À la Dame d'Hugo
Je déplore ta perte. Tu étais un joyau, un témoin de l'histoire française. Qu'il soit loué la grandeur du labeur de ceux qui t'ont construite ; ces générations d'ouvriers, de peintres, d'artistes en vitraux... qui ont œuvré avec toute leur force pour te faire naître.
Je dois te faire plusieurs aveux.
Je ne fais pas parti de ceux qui remercient Sully de t'avoir fait bâtir dès 1163, alors que tout un peuple était confronté à une pauvreté quotidienne. Je porte le même regard sur l'ostentatoire Versailles de Louis XIV, la Basilique du Sacré-cœur de Montmartre construite sur les cadavres des communards empreints de liberté, ou d'autres comme toi, qui symbolisent malgré eux l'ego des puissants et des grands au fil des époques.
L'élan de charité qui s'est déchaîné, suite à ta disparition, semble plus intéressé que sincère. Des hommes couverts de richesses se sont précipités sur cette tragédie pour marquer de leur fortune l'Histoire. Des individus se forgeant une place aussi louable qu'artificieuse, les mêmes qui financent d'ailleurs tout ce que ton ami Victor Hugo aurait combattu.
Notre société semble creuser une indifférence moribonde, face à tant de misères, qui sévissent encore. Même si ces détresses atteignent jusqu'au plus près de chez nous. L'émotion que suscite les flammes qui t'ont assaillie, ne paraît pas être à la mesure de l'indignation que devrait provoquer toutes ces multitudes de tragédies.
Je ne veux pourtant pas te voir comme la cathédrale du perfide roi Louis XI que décrit Victor Hugo, ni d'une Église cherchant à affermir son pouvoir. Tu devrais toujours demeurer la maison d'Esméralda, de Quasimodo... et de tous ceux que notre société marginalise et perçoit comme des riens.
Je laisse Victor Hugo dédier la fin de ce texte aux Misérables, et dès lors ceux qu'il a choisis pour illustrer toute ta beauté.
« Car il se fait beaucoup de grandes actions dans les petites luttes. Il y a des bravoures opiniâtres et ignorées qui se défendent pied à pied dans l'ombre contre l'envahissement fatal des nécessités et des turpitudes. Nobles et mystérieux triomphes qu'aucun regard ne voit, qu'aucune renommée ne paye, qu'aucune fanfare ne salue. La vie, le malheur, l'isolement, l'abandon, la pauvreté, sont des champs de bataille qui ont leurs héros ; héros obscurs plus grands parfois que le héros illustre. »
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