3 - “Trempé comme une soupe”
Au premier abord, il s’agissait d’une petite échoppe légèrement poussiéreuse et peu accueillante. Les murs craquelés par endroits et jaunis par la cigarette étaient recouverts de petits papiers sur lesquels les plats du jour étaient inscrits à la main. L’unique table de l'établissement était déjà occupée par un groupe de salaryman qui fumaient et buvaient du saké en rigolant à gorge déployée. Seul un tabouret vide subsistait au comptoir à côté d’un homme âgé qui aspirait bruyamment un bol de ramen encore fumant. SLURP ! SLURP !
La porte se referma derrière moi avec fracas. CLAC ! Ce qui ne manqua pas d’attirer l’attention de la tenante des lieux. “IRASHAIMASEEE !” Cette dernière me fit alors signe de venir m’installer à côté du vieil homme. Je m'exécutai sans broncher, sans vraiment savoir où je venais de mettre les pieds, ni quelles étaient les règles à suivre.
Je jetai un rapide coup d'œil autour de moi, tentant de déchiffrer, en vain, la longue liste de kanjis et autres caractères japonais tapissant les quatre coins de la pièce. C’est ainsi que je découvris une petite note soigneusement encadrée et rédigée en français :
“Je vis de bonne soupe, et non de beau langage.
Vaugelas n'apprend point à bien faire un potage,
Et Malherbe et Balzac, si savants en beaux mots,
En cuisine peut-être auraient été des sots”.
Molière, les femmes savantes, 1672
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