Chapitre 13-2 : Premières impressions
Bon, je suis vraiment pas convaincue par cette partie (comme c'est le cas depuis quelques chapitres en fait ^^') J'ai l'impression de me perdre en explications...
Ces cicatrices n'avaient rien à voir avec celles liées aux risques du métier. Elles se concentraient toutes autour de l'œil gauche du lieutenant, si nombreuses que, de sa position, Ric n'en distinguaient qu'un entrelacs complexe s'étendant du front à la pommette et frôlant dangereusement les paupières. La plus longue semblait longer intégralement la paupière inférieure depuis la naissance du nez avant de disparaître au niveau de la tempe. Un millimètre plus haut et Wilhelm aurait perdu l'œil.
Ric n'aurait pas dû être pris de court par ces balafres. Depuis qu'il aidait l'orphelinat de Brunehilde, il avait plus d’une fois été exposé aux agressions dont étaient victimes les éclipsiens. Ces derniers étaient issus de l'association de Lumen et Zirka, mais, contrairement aux autres races humaines créées par la collaboration entre le Dieu des dieux et une autre divinité, leur engeance n'était pas héréditaire. Seuls les enfants venant au monde lors d'une triple éclipse naissaient éclipsiens.
Si certains pays voyaient dans ce phénomène une agression de la Déesse Entière envers son frère, afin que la mort prenne le pas sur la vie, et considéraient donc les éclipsiens comme des abominations qu'il fallait éradiquer, ce n'était pas le cas du Wiegerwäld. Le royaume de Ric voyait dans ce phénomène un signe de déférence de Lumen envers sa sœur. Contrairement à lui, la reine céleste ne s'était pas séparée en différentes entités afin de déléguer les tâches qui étaient les siennes, alors, afin d'honorer sa force, le Dieu des dieux lui permettait parfois de trôner durant son règne et de revendiquer tous les vivants poussant leurs premiers cris sous leurs regards conjugués. Aux yeux des Wiegerwälders, les éclipsiens n'étaient donc qu'une race d'humain issus de l'union de Lumen avec un autre dieux, comme les devins, mages et thérianthropes. Ils n'auraient pas dû être persécutés.
Hélas, il est une peur, ancrée au plus profond des hommes, qu'une grande majorité ne parvient à surmonter : la peur de la mort. Aussi, à l'instar des autres enfants de Zirka, les éclipsiens étaient craints et les pires pouvoirs leur étaient attribués. Il se disait que les évoquer attirait l'attention de leur mère, qu'ils étaient capables d'absorber l'énergie vitale d'une personne simplement en restant à côté d'elle, qu'ils pouvaient tuer d'un simple contact, que croiser leur regard revenait à contempler celui de Zirka et d'être condamné…
Alors, la majorité des Wiegerwälders les fuyaient et certains allaient jusqu'à leur crever les yeux. Nul n’était épargné ; pas même les enfants. Et avec la dernière triple éclipse remontant à huit ans, un jeune éclipsien arrivait tous les quelques mois aux portes de l'orphelinat de Brunehilde, la moitié du temps après avoir été rendu borgne ou aveugle par un parent ou un inconnu. Ces enfants ne restaient jamais longtemps, car ils étaient ensuite transférés dans des orphelinats spécialisés de l'ordre de Zirka, mais il n’était rare que Ric en croise un quand il se rendait là-bas.
Alors pourquoi les cicatrices de Wilhelm le perturbaient-elles autant ? Était-ce sa lutte désespéré et l’acharnement de son agresseur, clairement visible à travers ses innombrables entailles ? Parce que ces cicatrices, bien que très différentes, lui rappelaient celles d'Alizarine ? Ou était-ce parce que le combat de son frère lui semblait de nouveau voué à l'échec ? Les éclipsiens étaient reconnus comme des humains à part entière ayant une origine divine et pourtant ils souffraient tout autant que les sans-âmes. En sachant cela, comment Éleuthère pouvait-il croire que mettre un terme aux persécutions des bâtards, l'engeance la plus détestée de toutes, qui n'était même pas considérée d'essence divine, était possible ?
–Maître Jäger ?
Un spasme agita Ric et il se rendit compte qu'il était resté là, perdu dans ses pensées, les yeux toujours plantés sur le lieutenant Fuchs. De sombre, l'expression du soldat était en train de devenir incendiaire. Ric s'empressa de se détourner – bons dieux, il était censé faire bonne impression, pas avoir l’air d'être incommodé par les éclipsiens en fixant celui de la troupe trop longtemps ! – pour se concentrer sur l'homme qui l'avait appelé et s'était avancé à sa rencontre : le général Gabriel Mudrost.
Le bras droit de sa sœur avait changé depuis la dernière fois que Ric l'avait vu. Ses cheveux, encore très brun dix ans plus tôt, avaient bien blanchis au niveau des tempes et arboraient désormais une teinte poivre et sel sur le reste de sa chevelure. Les rides qui creusaient son visage, en particulier celles entre ses sourcils et aux coins de ses yeux, s'étaient approfondies. Ses épaules semblaient moins vastes malgré les spalières qui les recouvraient.
Pourtant, fou aurait été celui qui aurait pris ces marques de vieillesse pour un signe de faiblesse. Malgré son âge avancé, Mudrost restait bâti comme un roc et était toujours considéré comme l'une des plus fines lames du pays. Des aptitudes qui lui permettaient d'occuper encore aujourd'hui le poste de premier garde du corps de la première princesse en plus de celui de second de la généralissime.
Cette double responsabilité auprès d'Adalsinde aurait dû le tenir à l'écart de toute expédition, mais cette dernière avait jugé plus prudent d'ajouter à la troupe une personne dans la confidence ; quelqu'un qui connaissait la véritable identité de Ric, ne la voyait pas d'un mauvais œil et possédant assez d'autorité pour écrasé toute dissensions si jamais sa présence venait à être remise en question. Le choix, extrêmement limité, s'était naturellement porté sur Mudrost.
Afin de ne pas donner du grain à moudre à l'unité, ils firent toutefois comme s'ils ne se connaissaient pas, échangeant poignée de main et formule de politesse attendue lors d'une première rencontre.
–Enchantez de vous rencontrer ; je me présente : général Gabriel Mudrost, second de la généralissime et chef de cette unité. La commandante Camille Kesten et le lieutenant Wilhelm Fuchs me seconderont le temps de cette mission.
Il désigna la plus petite femme de l'unité, une brune aux yeux noirs qui observait Ric avec attention et qui, en dépit de sa taille, avait des épaules aussi larges que lui, puis l'éclipsien, qui continuait à le fixer sombrement. Si la première cessa de le scruter le temps de le saluer d'un geste de la tête, Wilhelm n'en fit rien. Ric veilla à leur retourner la salutation à tous deux sans croiser le regard sombre.
–C'est un honneur de vous rencontrer.
–Tout l'honneur est pour nous, maître, répondit Kesten.
–Votre dossier n'a en effet pas tari d'éloge à votre égard, renchérit Mudrost de sa voix rocailleuse, et nous n'avons aucune raison de croire que vous ne vous révélerez pas à sa hauteur. (Ric se retint de serrer les dents.) Maintenant, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous allons nous mettre en route sur le champ. Le voyage nous laissera bien assez de temps pour discuter et pour que vous fassiez connaissance avec l'ensemble de la troupe.
Les cicatrices du lieutenant se rappelèrent à Ric, mais il s'empressa d'opiner avant qu'elles le perturbent à nouveau et le fassent douter plus encore de sa décision. Ni une ni deux, deux colonnes se formèrent et Ric se retrouva au deuxième rang, derrière la commandante et à la gauche d'un homme aux cheveux blond foncé et au teint clair. La lueur fluctuante des torches accentuaient les trois discrètes protubérance de part et d’autre de sa gorge et faisait chatoyé de fines squales autour de ses yeux bruns.
Alors que le soldat lui adressait un sourire en coin, Ric eût à peine le temps de trouver son nom dans la liste d'Adalsinde – Viktor Delarive, le nix – que devant eux, Mudrost et Kesten talonnèrent leur monture.
L'ensemble de l'unité les imita tel un seul d'homme.
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