Les chevaux sont scellés. Les armures recouvrent les corps solides de ceux qui désormais s’apprêtent à offrir leurs âmes aux dieux. Les armes fermement empoignées, chacun attend le premier battement des tambours pour entamer sa marche en avant, conscient qu’aucun retour n’est possible.

Un bruit sourd se fait entendre. Un bruit profond, qui semble tout droit sortir des entrailles de la Terre. Le signal. Les cavaliers se mettent instinctivement en route. La raison a de toute manière déserté les lieux depuis longtemps. Le bruit des sabots frappant l’étendue d’herbe et de terre semble porter avec lui une musique singulière. Celle de la bataille qui s’annonce, une sorte de prélude au grand fracas que provoqueront les premiers bris de boucliers et de lances. Le rythme s’accélère. Encore quelques mètres et les premiers guerriers tomberont. Les premiers hurlements se feront entendre. Les premiers bras sectionnés, les premières têtes tranchées.

Gavnir est l’un de ces cavaliers. L’un des premiers à tomber. Il entend encore un temps les éclats de voix autour de lui, le bruit du métal contre le bois, puis une musique nouvelle vient l’emporter. Un chant. Une envolée lyrique qui l’emporte loin, bien au dessus du champ de bataille qu’il observe désormais avec légèreté. Il règne une harmonie poignante dans ce chaos apparent. Car en réalité, rien n’a été laissé au hasard. Le bruit des chevaux, celui des armes, des hommes. Tous se mêlent en une seule et même mélodie nouvelle.

Gavnir se laisse porter encore un peu plus haut. Jusqu’au sommet du Monde. Jusqu’au royaume de ceux pour lesquels il a livré bataille, pour lesquels il a offert sa vie sans hésitation. Il ferme les yeux un instant, bercé par le son des clairons venus accompagner son ascension. Il savoure chaque instant. Jusqu’au silence.

Ses yeux s’ouvrent à nouveau. Dans sa main une hache immense. Sous lui un fier canasson apprêté pour l’accompagner combattre une fois de plus. Les dieux l’ont remis en celle pour une nouvelle cavalcade effrénée. Il est prêt. Qu’ils viennent. Qu’ils osent se montrer. Il offrira sa vie, encore et toujours. Sa flamme jamais ne s’éteindra.