Lettre : A Lucien
C’est un moment très difficile. Repenser à toi, à ce que tu as fait. Comment un frère qui se disait protecteur peut-il autant détruire sa sœur ? Je t’ai toujours fait confiance. Avais-tu encore de la rancœur envers moi, quand tu m’as annoncé être séropositif, et que j’ai peut-être mal réagi ? Mais c’est parce que j’avais peur de te perdre.
Et pourtant tu m'as abandonnée !
Rappelle-toi, ce jour, où je t’ai appelé. Cela faisait à peine un an, que j’étais mariée. Je devais te téléphoner pour justement essayer de trouver une solution pour que nous puissions à nouveau avoir des relations fraternelles. Tu m’as parlé hautainement, en essayant de me rabaisser. Tu as osé dire que j’étais la seule responsable des problèmes liés à ma dépression, que ce que j’avais dévoilé avait détruit la famille ! Le courrier que j’ai écrit à l’épouse de Gabriel vous a obligé à ouvrir les yeux et à reconnaître que les actes d’incestes qui ont eu lieu sur ma personne étaient réels. Vous ne pouviez plus jouer les autruches et dire qu’il ne s’était jamais rien passé.
C’est ce que vous m’avez fait qui a détruit la famille en me détruisant. Tu as osé me dire que tu n’avais rien fait. Rien fait ? Comme eux ?
Mais c’est pire, parce que oui, ce fameux soir, TU N’AS RIEN FAIT ! Tu savais que ton cher frère Gabriel était descendu dans ma chambre pour cette raison. Tu l’as suivi quelques minutes plus tard. Tu as ouvert la porte et tu l’as vu sur moi, en train de me violer encore une fois, la main sur ma bouche. Tu nous as regardés. Je t’ai fixé, suppliant que tu fasses quelque chose. Mais tu as refermé la porte. Et tu es parti. Me laissant seule avec mon bourreau. Si tu savais le regard qu’il a eu à ce moment, me montrant que jamais personne ne me sauverait.... Ce jour-là, tu as commis un acte abominable : tu m’as abandonnée.
Je ne regrette pas d’avoir parlé, d’avoir crié haut et fort ce que vous m’avez tous fait subir, de vous avoir mis la tête dans votre bourbier. Je considère même que vous n’avez pas assez souffert. J’ai porté toute ma vie, ces agressions, essayant de comprendre, cherchant un moyen d’être raccroché à notre famille, me persuadant que mon bonheur ne pouvait pas être entier, si je n’avais pas ma famille autour de moi. Je suis allée jusqu’à refuser tout l’amour que mon mari m’apportait, persuadée que cela n’allait pas durer, que j’étais quelqu’un de mauvais ! Si j’avais subi tout ça, est-ce que je ne l’avais pas un petit peu mérité, quand même ? Sais-tu que, depuis le début, mon mari se bat pour me rendre heureuse, et que moi je saccage tout ? Il y a un an, j’ai voulu le quitter, pensant encore ne pas le mériter. Mais il s’est battu pour nous, me suppliant de lui laisser une chance de me montrer, encore, que je méritais d’être heureuse. Et ça marche bien…
Alors, voilà, j’ai compris maintenant que je ne dois rien attendre de cette famille. Ne rien attendre de toi. C’est fini. J’arrête de me faire mal inutilement. Je décide aujourd’hui que tu ne me mérites pas. Tu es un lâche, un trouillard. Et moi, guerrière que je suis, je t’écrase sous mon pied…
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