Le père
Que dire d'un père qui, toute sa vie, a protégé sa fille ? Qui l'a défendue contre les coups et la violence de sa mère, mais, malheureusement, il ne l’a pas protégée de ses frères. Pourquoi ? Elle s'est souvent posé la question. Encore aujourd'hui, elle n'a pas la réponse.
Ce père, présent, en tout temps, n'a pas joué son rôle de protecteur en tout. A-t-il pris la décision de fermer les yeux, pour ne pas voir ? Était-ce trop difficile pour lui ? Que de questions sans réponse !
Les difficultés qui régnaient chez lui, sa femme dépressive, ses dix enfants, dont le dernier était très malade, son travail, son jardin, et peut-être ses autres soucis. Cela n'enlevait rien de ses responsabilités envers ses enfants.
***
Tout le temps sur les routes, quand il rentrait le soir, sa femme lui disait les bêtises que ses fils avaient faites. Léa dormait en bas et elle l’entendait monter les escaliers qui grinçaient pour accéder aux chambres de ses frères. Puis les coups et les cris qui résonnaient dans la maison. Il redescendait alors, disait à son épouse : « T'es contente ? », se couchait et s'endormait. Était-ce une façon de les punir, sans leur donner de vraie raison ? Peut-être ! Ou plutôt, il savait ce qui se passait quand il n'était pas là ? Malheureusement, ce père avait aussi quelques fois touché sa fille quand il lui donnait son bain. S'en voulait-il, avait-il des regrets de ne pouvoir rien faire contre ses fils, sans que l'on sache ce que lui avait fait auparavant ?
Ce fut plus dur, quand elle devint une jeune fille, à douze ans. Ce jour-là, sa mère lui avait mis une gifle, car dans certaines familles, quand une fille a ses règles pour la première fois, sa mère la gifle pour qu’elle se souvienne de cette date, et comprenne que maintenant elle doit assumer les conséquences de ces actes… Puis, elle lui avait expliqué que l’apparition des règles pour une femme était aussi la possibilité d’être enceinte. Ce fut à partir de ce moment-là qu’elle a commencé à avoir peur et à vouloir dire non. Mais comment dire non quand on a toujours dit oui avant ? Comment tenir tête quand on ne sait pas le faire ? Comment refuser quand on pense que l’on mérite ces actes immoraux ? On se persuade que ce n’est pas très méchant. On espère que ça va vite finir. On regarde le plafond, on essaie de penser à autre chose. Comme si à ce moment-là, notre cerveau pouvait s’évader. Et on finit par vivre avec… comme derrière une vitre opaque.
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