Elles étaient au bord d’un lac, aux reflets argentés. Le vent jouait dans leurs cheveux. Sophie, assise sur l’herbe tendre, observait son amie façonner un loup à partir de l’eau.

— Est-ce que tu as déjà eu peur… de faire confiance aux gens ? interrogea la blonde.

Son amie se tourna vers elle et l’air s’emplit subitement de brume. Ses yeux bleu-argent et ses cheveux noirs, parsemés de mèches argentées la rendait encore plus douce et fragile qu’elle ne l’était déjà.

— Nous avons appris à ne faire confiance à personne à partir du moment où ils m’ont bannie. J’étais toutefois bien décidée à me faire une amie et tu es arrivée.

Sophie esquissa un léger sourire. Leur histoire était triste, surtout injuste finalement. Le Conseil se servait d’eux, comme s’il n’était que des pions sur un échiquier.

— Parfois… les gens ne comprennent pas qui nous sommes, reprit la jeune fille, un papillon d’eau apparaissant sur son doigt. Pourtant, pour moi, c’était on ne peut plus clair. Je suis la Fille aux Milles Déluges et dans leur regard, je le resterai.

La jeune femme s’arracha un cil. Elle était anxieuse… en colère notamment. Le Conseil était l’élite de la noblesse. Étant au nombre de douze, des femmes, autant que des hommes, occupaient ce poste. Sophie ne les appréciait pas. Enfin presque.

— Allons-y.

Elle se leva et ses amis en firent de même. Dans leurs yeux, il y avait une lueur d’énervement. Pourtant, la blonde savait qu’ils la suivrait jusqu’au bout du monde.

Sophie leur prirent la main et, ensemble, ils sortirent pour voir les Conseillers dans l’immense jardin de la propriété.

***

Vêtus de capes argentés, de pourpoints et de robes extravagants, dégoulinants de bijoux, ils avaient chacun un diadème incrusté du joyau de leur choix.

Sans même attendre qu’ils s’adressent à elle, la blonde détacha à regrets, ses mains de celles de ses amis et esquissa l’une de ses révérences disgracieuses.

— Mademoiselle Foster, nous n’avons pas besoin de vous expliquer les raisons de notre présence ici, je suppose ?, questionna Alina.

La Conseillère réajusta son diadème de péridots sur sa tête.

Sophie ne l’aimait pas, elle ne l’avait jamais apprécié à vrai dire. Elle se retint de grimacer de dégoût. Pourtant… Alina n’avait pas toujours été ainsi. Très gentille et prenant sa défense envers elle, alors qu’elle était la principale de Foxfire, le pouvoir lui était montée à la tête après qu’elle avait été nommée au Conseil.

— Non, en effet, répondit la jeune femme en s’efforçant de tous les regarder dans les yeux.

Le vent fouettait ses cheveux blonds et venait accentuer le rose de ses joues. Elle se craignait elle-même, mais elle était sûre qu’elle n’avait plus peur des autres. Tant pis si elle était trop impulsive pour dire ce qui allait sortir de sa bouche, elle s’en moquait. C’était pour eux qu’elle le faisait, d’une certaine façon.

— Je n’en peux plus, avoua t’elle aussitôt. Toutes les nuits, je me réveille, en larmes, en entendant leurs voix pour la dernière fois. Vous me jugez coupable de ce qui s’est produit, très bien, faites-le si vous pensez cela nécessaire. Aujourd’hui, je sais pertinemment que s’ils étaient présents… vous écouterez leur version des faits, avant de détourner leurs propos. Ce n’est pas juste. Néanmoins, vous refusez tous d’ouvrir les yeux.

La tristesse était perceptible dans la voix de Sophie, Biana et Fitz l’entendait très bien. Elle avait été extrêmement proche d’eux, leur passif lui avait fait comprendre que le Conseil se complaisait dans un monde utopique. Elle n’avait pas tort. Ils refusaient d’ouvrir les yeux.

— Je dis tout cela, c’est pour eux que je le fais, enchaîna leur amie. S’il avait été là… il vous aurez dit tout ça aussi.

Les douze dirigeants des Cités Perdues la fixèrent, comme si elle avait perdue la raison. Ils n’aimaient pas quand leurs propos étaient remis en doute. Toutefois, la jeune femme soutint courageusement leurs regards. Le silence qui s’ensuivit dura suffisamment longtemps pour la mettre mal à l’aise.

— Elle n’a pas tort, intervint alors Oralie, dont sa voix douce réchauffa instantanément le cœur de Sophie. Rappelez-vous, Sophie, n’est nullement Pyrokinésiste. À juste titre, comment pouvons-nous encore croire qu’elle est la coupable si elle ne possède pas le talent attitré pour que cela soit elle qui ait déclenché cet incendie ?

Cette femme était la Conseillère que l’elfe blonde appréciait le plus. Avec ses cheveux couleur miel et ses yeux azur, elle était facilement reconnaissable. Elle prenait toujours sa défense ainsi, elle représentait son plus grand soutien au sein de leur congrégation.

Néanmoins, un homme aux cheveux noirs, mi-long, et aux yeux saphir, posa ses mains sur ses tempes et ferma les yeux.

Sophie comprit qu’ils étaient en plein débat. Ici, cela se faisait par voie télépathique. Emery était justement leur porte parole, car il était télépathe. Allait-il vraiment la condamnée de quelque façon que ce soit, alors que, comme l’avait si bien dit Oralie, elle n’était coupable de rien ?

Ses amis s’approchèrent d’elle et serrèrent doucement leurs mains dans les siennes. Ce contact fit du bien à la jeune femme et elle essaya de se détendre.

— Mademoiselle Foster, lui lança alors Emery d´un timbre velouté.

Sophie les observa de nouveau en entendant ce patronyme. Avec eux… elle s’attendait à tout.

— Nous organiserons une audience qui aura lieu dans quelques jours, l’informa le porte-parole du Conseil. Un messager vous informera de la date exacte.

La jeune femme déglutit péniblement. Cependant, alors que les Conseillers sortaient tous un cristal qu’ils tendirent à la lumière, Sophie s’inclina d’une manière toujours aussi disgracieuse.

Les douze dirigeants n’étaient plus là quand elle se releva de sa courbette. Aussitôt, elle sorti son transmetteur, un cube argenté fonctionnant un peu comme un téléphone, et murmura.

— Montre-moi Keefe Sencen.