Viol
Léa se souvient de son père comme d'un homme juste, parfois au regard triste, capable de pleurer sur un film émouvant. Mais aussi un homme, au regard dur, qui lui faisait très peur. Elle savait ce dont il était capable, même s'il n'avait jamais levé la main sur elle. Il avait cependant toute sa confiance.
Jamais un encouragement, jamais une félicitation. Comme si elle ne le méritait pas. Et pourtant ! Depuis toute petite, elle était là. Pour sa mère, pour lui, pour ses frères. Après le décès de sa femme, elle continua à garder son rôle de petite-mère. Mais lui le voyait-il ? Certes, il lui a appris à conduire, car, à dix-sept ans, elle conduisait la voiture tous les samedis matin pour aller faire les courses au bourg, distant de vingt-cinq kilomètres. C'était pour elle, un moment d'évasion, être grande avant l'âge !
Un jour, cette jeune fille de vingt ans, qui avait grandi trop vite, connut la douleur, et l'atrocité d'un viol. Pas n'importe quel viol : celui de son père ! Elle le revoit faire, monter sur elle, essayant de la pénétrer, mouillant sa main, la glissant sur son sexe, recommençant et la violant, là comme ça. Elle se souvient d'avoir eu les yeux fixés sur la petite fenêtre en face d'elle, comme si quelqu'un allait arriver pour la sauver de ce moment si dévastateur. Mais non, personne n'est venu. Il a fini son acte, s'est levé et est parti. Rien ne sera jamais dit sur cet épisode.
Depuis, pour sa fille, cet homme devint uniquement son géniteur. Il perdit son appellation de père le jour où il l’a violée. Elle décida, ce jour-là, qu'il était mort.
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