Chapitre 2 : Abigaël - La visite guidée

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Soulagés de nos bagages, nous repartîmes à l'aventure. Abigaël stoppa net notre progression. —Bali !

— Quoi, qu’est-ce qu’il y a Bali ?
—Je t’ai défié de me faire rêver. Je demande ce que je veux. Et j’ai besoin d’évasion, de beauté et d’un soupçon de magie. Alors tu as pour mission Bali. J’ai toujours voulu y aller.
—Tu n’avais pas plus simple ?

Mon cerveau se mit en ébullition pendant que je faisais les cent pas dans la chambre. Bali à cette heure-ci. Que faire ? Les yeux illuminés, je songeais à une alternative. Puis mon visage s’éclaira. Avec entrain, je l’attrapais par la main.

— Que fais-tu ? Où m’emmènes-tu ?

Sans mot dire, je nous dirigeais dans le quartier du Marais. Elle me regardait avec insistance et je lui répondais simplement par un sourire presque vainqueur. Ses yeux cherchaient une réponse. Finalement, nous arrivâmes devant un grand immeuble dont l’entrée était dessinée d’une porte noire. Dans un cérémonial quelque peu farfelu, tel un génie sorti de la lampe, je lui dis :

—Votre vœu est exaucé mademoiselle.
—Pardon ? Où vois-tu Bali ?

Sûr de moi, je continuais ma misérable mise en scène.

—Tu connais le principe de l’illusion ? Plus tu es près, moins tu en vois…

Abigaël ne comprenait pas.

—Et si tu commençais par frapper à la porte ?

Elle s’exécuta et quelques secondes plus tard, une femme d’un bel âge et à la voix affable nous ouvrit et nous invita à entrer.

—Bienvenue au Karsa !

Abigaël ne put s’empêcher de pousser un petit cri de surprise. Le spectacle qui s’offrait à ses yeux était de toute beauté. Une végétation luxuriante guidait ses pas vers des entrelacs et petits ponts entre piscines de pierre aux eaux turquoise, des chemins en green Sukabumi, jardins de bougainvilliers, fleurs de frangipaniers, orchidées et nénuphars. C’était grandiose. Elle s’émerveillait et se retourna vers moi le regard empli d’étoiles.

—C’est magnifique ! Comment un endroit aussi banal peut-il cacher une telle beauté ?
Tandis qu’elle se promenait dans ce labyrinthe de fleurs, la gérante s’approcha de moi et me fit une chaleureuse accolade.

—Bonsoir Alessandro !
—Jasmine, toujours un plaisir de te voir.
—Et c’est un plaisir partagé. Que puis-je pour toi ?
—Désolé pour l'heure tardive, mais j’aimerais que la jeune femme qui m’accompagne bénéficie de l’hospitalité balinaise et que vous lui offriez un petit voyage des sens.

Jasmine me décocha un petit sourire mutin. Nous nous étions rencontrés l’année précédente au cours d’un dîner blanc et avions tout de suite compris qu’une douce complicité s’installerait entre nous. Elle était d’une quarantaine absolument fabuleuse. Des courbes maintenues, un galbe parfait et un déhanchement qui réveillait les instincts les plus enfouis.

—Cet endroit est vraiment fantastique. Répétait Abigaël.
Elle semblait béate. Mon inspiration avait fait mouche. Jasmine s’approcha de mon invitée et lui prit la main.

—Suivez-moi. Que diriez-vous d’une petite promenade sensorielle ?

Notre hôte pivota la tête et je lui fis un clin d’œil en guise d’approbation. Je la regardais s’éloigner avec ma cavalière. C’est la première fois que je portais une réelle attention à la plastique d’Abigaël. Elle marchait avec un raffinement suprême qui accentuait la forme d’une paire de fesses rebondies. Sa chevelure flamboyante et cascadée se promenait le long de son dos. Certes, ses yeux verts étaient envoûtants, mais son allure faisait plus d’effet encore.
En homme de goût, je ne doutais pas qu’elle était femme à éveiller le plaisir des sens, à créer l'abandon grisant de l'esprit qui séduit, trouble puis bouleverse la sensibilité du corps. Elle était perturbante et moi-même j’avais besoin d’un massage libérateur.

La gérante était revenue.

—Ton amie est entre les mains expertes de mes assistantes.

J’étais satisfait. Toutefois, elle avait noté mon trouble. Elle m’emmena vers un salon privé qui ressemblait à une serre.

—C’est moi qui vais te masser. Dit-elle l’œil complice et le sourire enjôleur.
—Il faut libérer cette tension.

Elle me fit entrer dans un espace de pur plaisir. Des bougies parfumées transformaient la pièce en un joyau de la nature. Je me préparais, me dépouillant de mes vêtements, tandis qu’elle concoctait son mélange à partir des huiles d'amande, d'ylang-ylang et de gingembre. Quand il fut terminé, elle me demanda de m'installer sur la table de massage pour débuter la séance. J’avais en guise d’unique protection une serviette posée sur mes fesses.

Le philtre doré qu’elle versait sur ma peau était agréablement chaud. Telle une aventurière, Jasmine explorait mon corps avec ses mains agiles. Mes tensions se dénouaient alors qu’elle pianotait sur les stigmates d’une peau qui avait manqué de tendresse dans son enfance.
Quel secret se cachait-il derrière cette cicatrice, devait-elle se demander ? Et celle-là ? Puis tant d'autres. Les yeux clos, je ressentais les bienfaits de ses passages répétés. Ma bienfaitrice avait décidé de refaire le parcours en sens inverse et de revenir au point de départ.

Jasmine commença comme d'ordinaire, avec une conversation anodine mais suave, pendant qu'habilement elle relaxait mes jambes de gestes gracieux et efficaces. J’aimais sentir ses mains douces jouer avec mes muscles pour les détendre. Mon esprit vagabondait vers des lieux où la délicatesse féminine était reine et où seul le plaisir du moment comptait.
Elle venait de terminer les jambes, les laissant comme dans un duvet de bien-être pour doucement prendre possession de mon dos. Le nouveau ballet de finesse qui se déroulait sur ma peau et la présence plus proche de ma masseuse augmentaient les sensations de volupté. Ce lieu d’ensorcellement devenait de plus en plus sensuel. Et quelle fut ma surprise quand je sentis ses mains glisser sous la serviette et masser mes fesses.

Une tornade de sensations, de saveurs, s’emparait de moi. Mais que m'arrivait-il ? Quoi, comment ? Quelle est cette torride Bali qui se révélait à moi ? Ce monde chargé d'exotisme qui libérait une rafale d'arômes ? Ce délice qui s'engouffrait en moi et qui tentait de prendre le contrôle de mon corps, de mon cœur et de mon âme ? Je ne me l'expliquais pas. Ce que je comprenais, c'était qu'à force d'effectuer des aller-retours, Jasmine avait redonné vie à ma peau. Le contact de la sienne avait libéré une euphorie bienveillante qui sommeillait et qui ne demandait qu’à s’exprimer.

Et cette femme avait le besoin impérieux d’inhaler cette euphorie, toucher, de le posséder comme une exploratrice arrogante souhaitant marquer son trésor. Elle ressentait cette nécessité jusqu'au malaise à force de parcourir le territoire exotique de mon corps.
Mais la disparition de l'huile l'incita à en remettre sur moi et à reprendre son souffle chaud qui taquinait ma nuque. Cette fois-ci, l'huile se changea en seconde peau, transformant le sol sauvage de chair en une terre moelleuse et tiède. Cette dernière reprenait vie ! Cette terre si inhospitalière, accidentée par la vie, devenait minute par minute un voile de velours.

Tous mes sens s'affolaient. Sa vue se troublait, son ouïe diminuait, son odorat s'embrouillait, son goût s'agitait et son toucher se déréglait ! Elle éprouvait avec gourmandise et ivresse cette cascade d'émotions, une volupté si brusque qu'elle se transformait en féline. Je sentais son visage s'approcher, sa voix me susurrer de ne pas bouger et d'en profiter pleinement. Jasmine en profita pour déposer un baiser sensuel qui chauffa ma nuque. Ses mains façonnaient petit à petit un temple de désir qui se construisait le long de mon dos. Une délicatesse érotique qui m'enflammait de plus en plus. C'est tout naturellement qu'elle fit glisser le dernier rempart de tissu le long de mes jambes. Qu’importe le risque d'être pris en flagrant délit, que quelqu'un me surprenne. Je ne ressentais que le plaisir montant de ce moment spontané.

Quand elle me demanda de me mettre sur le dos, je le fis sans gêne. De toute façon, elle connaissait le résultat de ses caresses. Elle me regarda avec un sourire coquin et commença à masser le haut des cuisses à la hauteur des hanches. Elle semblait tout faire pour éviter de toucher mon plaisir qui n'attendait que ça.

Elle était de plus en plus mutine en voyant mon impatience qu'une main dérape. Elle glissa le long de mes hanches, titilla l’intérieur de mes cuisses, savant dosage d'onctuosité qui se traduisait par un plaisir grandissant. Puis elle déposa un baiser sur mon torse. Je priais intérieurement pour qu'arrive enfin le supplice. Elle m'avait fait patienter, mais elle aussi avait envie de prendre en main son objet de plaisir qui s'était dressé en réponse à son massage sensuel. En regardant fixement mes yeux, elle devina mon souhait. La tentation était vraiment un sentiment perturbant.

Le déclic s'était manifesté à sa seule vue et s'était déclenché au contact de sa lourde poitrine sur mon torse. Oui, elle m'avait charmé, troublé, séduit puis envahi comme un air qui s'infiltrait dans n'importe quelle issue sans barrières ni contrainte. Ce tourbillon érotique était d’un exquis et perdurait au-delà des limites du temps. Chaque affleurement déclenchait une onde de bien-être. J’avais envie que ce big bang émotionnel et corporel ne finisse jamais. Jasmine esquissa un sourire de satisfaction quand sa main frôla mon bas-ventre chamboulé de ses tactiles intentions… Puis… Plus rien.

—Ton amie vient de finir sa séance.

Brusque retour à la réalité. La séance s’était terminée au bout de quarante-cinq minutes de douce torture. Jasmine acheva le massage avec des effleurements, laissant ses doigts glisser sur ce voile satiné depuis le visage jusqu'à mon désir dévoilé tandis que ma main parcourait délicatement son échine. J’avais du mal à quitter cette rêverie. Elle m’embrassa affectueusement et sortit de la pièce, non sans lâcher un “hum” de ravissement. Elle avait réussi son coup.

—On reprendra une autre fois.

Tandis que je me rhabillais, j'éprouvais l'envie confuse et irrésistible de revivre cette scène. Jusqu'à sa fin du moins. Je rapprochai mes mains de mon visage pour rechercher le parfum de sa peau : celui-ci provoqua un long frisson qui parcourut mon corps et bouleversa mon âme. Finalement, je quittais la pièce, heureux d'avoir pu ressentir une tempête sensorielle aussi extraordinaire.

Abigaël m’attendait, visiblement ravie de son expérience. Son sourire rayonnant était le bon point pour la mission réussie. Détendue, elle m’agrippa le bras tandis que je saluais notre hôte pour son hospitalité et sa bienveillance. Au sortir du bâtiment, je pris une bonne bouffée d’air. Les idées se remettaient peu à peu en place. Cette petite escapade exotique m’avait ouvert l’appétit.

Un restaurant japonais fit largement l'affaire. La belle avait visiblement autant faim que moi tant elle dévora goulûment son dîner. Sur le chemin qui nous amenait vers le bar, Abigaël me racontait tout et n'importe quoi. Sa langue s’était étonnamment déliée. Son discours était tantôt drôle, tantôt grave. Mais elle s'était un peu libérée de l'angoisse qui l'avait jusque-là accompagné.

—Je n'ai plus envie de rêver, Alessandro. Prenons un verre et rentrons.

Une résolution qui me convenait. Mon esprit n'aura pas d'autres stratagèmes à élaborer pour la divertir. Un cocktail au Moonshine clôtura nos Parisiennes tribulations et un Uber nous déposa en toute sécurité à l'hôtel.

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