Le pouvoir perdu des chats

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Notre histoire se passe il y a longtemps, bien longtemps. À cette époque, les chats se plaignaient de la pluie qui leur trempait le poil et les rendait misérables. Avez-vous vu un matou mouillé ? Cela ressemble à un rat, c’est ridicule. Tout le monde le pensait aussi et se moquait d’eux.

Un jour les chats se réunirent, convinrent qu’il fallait faire quelque chose et allèrent donc voir le grand Esprit.

— Grand Esprit, s’il te plaît, arrête de faire tomber la pluie, nous en avons assez !

— Mais il faut bien de l’eau pour que les plantes poussent et que les animaux se désaltèrent.

— Oui mais pourquoi pleut-il quand nous chassons ou lorsque nous sommes loin de tout abri ?

— C’est vrai. Et bien, écoutez, je vais vous donner le pouvoir d’éloigner les averses et les crachins. Vous qui sentez quand elle arrive, vous n’aurez qu’à vous passer la patte derrière l’oreille pour envoyer les nuages loin de vous.

Les chats remercièrent le grand Esprit et s’en retournèrent chez eux, contents, la queue en l’air. Que ce pouvoir était pratique ! Dès que les petits félins sentaient poindre l’humidité dans l’atmosphère, paf ! un coup de langue sur la patte et pif ! La patte derrière l’oreille et les stratus, cumulonimbus et autres nimbostratus s’en allaient. Le soleil brillait sans discontinuer et ils restaient au sec, à se chauffer le poil en ronronnant.

Mais un jour, les animaux vinrent les voir :

— Il faut que vous cessiez de vous passer la patte derrière l’oreille ! Ça devient insupportable !

— Vraiment ? Mais pourquoi donc ? Il fait beau tous les jours ! N’est-ce pas formidable ?

— Non ! L’herbe est toute roussie, ce n’est pas bon à manger ! protesta la vache.

— Les sources sont taries, il n’y a plus rien à boire ! renchérirent tous les autres.

— Vous faites des manières, se moqua le chat qui se désaltérait suffisamment en dévorant ses proies.

— Puisque c’est ainsi, nous allons voir le grand Esprit !

— Bon, bon, c’est d’accord, nous allons un peu arrêter.

Et la foule des animaux s’en alla, contente. Les petits félins se donnèrent un coup de langue sur l’épaule pour montrer qu’ils n’en avaient rien à faire et se rallongèrent pour mieux prendre le soleil. Évidemment, à la première goutte d’humidité qui leur chatouilla les moustaches, ils se passèrent tous la patte derrière l’oreille. Au bout de plusieurs jours, lorsque les vaches, les chiens, les antilopes et tous les autres ne virent toujours pas arriver les nuages, ils comprirent qu’ils avaient été trompés par les chats.

— Puisque c’est ainsi, allons voir le grand Esprit !

Ils marchèrent jusqu’au grand Esprit et lui expliquèrent la cause de leurs problèmes. Ce dernier alla rencontrer les matous et leur demanda de laisser passer quelques nuées pour nourrir le sol et abreuver les bêtes.

— C’est entendu, répondirent-ils lentement.

Dès que le grand Esprit s’éloigna, les petits félins se léchèrent à nouveau l’épaule, bien décidés à écarter tous les nuages de pluie. Une fois de plus, à la première goutte d’humidité qui leur chatouilla les moustaches, ils se passèrent tous la patte derrière l’oreille.

Quelques jours après, alors que la plaine autrefois verdoyante se transformait petit à petit en désert, les animaux retournèrent voir le grand Esprit.

— Ça ne peut plus durer ! hurla une antilope

— C’est vous qui leur avez offert ces pouvoirs, vous êtes aussi responsable qu’eux ! ajoutèrent tous les autres.

— Bon, bon, c’est entendu. Je vais leur enlever leur don. C’est vrai qu’ils en ont abusé.

Il claqua des doigts et le pouvoir des chats leur fut ôté. Bien sûr, eux n’en avaient pas conscience, rien ne changea, ils ne sentirent aucune différence. Un peu plus tard, des nuages de pluie arrivèrent dans leur direction. Évidemment, tous les petits félins se passèrent la patte derrière l’oreille et se repositionnèrent pour mieux continuer leur sieste. Mais bientôt, une averse formidable tomba sur la plaine. Les matous furent trempés jusqu’aux os et s’enfuirent, ridicule dans leurs fourrures mouillées.

Depuis ce temps-là, les chats ne peuvent plus faire s’éloigner la pluie mais chaque fois qu’un nuage approche, ils se passent quand même la patte derrière l’oreille, en espérant que le grand Esprit leur ait rendu leur pouvoir sans qu’ils ne s’en aperçoivent.

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