Elle était dans un lit d'hôpital, la perfusion plantée dans le bras gauche. Ce même bras qui était immobilisé par des menottes reliées au barreau du lit. Ses blessures étaient, somme toute, superficielles. Le médecin avait parlé de côtes cassées à cause du coussin gonflable, elle avait des entorses aux deux chevilles quand le devant de la voiture s'était déformé sous les coups de butoir. Quelques coupures au visage.

Quand elle posait des questions au sujet de Mathieu, les regards se fermaient et une expression de mépris était sa seule réponse. Elle tendit l'oreille et appris finalement que partie du revêtement intérieur en plastique s'était tordu et l'avait empalé, le tuant quasiment sur le coup. Il devait subir une seconde opération, mais son coeur avait été sérieusement endommagé et le pronostic n'était pas encourageant.

Il n'y avait rien à faire dans la chambre. Pas de télé, pas de livres ou de revues, personne ne lui parlait. Elle avait donc tout le temps de réfléchir. Et maintenant que sa vengeance avait drainé sa colère, elle réalisait combien elle avait été folle. Comment l'amour avait-il pu tourné au cauchemar? Est-ce qu'elle aimait encore Mathieu? Suffisamment en tout cas pour regretter qu'il meurt. Elle avait voulu le voir souffir, mais elle avait aussi voulu être auprès de lui, compter pour lui, faire partie de sa vie et de son quotidien.

Elle était encore en mesure de se débrouiller avec une seule main et se mit au travail.

Quand on la découvrit, pendue avec son drap sur le côté du lit, on ignorait depuis combien de temps elle ne respirait plus. Elle était encore en vie - elle n'avait pas brisé sa colonne vertébrale - mais elle était dans le coma à jamais car son cerveau présentait d'importantes lésions. Moins de 24 heures plus tard, son corps commença à... s'éteindre. Le cerveau était en train de mourir à son tour.

Épilogue : 11 mois plus tard...

La cicatrice de sa poitrine avait pâli, mais le renflement de chair était un témoin inconfortable de cette part de son existence. Il la touchait avec réticence quand il prenait sa douche et avait pris l'habitude de porter un t-shirt ou un maillot presque tout le temps pour éviter de la voir. Ce n'était pas seulement le... l'incident et le séjour à l'hôpital, c'était ce qui s'était passé avant.

Il n'aimait pas repenser à cette jeune femme qui avait été son amie et qui était silencieusement devenue un monstre. Ça n'arrivait pas que dans les films et c'était horrifiant.

Anne avait été présente tout au long de sa convalescence. Ça n'avait pas été facile de lui avouer qu'il avait fréquenté "amicalement" une autre femme durant un temps. Ils s'étaient disputés quelques fois, mais il avait agi en toute bonne foi. Ce n'était pas sa faute si cette femme était devenue obsédée par lui. Anne lui avait donné raison et ils étaient devenus plus proches que jamais. L'épreuve les avait renforcés.

Lors de sa visite médicale mensuelle, le médecin sembla ravi d'entendre de tels progrès. Il hésita et ouvrit le dossier de son patient, tournant les pages jusqu'au début. Il rassura Mathieu, que tout se passait bien, que tout était normal. Il hésita encore, ce qui accru l'inquiétude du jeune homme.

Finalement, sans un mot, le médecin fit pivoter le dossier vers Mathieu.

FICHE DU PATIENT

Patient : Mathieu Frédéric Samson

Donneur compatible : Aimée Patricia McLean

Organe transplanté : coeur, incluant toutes les valves cardiaques

Cause du décès cérébrale du donneur : suffocation par pendaison, organe sain et irrigué

Matieu se mit à hurler et refusa d'entendre les paroles apaisantes du médecin. Il se débattit quand le médecin appela un confrère, puis une infirmière. Et il hurle encore.