Chapitre 29 : L'évolution
Tandis que les semaines passaient et que novembre laissait place à décembre, à Thorlann, rien ne laissait croire que l’automne arrivait inexorablement à sa fin. Isolé du monde d’au-delà les remparts de roche de la cité, ce lieu où vivaient les miens et où des arbres effeuillés souffraient de la saison froide, je ne ressentis aucune envie de quitter ce lieu qui m’était désormais familier.
Cela faisait près d’un mois que je vivais chez les Elementaris, et plus encore depuis qu’Astérion avait débarqué dans ma vie sans prévenir. Les jours étaient passés si rapidement que j’avais eu du mal à croire que tellement de temps s’était écoulé depuis le fameux jour de ma chute et le réveil de l’Immortel. Pourtant, il me fallait admettre que je m’étais habitué à tous ces changements impromptus : j’avais adopté le rythme des Elementaris et la présence perpétuelle de mon ancêtre me paraissait à présent naturelle. De la même manière, mon entraînement était devenu partie intégrante de mon quotidien, tout comme Kalya et Elysion. Tous deux me firent travailler dur chaque matin, probablement plus que quiconque.
Sans le moindre répit, ni la moindre pitié.
Mais toutes ces heures à répéter inlassablement les mêmes entraînements eurent les résultats escomptés : j’excellais à l’épée avec la même virtuosité qu’Elysion et me battais avec la même dextérité que Kalya.
En clair, au prix de temps, de souffrance et de sueur, j’étais finalement devenu le combattant que j’aspirais à devenir. Mais ma formation n’était pas terminée. Comme aimait me le rappeler Astérion, il me restait encore énormément à apprendre. Chaque après-midi était destiné à mon apprentissage des éléments. J’avais pris du retard sur cette partie-ci : je ne m’étais pas révélé aussi intuitivement talentueux avec Talane qu’avec mes autres professeurs. En effet, une fois ma maîtrise de la terre achevée, ce fut au tour d’Anathone de m’enseigner son pouvoir élémentaire. À notre première rencontre, lors de mon discours face au peuple Elementarien pour annoncer qui j’étais et la raison de ma venue, le Kalhn du feu ne m’avait pas paru des plus amicaux. Ce fut lors de notre seconde rencontre, cette fois pour me former, qu’en effet, il ne m’appréciait pas.
J’étais certain qu’il faisait partie de ceux qui doutaient de ma capacité à me charger du danger qui planait au-dessus de nos têtes : Hepiryon. Il était inutile de lire dans ses pensées pour le deviner : son comportement envers moi était suffisamment explicite. Sa voix glaciale et son attitude quelque peu hostile me mettaient mal à l’aise et me rendaient réticent à passer du temps seul avec lui. Cela ne facilita pas ma progression. Le grand Elementaris possédait un physique puissant et massif, un œil droit aveugle perdu face à un Elementaris renégat et des cicatrices qui parsemaient ses bras. S’il était le Kalhn du feu, il n’émanait pas de lui la même chaleur que Talane ou Eldaf.
Je ne supportais pas d’échouer lamentablement à contrôler la moindre flammèche sous son regard inquisiteur, et je me détestais pour cela. Après notre second entraînement, où je ne fus toujours pas capable de manipuler le feu, craignant sa réaction, je partageai mes appréhensions avec Elysion. Ce dernier était un confident exceptionnel, ainsi que de bon conseil. Il savait écouter et ne se moquait jamais du malheur des autres. Il m’assura néanmoins qu’Anathone était une personne en qui je pouvais avoir confiance et que je n’avais rien à craindre de lui. Son affection pour l’Ancien était palpable et j’en fus surpris. Je ne l’avais jamais entendu employer ce ton pour quiconque, même pour Kalya dont je le savais ami de longue date.
Lorsque j’interrogeai cette dernière à ce propos, elle m’expliqua que le père d’Elysion était mort d’une maladie. Suite à cela, Elysion, encore jeune à cette époque, s'était énormément rapproché d'Anathone qui s’était comporté comme un second père envers lui. Suite à cette triste histoire, dont Elysion ne m’avait jamais touché mot, ce que je comprenais, j'appris que les Elementaris n'étaient pas aussi invulnérables que je le pensais. Chacun d’entre eux pouvait attraper un rhume ou être grièvement malade de la même manière qu’un humain, même si cela restait nettement moins fréquent et létal.
En apprenant la bonté de l’Ancien envers mon mentor, qui était devenu un précieux ami, je réussis à surmonter la crainte qu’il m’inspirait. De là découlèrent mes aptitudes : je devins, en l’espace de quatre jours et de beaucoup d’acharnement pour lui prouver ma valeur, capable de contrôler le feu. Au fur et à mesure de ma progression, Anathone fit lui aussi des efforts pour se montrer moins désagréable. Dès lors que j’en pris conscience, le feu se ploya à mes ordres et ne m’effraya plus. C‘était une expérience formidable d’être ainsi capable de manipuler ce pouvoir qui fascinait les Hommes depuis si longtemps, sans craindre la brûlure. De la même manière que la terre, je puisais l’énergie directement de l’élément pour utiliser la pyrokinésie.
Surpris encore une fois par la facilité avec laquelle j’arrivais à soumettre le feu à ma volonté, le Kalhn m’expliqua :
« Le feu n’obéit qu’à deux règles : le courage et l’empathie. Tels une flamme réchauffant nos cœurs et un feu ardent brûlant nos ennemis. Un être capable de manier le feu doit donc pouvoir ressentir ces deux émotions s’il veut espérer réussir. Et il arrive que certains naissent avec ces qualités, tout comme toi. »
Ce fut le premier compliment qu’il me fit.
Une fois qu’il m’autorisa à poursuivre ma formation, ce fut au tour de Leucaryos de participer à mon apprentissage. Il avait été le second Kalhn à montrer une certaine réticence à mon arrivée à Thorlann. Pourtant, il sembla vite changer d’avis lorsque je fus capable de faire exploser le lac Lithán dès ma première tentative. Moi-même, j’étais resté stupéfait d’avoir réalisé un tel exploit. L’eau, tout comme le feu et la terre, renfermait une quantité d’énergie incommensurable. Cependant, cette démonstration ne dura pas. Lors de mon second essai, je fus incapable de former le moindre remous sur la surface plane du lac. L’eau refusait de m’obéir aussi facilement que les précédents éléments : elle ne cessait de se débattre et de lutter contre ma volonté.
Leucaryos m’expliqua que le secret pour la maîtriser résidait dans notre propre capacité à contrôler nos émotions. Je ris jaune lorsque j’appris cela. Le problème principal était là : depuis le réveil d’Astérion, mes émotions étaient amplifiées, sans oublier que je ressentais celles des autres !
En l’espace d’un mois, j’avais été submergé par des flots de sentiments qui, pour la plupart, n’étaient même pas les miens. Sans compter les fois où j’avais perdu le contrôle de ma propre colère, de ma peine ou de ma peur. Or, cela ne m’était jamais arrivé auparavant. Lorsque j’admis tout cela à l’Ancien, il sut être compréhensif et proposa de m’apprendre à ériger des barrières mentales afin de m’isoler du reste. Cela revenait à faire le contraire de l’ouverture omnisciente à la nature que m’avait enseigné Talane.
J’avais déjà appris à protéger mon esprit, mais c’était uniquement dans le but de conserver mes pensées hors d’atteinte de celles d’Astérion. Je restais un profane dans ce domaine. Leucaryos prit donc de son temps pour m’apprendre à me protéger des émotions d’autrui, des cours indispensables à n’importe quel Elementaris. D’autant plus à moi. Il me conseilla de me focaliser sur une image ou une phrase qui deviendrait mon ancre, mon pilier. Un peu comme un mantra, en somme. Lorsque j’aurais besoin de protéger mon esprit, visualiser cette ancre devait me donner la force nécessaire pour ignorer les pensées extérieures, et ainsi m’en protéger. J’avais une mémoire majoritairement auditive et je pouvais me souvenir d’une phrase, une citation, qui, pour une raison ou pour une autre, m’avait plu. Et aussi surprenant que celui puisse paraître venant de moi, elle ne provenait pas d’un film.
L’imagination est plus importante que le savoir.
Je me considérais comme un rêveur et, si Albert Einstein lui-même affirmait que la connaissance était moins importante que l’évasion de l’esprit, alors je le croyais sur parole.
Cela me demanda trois après-midi et d’inlassables heures de méditation pour être finalement capable de maîtriser mes émotions. Je devais méditer matin et soir, aussi régulièrement que possible, mais ce fut l’esprit moins torturé que je repris finalement ma formation élémentaire. Celle-ci me parut nettement plus facile et, cinq jours plus tard, le Kalhn de l’eau se sentit satisfait de mes résultats. Par la suite, mon apprentissage des trois premiers éléments étant terminé, les Elementaris décidèrent de me laisser cinq jours de plus auprès de Taliyah, Kalya et Elysion pour en parfaire ma maîtrise. Après cela, je le savais, viendrait le plus redoutable de tous et dont les Elementaris capables l’utiliser étaient les moins nombreux : l’air.
À présent, à l’aube de ce cinquième jour, je m’estimais satisfait de mes progrès. Dorénavant, je me sentais apte à faire face à n’importe quel ennemi. Je n’aurais pas la prétention de m’estimer aussi fort que des Elementaris dans ma maîtrise des éléments, c’était une chose qu’ils avaient travaillée nettement plus que moi. Mais je me débrouillais mieux.
Beaucoup mieux.
Et surtout, je me sentais puissant et fier du résultat de mes efforts.
En parallèle de tout cela, fort heureusement pour ma santé mentale, j’eus la permission de penser à autre chose qu’à mon entraînement pour empêcher la réincarnation d’Hepiryon. Peu à peu, le peuple Elementarien s’était habitué à ma présence. Je n’aurais pas dit que c’était le grand amour entre eux et moi, surtout sachant qu’une bonne partie d’entre eux me voyaient comme un misérable humain égoïste, mais je n'avais plus le droit à leurs œillades ou leurs messes basses dès que j’avais le dos tourné. Lorsque ma maîtrise des éléments devint suffisamment bonne pour que je ne craigne plus de blesser quelqu’un par mégarde, sur les conseils de Taliyah, je finis par leur proposer mon aide. D’abord, beaucoup la refusèrent. Soit parce qu'ils ne pensaient pas cela digne de l'hôte de l’Eternel qu’ils vénéraient, soit parce que j'étais un Homme. Toutefois, je devais leur montrer mes progrès et créer des liens avec eux.
Je savais que c’était important.
Après avoir expliqué que cela participerait à améliorer mes pouvoirs élémentaires, ce qui était la pure vérité, certains cédèrent et acceptèrent mon assistance. Aux côtés des Gardiens, pour la première fois, j’apprenais à utiliser mes pouvoirs non pas pour me battre, mais pour aider. J’accélérai la floraison des fleurs ainsi que la pousse des fruits. Avec un groupe de Gardiens de l’eau, on m’expliqua comment purifier la rivière de tous ses déchets en renvoyant dans les sols ce qui devait y retourner. Qu’il était bon de ne pas voir la moindre trace plastique ou de canette vide grouiller au fond de l’eau. Une fois l’eau entièrement nettoyée, nous pouvions alors tous nous baigner et savourer la beauté des lieux.
Je découvris plus tard le travail de forgeron dans la grande forge. C’était un savoir majoritairement connu des Elementaris du feu : ils ne craignaient pas la chaleur étouffante qui y régnait, ni le feu. J’y appris à faire fondre et à travailler la Némélithe pour façonner armes et armures. De cette manière, je participai directement aux préparatifs de guerre. J’avais rarement ressenti un tel sentiment de fierté qu’après avoir forgé ma première épée.
Ce temps passé avec les enfants de la nature me permit de sympathiser et de leur montrer ma dévotion. Je voulais leur montrer que leur haine envers les miens n’avait plus de raison d’être, qu’ils devaient nous offrir la chance de nous racheter pour les erreurs de nos ancêtres. À force de patience et de persévérance, je réussis même à en convaincre quelques-uns de se joindre à Elysion, Taliyah, Kalya et moi lors de nos entraînements matinaux. J’étais quelqu’un de particulièrement tenace quand il le fallait. Beaucoup négligeaient l’art du combat, se sentant probablement en sécurité à Thorlann. Après tout, qui ne le serait pas ? Malgré tout, mes démarches fonctionnèrent et notre groupe grandit jour après jour, redonnant le désir aux Elementaris de brandir les armes et protéger leur monde. Notre monde. Chaque matin, ils nous rejoignirent au Secölli. Bon nombre d’entre eux n'avaient pas combattu depuis qu’ils avaient quitté l’école Thorlanienne, mais ils restaient de valeureux adversaires qui firent de moi une meilleure lame encore.
Sans m’en rendre compte, j’étais finalement devenu l’un des leurs.
Les premiers rayons du soleil percèrent par la fenêtre et caressèrent mon visage. J’ouvris lentement les yeux, savourant la douceur de la chaleur. Dieu ! Que j’aimais ce pays et son soleil omniprésent ! Je me relevai tout en évitant l’énorme branche au-dessus de ma tête. Mon front gardait encore la trace des nombreuses fois où j’avais percuté ce stupide morceau de bois.
Je baillai puis me frottai les yeux, chassant la fatigue. Après quelques secondes, immobiles et paupières closes à savourer la chaleur et le calme environnant, je pris une profonde inspiration.
« Nous y voilà, Astérion.
— En effet, répondit ce dernier après quelques secondes. Qui aurait cru que tu finirais par en arriver là en seulement quelques semaines ?
— Pas toi en tout cas, répondis-je, un brin amusé.
— Au contraire. J’ai certainement eu plus foi en toi que tu n’avais foi en toi-même, Peter. »
Les coins de mes lèvres s’étirèrent en un mince sourire. Je passai la main sur mes cheveux courts tout en réfléchissant, le regard perdu.
« Tu n’as pas à craindre d’échouer, me souffla alors l’Immortel.
— Si tu cessais de lire dans mes pensées, j’apprécierais énormément, soupirai-je, exaspéré par son intrusion dans mon intimité.
— Cela fait un moment que je n’ai pas lu tes pensées ! Le travail de Leucaryos pour protéger ton esprit t’a rendu redoutablement efficace pour les conserver hors de mon atteinte. Bien plus qu’avant, du moins.
— Alors comment peux-tu savoir que j’ai peur ? m’étonnai-je.
— Parce que je te connais. »
Je retins un nouveau soupir, de contrariété cette fois.
Ce dieu de pacotille était incorrigible ! Sa manie de vouloir paraître mystérieux était pénible ! Toutefois, je devais admettre qu’il avait raison. Après avoir maîtrisé les trois autres éléments, il ne me restait plus que celui réputé comme le plus indomptable de tous. Seulement ensuite, j’aurais l’opportunité de débuter la fin de ma formation pour contrôler la magie divine : l’énergie qui coulait dans mes veines. Sous la direction d'Astérion, bien entendu. Et de ce qu’il m’en avait dit, cela serait bien plus difficile que l'apprentissage des quatre éléments. À tel point que nous n’étions même pas sûrs que je sois capable de la maîtriser dans les délais imposés. Ou même capable de la maîtriser tout court, à cause de la mortalité de mon âme.
Pourquoi rendre les choses simples après tout ?
Lorsqu’Eonia arriva, j'avais déjà pris ma douche. L’odeur du pain chaud éveilla mes papilles. Je trouvais cela stupide qu’elle persistait à m’apporter mon repas chaque jour, mais je n’étais plus tenté d’aller à l’encontre des ordres du Kalheni. Pas après la réaction quelque peu agressive qu’elle avait eue lorsque je lui avais suggéré que je me rende seul au Secölli. Et puis, après l'avoir vu se battre, je savais qu'elle était beaucoup plus forte qu'elle n'en avait l’air. J'évitais donc de la contrarier et la laissais me chouchouter.
« Comment vas-tu ? lui demandai-je.
— Bien, me répondit-elle de sa voix douce. Et toi ?
— Un peu stressé, admis-je, mais j’ai bien dormi quand même.
— Tu n’auras rien à craindre, m’assura-t-elle en m’offrant un sourire rayonnant. »
Tandis que je mangeai, je l’observai du coin de l’œil en train de trier les vêtements qu’il fallait laver. Si une relation avait évolué, c’était bien la nôtre. Au fil des jours, elle avait cessé d’être froide. Elle n’était en rien la fille de marbre qu’elle avait été à notre rencontre. Non, en réalité, c’était une personne sensible, d’une douceur et d’une empathie sans égale.
Il avait suffi de quelques discussions pour que nous sympathisions.
Notre intérêt commun pour la lecture nous rapprocha. En dépit de son désir, elle n’avait jamais eu l’occasion de lire un livre humain. Cela me scandalisa. Comment pouvait-on n’avoir jamais entendu parler de Maxime Chattam ? Ou pire encore, de J.K Rowling ? Mes auteurs préférés étaient inconnus à Thorlann ? Je devais y remédier ! Après avoir promis de lui prêter mes exemplaires, elle me conseilla quelques livres de leur propre bibliothèque. La bibliothèque de Thorlann se tenait au sixième étage de la Tour des Cieux et, de ce qu’Eonia m’avait dit, c’était la plus grande pièce de l’édifice. Et je voulais bien la croire.
Elle était tout simplement immense, remplie d’interminables rangées de livres de chaque côté. On aurait pu s’y perdre plus facilement que dans un labyrinthe. Personne, excepté peut-être le Kalheni, ne savait combien d’écrits y étaient réunis. Ce que je savais, c’est qu’une vie entière n’aurait pas suffi pour découvrir tous leurs contenus. Contrairement à ceux des humains qui étaient de styles et genres variés, les écrits des Elementaris étaient bien différents de ceux dont j’avais l’habitude de lire.
Tous relataient de l’Histoire.
Sachant que je n’aimais pas mes cours d’Histoire-Géographie, et que je considérais que les morts devaient rester… morts, je n’y avais jamais vu un véritable intérêt. Sauf les mythologies peut-être, qui s’apparentaient plus aux péripéties palpitantes que j’aimais retrouver dans mes bouquins. Je fus donc d’abord récalcitrant à me lancer dans l’Histoire de France à nouveau, ou d’un quelconque autre pays. Pourtant, sous l’insistance d’Eonia qui savait se montrer particulièrement persuasive quand elle le voulait, je découvris ô combien j’avais eu tort de douter. Ces récits relataient la vie d'anciens Elementaris, écrits par eux-mêmes, durant leurs explorations dans le monde des Hommes. Et hormis le contenu, c’était la manière qu’ils avaient de conter leurs explorations qui rendaient les histoires passionnantes.
Comme Kacelia me l’avait déjà expliqué, lorsque les Elementaris devenaient adultes ils pouvaient être envoyés dans le monde extérieur pour diverses raisons. Mais leur quête principale restait d’observer les Hommes. Les Jovërn, ou explorateurs, dont Elysion et Eonia faisaient d’ailleurs partie, visitaient mon monde pour découvrir de nouvelles coutumes, de nouvelles langues ainsi que de nouveaux paysages et espèces animales. D’après eux, l’information et le savoir étaient de bien précieux pouvoirs.
Par exemple, le premier livre que j’avais dévoré m’avait appris que les Elementaris avaient découvert l’Amérique et les indigènes qui y vivaient bien avant Christophe Collomb. Quand on y réfléchissait, c’était logique. Après la Grande Bataille, lorsqu’ils furent chassés par les Hommes rescapés, ils construisirent un bateau et utilisèrent le pouvoir de la mer pour les transporter sur le continent encore inexploré qu’était l’Amérique. Je n’avais pas trouvé de récit précis sur leur périple jusqu’à la future Californie, mais cela avait dû être une terrible épreuve.
Bien des siècles plus tard, la colonisation des Occidentaux n’avait pas plu aux Elementaris qui craignaient d’être découverts. Ils avaient donc suivi de très près l’exploration des Collombs. Une Elementaris dénommée Reynna, avait espionné l’explorateur sur l’une des deux caravelles qu’il menait lors de sa découverte de l'Amérique. Reynna avait décrit en détail comment les hommes étaient arrivés sur le continent et avaient exterminé les Amérindiens qui y vivaient. Elle avait d’ailleurs décrit l’explorateur comme un homme arrogant et fier de sa personne qui n’avait vu en les Amérindiens que de simples animaux. Cela, je ne me souvenais pas l’avoir déjà lu quelque part, ni vu dans un film retraçant son périple.
Très vite, je passai une partie de mes après-midis et de mes soirées perdu dans la forêt à parcourir des ouvrages plus gros les uns que les autres, fasciné par ce que je découvrais sur l’histoire des Elementaris, ainsi que sur celle de mon peuple. Je m’étais énormément intéressé aux dix-sept tomes de Merl’on, un Elementaris qui s’était spécialisé dans l’Histoire de France. Comme c’était mon pays, j’avais eu envie de voir si le point de vue des Elementaris était plus attrayant que celui des humains. Et après les avoir lus, je pouvais affirmer que c’était le cas ! J’en avais appris bien plus sur les royautés françaises ou encore la prise de la Bastille et la Révolution Française, que durant tous mes cours du collège.
Merl’on était un écrivain remarquable parmi tant d’autres. À chaque ligne, il m’avait fait découvrir tant de traits de l’histoire certainement inconnus des historiens actuels. De la vie de Jeanne d’Arc, sur sa bataille à Orléans face aux Anglais ainsi que sa mort au bûcher, dont j’avais sauté le passage, à Victor Hugo, en passant par Henri Poincaré, un éminent mathématicien dont je n’avais jamais entendu parler. Les précisions sur leur existence ne manquaient pas et aucun domaine n’avait été délaissé.
Aucune personne ayant marqué l’histoire, petit comme grand, n’avait été oubliée par les Elementaris. Tous étaient réunis dans les milliers, voire plutôt probablement les dizaines de milliers d’ouvrages. Leur classement selon le pays et le siècle permettait même de découvrir tant de choses inconnues sur des contrées dont j’ignorais encore l’existence. Et puis, la capacité que les Elementaris avaient de se rendre invisibles leur offrait une opportunité unique de nous étudier à notre insu. Et ils le retranscrivaient à la perfection : leur talent d’écriture était incontestable. La précision de leur récit aurait rendu vert de jalousie n’importe quel historien qui savait ce à quoi j’avais librement accès tous les jours.
Si quelqu’un m’avait prévenu que je deviendrais, un jour, un amateur d’histoire, je lui aurais ri au nez sans aucun doute.
Une main se posa alors sur mon bras, ce qui me fit sursauter. Eonia me fixait, amusée.
« Excuse-moi, dis-je. J’étais perdu dans mes pensées. Tu m’as dit quelque chose ?
— Ce n’est rien. Je voulais savoir si tu étais inquiet ?
— De quoi ? Maîtriser l'air ?
— Non. De t’opposer directement à l’Eternel du Chaos. »
Depuis mon arrivée, j’avais remarqué que la majorité des Elementaris évitaient de prononcer le nom du frère d’Astérion. Jusqu’ici, de mémoire, je n’avais entendu que le Kalheni et Kalya et quelques rares autres le prononcer. Le premier parce qu’il ne le craignait probablement pas, la seconde parce qu’elle était trop fière pour craindre un simple nom.
« Je n’en sais trop rien, soupirai-je. J’ai envie de croire que tout se passera bien mais plus les jours passent, plus j’ai peur qu’Hepiryon se réveille. Cela fait déjà presque deux mois et si Astérion a vu juste, il ne nous resterait qu’un mois, au mieux deux. »
Je remarquai alors ses mains fermement enlacées, signe de son appréhension, et ajoutai plus rassurant :
« Mais le pouvoir de l’air serait inestimable pour lui faire face et l’empêcher de revenir. C’est pour ça que je ne compte pas échouer cet après-midi ! »
Elle m’offrit un nouveau sourire. Je savais qu’elle n'était pas une Gardienne : elle n'avait pas reçu de rêve pour accomplir sa Ternaíre et obtenir le pouvoir de son élément. Étrangement, il était plus rare pour les Elementaris de l’air de recevoir le rêve de leur Ternaíre, pour une raison que tout le monde ignorait. Cependant, cela ne la gênait en rien. Elle était une archère redoutable, capable de viser une cible à plusieurs dizaines de mètres sans la manquer. Elle était talentueuse et rivalisait sans difficulté avec des Elementaris plus expérimentés dans ce domaine.
« De toute manière, ajouta Eonia, nous n’avons rien à craindre à Thorlann. Sans oublier que c’est le Kalheni qui t’entraînera ! Tu ne failliras pas si tu écoutes attentivement ses conseils ! »
Devant mon absence de réponse, elle poursuivit :
« Tu as réussi à contrôler les trois autres en un rien de temps, tu feras de même pour celui-là. J'en suis certaine, tu es né pour cela ! »
Sa remarque m’arracha un sourire.
« Je te remercie pour ta confiance, lui dis-je avec reconnaissance. »
Bientôt, nous fûmes sur la route pour rejoindre Kalya et Elysion. Elle m’expliquait que d’après les derniers Jovërns arrivés, il n’y avait rien de nouveau dans le monde des Hommes. Et rien ne laissait présager le retour d’Hepiryon, aucun Xenos ni Gerydïon n’avait été aperçu par les miens. Cela ne me surprit pas, on me tenait régulièrement au courant sur ce sujet mais Hepiryon ne semblait pas vouloir agir. Ou alors il le faisait suffisamment discrètement pour ne pas être découvert. Était-il déjà à la recherche d’un potentiel corps ? Ou alors, me recherchait-il ? Eldaf, le Kalheni m’avait assuré qu’il ne pourrait pas me trouver ici, dissimulé par le pouvoir de l’épée Atalamos. J’espérais qu’il avait raison mais je restais anxieux, surtout après l’attaque du Xenos dont le souvenir me réveillait encore.
Néanmoins, pour le moment mon esprit était occupé à réfléchir à ce que Kalya avait planifié pour ce matin. J’espérais secrètement que cette dernière n’avait pas encore prévu de m’apprendre à manier une lance. Je n’arrêtai pas de m’empêtrer avec le manche beaucoup trop long et, par trois fois, je m’étais presque assommé par ma propre maladresse. J’étais doué avec une épée en main, mais pitoyable avec une quelconque autre arme.
Je jetai un regard à Eonia. Elle contemplait les arbres de ses grands yeux gris, émerveillées. Les Elementaris n’étaient jamais las d’observer la nature de leur cité. Je m’attardai sur le visage de mon amie et je ne pus m’empêcher de la trouver très belle. Ce n’était pas la première fois que je me faisais cette remarque. Bien sûr, tous les Elementaris étaient beaux. Aucun d’entre eux n’échappait à la règle. Certains étaient plus petits, d’autres plus corpulents ou trop maigres, mais cela n’enlevait rien à leur charme. Et ils ne critiquaient pas sur le physique comme les humains pouvaient en avoir l’habitude. La bénédiction d’Astérion avait eu de nombreux effets sur eux, dont celui-ci qui était une véritable chance. C’était d’ailleurs pour cela que je m’amusais à les surnommer « Le beau peuple », en référence aux elfes.
Malgré tout, pour en revenir à Eonia, ce… charisme qu’ils produisaient, chez elle ce n’était pas la même chose. Il émanait d’elle quelque chose de particulier et de pure. D’unique même. Cependant, je n’aurais su retranscrire ce que j’entendais par là. Était-ce la finesse de son visage ? Ou ses lèvres sombres qui contrastaient avec la pâleur de sa peau ? Ou encore ses cheveux qui ondulaient dans son dos telle une rivière d’argent ?
Aujourd’hui, elle portait une belle tenue courte et sombre qui enveloppait son corps à la perfection, réalisée par son peuple sans le moindre doute. Jusqu’ici, je l’avais surtout vu porter des robes, ou une armure lorsqu’elle s’entraînait avec moi, mais jamais ces vêtements-ci.
« Tu portes ton arc, remarquai-je, surpris. »
Perdu dans mes pensées, je n’avais même pas remarqué qu’elle était venue armée. J’avisai l’arme blanche, fabriquée à base de Némélithe, qui pendait dans le dos de mon amie à côté de son carquois plein. Elle m’avait confié que la précieuse matière provenait du crâne de son père, et lui avait été offerte lorsqu’elle était devenue une Jovërn. Sa pureté et la finesse de ses courbes démontraient encore une fois le talent des Elementaris dans la fabrique d’armes majestueuses.
« En effet, me répondit-elle en repoussant une mèche de son visage.
— Je ne savais pas que tu t’entraînais au Secölli aujourd’hui, poursuivis-je, ma curiosité piquée.
— Pas tout à fait, rectifia-t-elle. J’ai une mission. »
— De quel genre ? »
Elle me sourit pour simple réponse. Arracher des informations à un Elementaris relevait de l’impossible. Certaines fois, je ne pouvais m’empêcher de me sentir plus comme l'un des leurs que comme un Homme. Même si, fort heureusement, ma couleur de peau n’avait ni viré au bleu, ni au vert. Néanmoins, le côté mystérieux que beaucoup d’entre eux affichaient, comme Astérion d’ailleurs, pouvait être irritant.
Ils appréciaient beaucoup trop les secrets à mon goût.
Je décidai pourtant de ne pas insister. Si elle ne souhaitait pas me le dire, cela ne servait à rien d’insister. Une fois passé les gardiens de l’entrée du Secölli, nous nous dirigeâmes au point de rendez-vous habituel. Sur notre route, nous croisâmes quelques Elementaris dont les visages m’étaient désormais devenus familiers. Je les saluai d’un signe de la main qu’ils me rendirent, avant de reprendre leurs activités.
À ma grande surprise, lorsque nous arrivâmes aux abords du cours d’eau où nous avions l’habitude de nous battre, l’endroit étaient déserts. C’était inhabituel, généralement nous étions une vingtaine à nous rejoindre ici.
Avaient-ils tous délaissé l’entraînement ?
Je distinguai alors trois Elementaris assis au bord de l’eau. Celui de gauche était si massif qu’il dissimulait dans son ombre celui de droite. Aux mouvements brusques du plus grand, ils avaient l’air de se disputer. Celle tout à droite se tenait un peu à l’écart et faisait ricocher des pierres sur la surface plane de l’eau. Je reconnus immédiatement sa chevelure couleur corbeau ramenée en une natte.
« Kalya ! Elysion ! les hélai-je. »
Mes mentors se retournèrent au son de ma voix. Kalya portait une armure bleue argentée que je n’avais jamais vu lors de nos précédentes rencontres. Lorsqu’il me fit face, je reconnus le troisième qui parlait avec Elysion : c’était Thorn, l’Elementaris de la terre et capitaine de l’équipe des Grizzlys rouges. Lui aussi portait une armure, couleur de bois. Sa présence me surprit : il n’avait pas pour habitude de s’entraîner avec nous. Et grand bien lui en prenait, il était plutôt agaçant et je savais que Kalya ne l’appréciait pas particulièrement. Néanmoins, pour qu’il se retrouve en sa compagnie sans être rembarré, il devait se tramer quelque chose…
Aux regards sombres qu’Elysion et Thorn se lançaient, je devinai qu’ils étaient bel et bien en train de se disputer. Et les yeux assombris de Kalya en disaient long : sans notre arrivée, elle les aurait probablement jetés dans la rivière à grand renfort de coups de pied. Pour une fois que ce n'était pas moi la source d'exaspération, j’étais curieux d’en connaître la raison !
Elle nous rejoignit à grande enjambée et grommela :
« Une bande d’imbécile… »
Je jetai un regard perplexe à Eonia qui paraissait tout aussi perdue que moi. Face à notre manque de réaction, mon mentor rajouta avec agacement :
« Ils sont encore en train de se disputer ! Comme si nous n’avions pas plus important à faire ! Les garçons sont de parfaits crétins ! »
Je haussai un sourcil mais Eonia rit :
« C'est pour cela que nous les apprécions autant !
— Parle pour toi... marmonna mon mentor, dents serrées.
— Bon les gars, lançai-je au deux autres qui se disputaient à nouveau. Vous comptez débattre longtemps ? On n’a pas toute la nuit !
— Tiens ! Peter ! s’exclama Elysion. »
Il s’approcha de moi et passa son bras autour de mon épaule. Lui qui n’était pas spécialement tactile, ce geste signifiait qu’il allait me demander quelque chose, sans le moindre doute.
« Mon ami, susurra-t-il, dis-moi honnêtement ce que tu en penses, d'accord ? La formation du Lion est bien meilleure que celle de la Marmotte, n’est-ce pas ? »
Je lui jetai un regard interrogateur. La quoi ?!
« Au Dænami, précisa-t-il.
— Ah oui… balbutiai-je en tentant de me remémorer quelle était la formation du Lion. »
Elysion avait passé un temps fou à essayer de me faire mémoriser les quarante-huit techniques offensives du Dænami. Sans oublier les soixante-six défensives. Il me semblait que celle de la Marmotte consistait à noyer son adversaire, mais celle du Lion ne me disait absolument rien !
Peut-être fallait-il rugir pour tenter d’effrayer l’équipe adverse ?
« Il n'est pas objectif ! protesta alors Thorn, m’évitant ainsi de prendre parti. Il ne s'y connaît pas assez et il n'y a jamais joué ! Mais je persiste à dire que la Marmotte est…
— Assez ! s’écria Kalya. Là, j’en ai ma claque ! Je ne t’ai pas demandé de venir pour débattre de ces stupidités, compris ? »
Comme à chaque fois que Kalya s’énervait, Elysion détournait le regard. Il avait l’intelligence de ne pas se confronter au fort tempérament de notre camarade. Mais Thorn n’avait pas la même jugeote et il renchérit :
« N'empêche que la Marmotte… »
Un simple contact visuel avec Kalya suffit à le faire taire pour de bon. Eonia et moi tâchions à grand-peine de contenir notre fou-rire. Je ne pouvais cesser de plaindre le pauvre fou qui prendrait Kalya comme compagne. Elle allait lui mener la vie dure, sans aucun doute !
« Va t'équiper au lieu de rigoler ! m’ordonna cette dernière. Ton armure et ton épée t’attendent sur le rocher, là-bas !
— Bien m'dame ! répondis-je, masquant avec difficulté mon amusement. »
Sans attendre qu’elle s’énerve après moi cette fois-ci, je me hâtai de récupérer mon équipement. Je saisis immédiatement la poignée noire en Némélithe de mon épée. Elle m’avait servi durant tant d’entraînements que je la connaissais par cœur. Cependant, lorsque je vis l’armure grise complète sur le sol, je fronçai les sourcils. Généralement, je ne portais que des gantelets et quelques fois un plastron. Cette fois cependant, j’avais droit à la tenue complète ainsi qu’un bouclier blanc. La différence notable entre les armures des Elementaris et celles des hommes d’antan était l’absence de casque. Les Elementaris trouvaient cela gênant pour se battre. J’enfilai le tout sans poser de question, savourant encore une fois la légèreté de la Némélithe qui ne pesait presque pas sur mes épaules, et les rejoignis.
« Bien ! annonça Kalya une fois tous prêts. Aujourd’hui, Peter, tu auras droit à un entraînement différent de ceux dont tu as eu l’habitude jusqu’ici.
— C’est-à-dire ? demandai-je, inquiet. »
Il était hors de question que je refasse toute la rivière Lithán à la nage ! Oui, elle me l’avait déjà fait faire. Trois fois. Je n’avais aucune idée du nombre de kilomètres d’eau par lequel Thorlann était traversé, et je n’avais aucune envie de le savoir. Tout ce que je savais, c’est que ce furent trois matinées de purs supplices qui ne m’avaient donné envie que d’une chose : la noyer à tout jamais sans le moindre remord.
« Tu vas nous affronter, Thorn puis moi, dans un véritable combat.
— Un véritable… combat ? répétai-je. »
C’était une blague, sans aucun doute. Elle ne pouvait pas être sérieuse…
« Nous aurons le droit de te blesser, poursuivit-elle, tout comme toi. Tout en faisant attention à ne pas trop amocher ton visage d’enfant boudiné.
— Ose répéter, tronche de Na’vi ! répliquai-je. »
Elle n’avait aucune idée de ce qu’était le film Avatar, ni à quoi ressemblaient les créatures de la planète Pandora, mais une grimace barra son visage. Ce n’était pas la première fois que je l’appelai ainsi et elle se doutait que ce n’était pas très valorisant. Remarque, les Na’vi n’étaient pas particulièrement moches mais je me gardais bien de le lui dire.
« La différence avec les autres combats, reprit-elle finalement, hormis la liberté que nous aurons en t’affrontant, c’est que nous pourrons user des éléments. Et tu le pourras aussi. Cet entraînement a pour but de voir si tu es capable de les utiliser en situation de stress...
— Tu sais que je n’ai pas encore appris à employer l’air, pas vrai ? lui rappelai-je. Ou ta mémoire te fait défaut ?
— Ma mémoire va très bien, inutile de t’en inquiéter, rétorqua-t-elle avec un rictus. Mais nous voulons être certains que nos entraînements ont porté leurs fruits et qu’une fois hors de ta zone de sécurité, tu n’échoueras pas ! »
Je serrai les dents.
« Alors ? demanda Elysion. Tu acceptes ? »
Je fis tournoyer mon épée dans ma main gauche et dirigeai la lame en direction de Kalya.
« Quand tu veux ! »
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