Village de cavernes

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J’ai regardé le plafond pendant des heures en espérant t’y trouver

Mais toi, tu te mêlais aux nuages de fumée de ta cigarette

Toujours assise dans le fauteuil

Tu sais ? Celui qui est plein de poils de notre chat qu’on avait acheté ensemble, il y a deux ans. On l’avait appelé Cachette. Tu n’étais pas d’accord, mais on s’en foutait. On se sentait bien, il y a deux ans, mais petit à petit, tu as

commencé.

Avec des petites choses, d’abord. Ténues, c’était

Des belles attentions, tu m’en as flatté

Moi j’ai mordu à l’hamerçon, bien sûr. L’amour, c’est ça, c’est juste une intoxication

Puis tu as commencé à faire ces choses idiotes

Je déteste ça

Parfois, mon corps se changeait en mélasse ; pendant la vaisselle ; alors que j’allais au taf

Pleurer a commencé à devenir de plus en plus difficile

Puis j’ai vu le voisin et sa putain de baffle

La musique était forte. Il était une heure du matin

Je me suis tenu devant sa porte

Sans toquer

Sans parler

Avec un couteau, j’ai gravé le bois. Il n’entendait rien, chez lui tout était

Si fort

Toi, tu regardais la scène par dessus mon épaule ?

alors oui, j’ai merdé, j’en ai conscience

mais j’avais raison

Raison, c’est moi puisque je suis meilleur que ça

Je l’ai caché et toi, tu as mordu à l’hameçon, tu m’as jeté plus d’appâts

Ça me rendait malade, tes putains de ver de terre

Tes morceaux de viande séchée, tes épinards

Toutes ces petites boules puantes pleines d’amour

Folie furieuse, qui crisse sous ma dent comme le sable alors que je ravale une insulte à ton encontre. Je te parlais pas, on se parlait plus, on avait plus besoin de se dire quoi que ce soit pour nous entendre crier

Juste hurler aurait été plus

facile

Mais j’ai eu pas la conscience tranquille, j’ai commencé à penser à ma propre mort. Elle me fascinait et, petit à petit, j’en suis tombé amoureux. J’ai posé les mots sur un papier que nul ne peut lire, parce que ça ne marche pas comme ça

Les mots manquaient, au point qu’il n’y avait rien d’autre que le silence

Un silence qui est juste ce qu’il faut

pour pas revenir là-bas, dans le monde d’à côté

Je t’inventais, en fait

c’était plus facile pour éviter que les autres qui mentaient

Les gens qui voulaient me tuer

Je me retournais souvent dans la rue, dans l’espoir qu’un couteau, qu’un flingue se révèle, que ça puisse montrer que j’avais

pas tort

Rien et juste toi, qui me dit que j’étais pas dans mon état normal

Et toi, tu l’étais ? Tu voulais qu’on achète plus de miroirs juste

pour te voir

juste toi

toi

Et ton cœur de petite merde brisée qui supporte pas qu’on puisse se faire une carapace. Toi et ta philosophie de comptoir comme quoi on aurait besoin de s’ouvrir au monde, que c’est plus dur oui, oh oui c’est plus dur mais c’est tellement mieux. J’en ai marre

de tes putains d’allusions, tu veux juste me la mettre à l’envers ?

C’est ça que les femmes font, non ? Te la foutre à l’envers

Te faire croire que c’est normal, qu’il faut vivre avec le petit garçon qui toque à ta porte chaque matin pour te réveiller et te dire « tues-toi » et lui répondre « plus tard ». Mais moi j’entends rien, t’es plus là

plus

juste

au loin du quelque part de l’endroit où on veut pas chercher, au fond du troisième couloir dans la porte à gauche. Tu veux me convaincre que je suis bien, que tout ça n’existe pas, que je me fais des idées, que non, c’est pas les autres le problème mais c’est moi

Sauf que rien

Rien n’est normal ici, tout le monde veut se faire la malle

Tout le monde débarque avec ses salades en pensant que la vinaigrette sera bien meilleure chez son voisin de pallier, sa voisine de chambre, ses adelphes de quartier

Au fond, tu veux juste que je déguste ma salade seul ; moi, je vais la partager cette putain de salade

Et on verra qui rira quand j’aurais renversé la vinaigrette.

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