Adieu à monsieur Alcappa
Je n’ai pas réussi à dire plus que ces mots : « Je suis désolé. »
La salle de classe s’est vidée, comme chaque mardi, lorsque la sonnerie marque la fin du cours de mathématiques, et par la même occasion, le début de la pause déjeuner. Mes notes étaient sur la table, quatre pages entières de cours et d’exercices. Elles sont restées longuement devant moi, le temps de me retrouver seul avec monsieur Alcappa. J’ai fait semblant de contrôler le dernier graphique, puis j’ai traîné pour ranger mes affaires dans mon sac. Ensuite, lorsque nos regards se sont croisés, je lui ai dit cette phrase fatidique.
Monsieur Alcappa était nouveau cette année. Il s’est rapidement familiarisé avec les bâtiments et l’emplacement des salles. En classe, il était assez sévère mais aussi disponible. Physiquement, il était sportif et musclé, rien de surprenant sachant qu’il pratiquait beaucoup de sports : natation, vélo, course à pied, badminton… tout ce qui lui plaisait et qu’il avait la possibilité de faire. Il avait dit, une fois, que : « Si je suis dans la dernière catégorie, d’accord, mais alors je m’entraîne à fond pour arriver premier dans la dernière catégorie. »
Son visage avait à peine été perturbé par mes paroles. Tout à l’heure, il avait un sourire content et les yeux grands ouverts. Maintenant, un léger changement au niveau des sourcils indiquait qu’il était étonné. C’était difficile à dire et le trac en rajoutait à la difficulté. Ce n’était rien, mais ce n'était pas des choses que l’on devrait avoir à dire dans sa vie.
Les aveux ont suivi naturellement : « Je ne suis pas ce que vous pouvez appeler un bon élève. Moi aussi je me détesterais si j’étais à votre place. »
Je ne pouvais pas me voir : on ne se voit jamais, sauf grâce aux reflets ; mais je pouvais m’imaginer avoir le regard de quelqu’un qui est sur le point de se faire fusiller. Parce que j’avais peur. Peur qu’il exprime finalement son antipathie envers moi et peur aussi de le décevoir. C’était mieux que j'abandonne l’école : au moins je n’aurais pas été une honte pour ma famille.
Monsieur Alcappa avait alors répondu : « Non, je ne te déteste pas. Je ne déteste aucun de mes élèves, qu’il soit bon ou mauvais. Je ne ferais pas ce métier si je détestais mes élèves. Ne t’inquiète pas. Ta moyenne n’est pas si mauvaise et tu as toute l’année pour la rattraper. Je suis sûr que tu vas la remonter. Je sais que tu es un garçon sérieux et intelligent. En classe, tu fais tous les exercices justes et dans les temps. Alors s’il y a un élève qui doit avoir le bac, c’est bien toi. »
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