Chapitre 8
Marianne et Tristan avaient passé une excellente soirée en compagnie de leurs amis, dans un restaurant situé à quelques rues de leur appartement. La cuisine du Coup de fourchette était simple et savoureuse.
Le couple avait regretté l'absence de Paul. Encore une occasion manquée de lui présenter leurs nouveaux amis de la faculté de lettres. Vers la fin du repas, Marianne, l’esprit ailleurs, était restée un peu en retrait des conversations. Elle pensait à lui. Était-il bien arrivé chez ses parents ? Que faisait-il en ce moment ? Elle se rappela avec amertume que depuis septembre, ils ne l’avaient finalement vu que dans de rares occasions. Elle qui s’était imaginée que leur trio du lycée allait se rapprocher encore davantage. C’était raté. Visiblement, c’était presque tout le contraire qui s’était produit. Les semaines de leur nouvelle vie d’étudiants étaient passées à une vitesse folle. Chacun avait dû trouver son rythme. Paul était assidu dans ses études, mais elle n’aurait jamais imaginé que son côté jeune loup solitaire aurait le don de l’agacer à ce point. Elle, à l’inverse, qui avait besoin d’être constamment entourée de ses amis… Tristan avait tenté de la calmer plusieurs fois, mais c’était peine perdue. Il voyait bien que sa petite amie était contrariée à chaque fois que Paul déclinait leur invitation. Elle espérait qu’il ne déprimerait pas trop dans sa famille. Pour se consoler, elle se réjouit à l’avance de fêter la Saint-Sylvestre avec lui. Demain, ils iraient réveillonner chez ses parents avant de rejoindre la famille de Tristan le jour de Noël.
Devant le miroir de leur salle de bain, Tristan regardait son visage anguleux, fatigué et éteint, en se brossant consciencieusement les dents. Marianne retira le serre-tête de ses cheveux ondulés et ses boucles d’oreilles, deux grands anneaux argentés. Elle se démaquilla rapidement et enleva le reste de rouge de ses lèvres pincées.
— J’ai passé une très bonne soirée. Ça fait du bien de retrouver notre petite bande autour de la table, non ?
Tristan hocha la tête, la brosse à dents dans la bouche.
— Depuis le temps que Zofia voulait nous présenter sa sœur, Barbara, c’est chose faite. C’est fou comment elles se ressemblent. Je l’ai trouvée sympa. Elle m'a même remercié d'avoir guidé sa sœur à la fac, ça l'a beaucoup rassurée, m'a-t-elle dit. J'étais plutôt contente de moi.
— Oui, j'imagine très bien, madame l'ancienne déléguée de classe.
— Moque-toi, idiot. Barbara m’a dit qu’elle était en France depuis trois ans. C’est dingue, quitter son pays comme ça. Sacrée aventure… Par contre, le garçon avec qui elle est venue, Rickie, c’est ça ? Tu crois que c’est son mec ? Il avait l’air un peu tristounet. Et puis ce look…
Tristan se gargarisa la bouche avant de recracher l’eau dans l’évier.
— Comment ça son look ? Tu parles de sa queue-de-cheval et de sa boucle d’oreille ? Moi, je trouve que ça lui donnait un genre plutôt cool. Mais t’as raison, il n'avait pas l’air dans son assiette. J’ai un peu discuté avec lui, il est très gentil pourtant.
— En tous cas, Sylvain et Olivier, qu’est-ce qu’ils ont pu me faire rire ces deux-là. Ils étaient en grande forme ce soir. Par contre Anne, j’ai toujours un peu de mal, elle est tellement hautaine avec moi.
— Oh t’exagère pas un peu quand même. Elle sait ce qu’elle veut, c’est tout. Elle est un peu directe ça, c’est sûr, mais toi aussi, non ?
Marianne lui donna un petit coup de coude dans les reins.
— Fais gaffe à ce que tu dis toi, répondit-elle d’un air amusé.
Tristan passa dans la chambre et déposa sa paire des lunettes de vue sur sa table de chevet, se massa l’arête du nez et se frotta les yeux pendant quelques secondes. 00h47.
— Allez maintenant, c’est parti pour les fêtes de Noël, dit-il sans envie.
— Bonjour l’enthousiasme, Monsieur ! Moi ça me fait plaisir de retrouver ma famille du sud de la France, je n’ai pas vu mes cousins depuis cet été !
— C’est facile pour toi, profitons-en, parce qu’avec la mienne, ce sera une autre affaire.
— La dernière fois que j’ai eu ton père au téléphone, il m’a paru plutôt de bonne humeur.
— Espérons. Mais dois-je te rappeler qu’il va falloir essuyer sans broncher ses remarques désobligeantes concernant nos études de lettres qui ne mènent nulle part selon lui ?
— Pour l’instant, il n’a pas tort, tu ne trouves pas ? répondit Marianne sur un ton sarcastique.
Il la prit dans ses bras.
— J’ai pas envie de plaisanter Marianne. Sans déconner, il va vraiment falloir qu’on s’y mette sérieusement. Parce que sinon, on peut dire adieu à cet appart et tout le reste. J’ai déjà dû me battre pour qu’il accepte ma fac de lettres. Quand j’y pense, mon frère a bien raison d’arrêter de travailler pour lui. Son magasin de chaussures, il peut se le mettre où je pense. Mais qu’il le vende pour être à la retraite et peinard, bon sang !
— Tiens, tu parles de ton frère, t’as des nouvelles ?
— Non, silence radio, mais ma mère m’a dit qu’il serait là. Enfin bon, on verra bien…
Tristan pria Marianne, qui venait de repartir dans la salle de bain, de se dépêcher de le rejoindre dans le lit. Sans quoi, il refuserait de l’embrasser avant de s’endormir. Elle revint aussitôt et lui sauta dessus, lui lança son oreiller sur la tête en rigolant. Tristan secoua les bras et les jambes, fit mine de s’étouffer, Marianne s'agrippant à lui tel un matelot sur un pont en pleine tempête. Ils chahutèrent encore quelques minutes avant de se blottir l’un contre l’autre sous les couvertures. Ils s’embrasèrent longuement.
— Je sais ce qui lui manque à Paul… dit Marianne d’un air songeur. Elle passa sa main dans les cheveux bouclés de son petit ami.
— Oh toi, tu prépares quelque chose… Qu’est-ce que tu mijotes ?
— Paul a juste besoin d’un coup de main… Et si on lui présentait Zofia, ça pourrait coller non ?
— Paul est un grand garçon, je ne me fais aucun souci pour lui. Et puis ce ne sont pas tes histoires, Madame je me mêle de tout.
Marianne lui fit signe de se taire, son doigt posé sur ses lèvres. Elle éteignit la lumière. Tristan en profita pour se ruer sur elle et la couvrir de baisers.
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