Lettre à mon Amour de vieillesse
- Lettre à ma grand-mère, 14 février 2021
Bonjour Mamie,
J'ai l'habitude de te demander comment tu vas en début de chaque phrase... mais aujourd'hui, je sais que ça ne va pas très fort.
À cet instant, tu dois avoir les mille et une images de ta vie qui défilent car toi et moi le savons bien, le temps n'est pas éternel, et ce que tout le monde se dit si bas, nous le pensons tout haut.
Tu t'es bien gardée de tout nous dire, que le temps passait si vite, qu'il s'enfuyait si vite à travers les journées, qu'il s'échappait entre les fenêtres du temps, qu'il pouvait nous aveugler et que nous nous réveillerons avec les marques de la vie sur nos visages. Tu ne m'avais pas prévenu Mamie. Tu ne m'avais pas prévenu que ça t'arrivait aussi.
Je me suis rendu compte que toute ta vie, tu ne m'as jamais rien demandé. Toute ta vie, tu es restée silencieuse à nous écouter nous plaindre, parler du mauvais temps ou nous chamailler pour des histoires sans foi sous ton regard amusé. Tu t'es pourtant bien gardée de nous raconter toute ta vie... Il y a encore si peu de temps, j'apprenais que tu n'étais pas vraiment bretonne mais normande, que tu t'étais réfugiée pour éviter des bombes.
Au fond de tes yeux abîmés par la vie, tu avais pourtant une histoire du temps à nous raconter. Ô bien plus passionnante que les nôtres. Ô bien plus admirable que les nôtres ! Ô bien plus émouvante que les nôtres ! C'est à travers les lettres de mon grand-père que je n'ai jamais connu que j'ai commencé à connaître ton histoire si discrète mais si gargantuesque.
C'est dans ta collection de ces lettres que j'ai compris que ta vie se trouvait ici, dans les mots, et c'est en découvrant tous ces des bouts de mots que le fil de ta vie s'est écrit.
Sache Mamie, que si j'avais su que tu aimais tant les lettres, je t'en aurais écrit des milliers. Si j'avais su que tu aimais tant lire, je t'aurais écrit un roman. Si j'avais su que tu collectionnais nos petits mots, je t'en aurais rempli des bibliothèques !
Mais maintenant... mamie, tu ne pourras plus lire mes lettres, ni mes mots, ses mots qui te faisaient tant plaisir, ses lettres qui tenaient ton âme éveillée. Tu les as emportées avec toi, à tout jamais.
Alors sache Mamie, que je te promets que je continuerai à écrire jusqu'à en perdre la vue ! Jusqu'à ce que mon sang se glace ! Au grand jamais je n'arrêterai d'écrire car, en cette faculté, c'est celle de l'expression de la vie, des mots de la vie qui t'ont tenus éveillés mais que j'ai si peu partagé !
Je te promets Mamie que j'irai écrire sur les murs du monde pour que de là-haut, tu puisses voir que nous allons bien !
J'irai sur les plus grands sommets écrire ton nom pour que dans le nuage de tes pensées, tu puisses y voir les mots de mon cœur !
J'irai dans les plus grandes plaines t'écrire les romans de la vie et les plus belles phrases pour que là-haut, dans le sommeil de ton âme tu puisses y trouver la paix !
J'irai écrire sur ta tombe mamie, pour que dans l'éternité du temps qu'il me reste, ces mots soient avec toi.
Tu lisais pour ne pas mourir, j'écrirai jusqu'à en mourir.
Je t'aime Mamie."
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