Les feuilles mortes de l'Automne

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Des rus sans nom dévalent frétillants les pentes arborées du Bois de Selve pour rejoindre le village d'Haramont.

Ces flots viennent en bandes joyeuses et chantantes, telle une foule en marche pour prendre la Bastille. Les pluies incessantes des jours précédents alimentent sans cesse les terres grasses qui dégorgent sous peine d'ivresse.

*

La Fontaine Pareuse et surtout la Fontaine des Gardes prennent leurs écots au passage des ruissellements.

Depuis la Route du Faîte, sur la ligne de crête, en limite de la Forêt de Retz, nombre de débris végétaux se perdent dans les aléas tourmentés des fossés et drainages, en bordure d'allées et de sentiers. Le vert s'atténue désormais, un peu plus rare, en l'absence d'un été indien.

Alors le feu se répand dans les branches et les houpiers, comme autant de parures flamboyantes, en feuilles aux mille couleurs, rouge, orange, jaune, marron et tant d'autres nuances intermédiaires. L'automne produit cet effet magique à la nature en la rendant bigarrée alors que sournoisement il l'endort.

*

Auparavant la saison estivale prenait tout son temps, son quartier.

Partout elle s'étendait en chaleur, vents et tourbillons, avec quelques fortes pluies lors de soirées orageuses. Très vite les moissonneuses enfilaient les alignements des anciens sillons pour couper les champs de blés, d'orge ou de colza, laissant derrière d'immenses étendues en sorte de paillassons dorés et des bottes en forme de briques comme autant de moutons égarés.

Depuis lors, une tout autre activité règne dans les champs environnants.

Partout s'accumule, en cette fin de septembre, des pyramides picardes, faisant honneur à la betterave destinée aux usines sucrières. Il reste quelques pommes de terre à récolter mais bientôt viendra le temps de la récolte des maïs.

*

Alors qu'une autre journée commence, l'astre solaire semble mort. Et la pluie crépite sur les Velux.

Les nuages accumulés dans un manteau cotonneux et grisâtre vident à l'envi leur excédent de bagages. En fait, ils nous adressent leurs souvenirs de voyage depuis l'immense océan où ils prirent naissance et dont certains au sein de golfes tropicaux entre les Amériques.

Parfois les gouttes cessent de tomber, remplacées par le cliquetis des touches heurtées par mes doigts fiévreux sur le clavier de l'ordinateur, et l'histoire un instant morte, semble reprendre vie sous les flots ravivés de mon inspiration.

*

Alors je me demande ce que deviennent les ruisseaux qui traversent mon village.

Je les imagine, plus que je ne les vois, dévaler le long de la rue de la Vallée de Baudrimont en direction du chemin et de la Fontaine du Vieux Moulin et à la hauteur du Lavoir. Plus loin encore, ils traverseront les douves estompées et le plan d'eau du Château des Fossés, si cher à la mémoire d'Alexandre Dumas. Puis ils iront, sous le nom de Ru de Longpré, se perdre dans les étangs du Prieuré de Longpré et ses magnifiques jardins bordés d'édifices anciens en pierres rénovées.

Sans doute, tous ces rus intrépides, rejoindront-ils tels des amants transis, la rivière qui, ici, porte le nom d'une saison pleine de poésie : l'Automne.

=O=

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