de dépit. À présent, ne serait-ce que de penser à un sac plastique abandonné dans la mer ou une canette jetée dans l'herbe me faisait grimacer et me blessait tout autant qu'un coup de poing de Kalya.
« La plupart du temps, ajouta-t-il, tu n’auras pas à puiser dans ta propre force pour agir sur les éléments. Ils produisent leur propre énergie, il te suffit simplement de t’imposer avec ta propre puissance et ils obéiront. Cependant, plus l’ordre est complexe et plus il est difficile de se faire obéir. Et il existe aussi un cas unique où tu ne pourras pas puiser dans leur force, c’est lorsque tu agiras sur un organisme végétal autonome. Comme une plante ou un arbre. Tu peux demander à l’arbre de frapper un ennemi à l’aide d’une de ses branches, mais tu ne pourras pas lui demander d’user de son énergie pour grandir ou s’étendre. Pour ceci, tu devras puiser dans tes propres forces.
— Comme vous venez de le faire avec ce bourgeon, dis-je.
— Exactement. J’ai offert ma propre énergie à cette plante afin de l’aider à murir et rattraper ses sœurs. Mais comme tu le remarqueras lorsque tu essaieras, cela est redoutablement épuisant. »
En effet, son souffle haletant et la sueur qui suintait sur son front démontrait que son effort l’avait bien plus fatigué que tous ce que j’avais pu faire durant mon heure d’’apprentissage. Et pourtant il souriait, ravi de ce qu’il venait d’accomplir pour la vie de cette plante. J’espérais être un jour capable de faire de même.
Après une vingtaine de minutes où il m’autorisa à sonder l’environnement une nouvelle fois, il m’annonça que la séance était terminée.
« Nous reprendrons demain afin de te perfectionner, mais n’hésite pas à t’exercer de ton côté également. Bientôt tu pourras poursuivre ton apprentissage sur un second élément.
— Merci, lui dis-je avec reconnaissance. »
Il accepta le remerciement, se leva à son tour. Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais le cœur léger.
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