Chapitre 1 - Le Réveil
Il faisait sombre, elle ne voyait rien, n’entendait rien. Elle se sentait flotter, c’était étrange, comme si elle n’était plus consciente du monde, comme si elle n’en faisait plus partie. Petit à petit, à mesure qu’elle se sentait revenir de ce rêve sans image, elle se rendit compte que ses paupières étaient closes. Elle ne se souvenait pas de les avoir fermés, pas plus qu’elle ne se souvenait de s’être endormie. Elle se sentait fatiguée, si fatiguée alors qu’elle reprenait doucement conscience. Ses membres étaient aussi lourds que le plomb. Elle dut se faire violence pour ouvrir les yeux. Chaque mouvement était une épreuve. Elle avait l’impression d’être passé sous les roues d’une voiture.
Ses yeux s’accoutumèrent doucement à la lueur ambiante. Il faisait sombre, tellement sombre. Lentement, elle se redressa, observant le monde autour d’elle. Tout était si étrange ici.
Elle se trouvait assise dans un immense lit à baldaquin dont les rideaux sombres étaient tirés. Tout était étrangement doux autour d’elle. Elle avait l’impression de nager dans une mer de tissu pourpre et blanc.
Une douleur aiguë lui vrilla le crâne. Elle amena instinctivement une main à sa tête et découvrit une marque sur son poignet. Elle la regarda plus attentivement, essayant d’identifier ce que cela pouvait bien être. Un tatouage ? Non, trop clair. Une tâche de naissance alors ? Non plus, trop fin.
Une cicatrice ?
Elle passa un doigt dessus, suivant la fine ligne blanche qui barrait sa peau. Elle semblait si ancienne, comment s’était-elle fait ça ? Toujours aucun souvenir, aucune idée de son passé. Elle se massa les tempes. Comment pouvait-elle oublier jusqu’à son propre nom ? C’était complètement fou.
Elle regarda alors le rideau épais qui entourait son lit. Derrière lui se trouvait un autre monde. En faisait-elle partie ? Allait-elle trouver des réponses ? Ou allait-elle plonger une fois de plus dans le néant ? Cette simple idée la fit frissonner. Plus jamais elle ne voulait ressentir ce vide, cette solitude dans laquelle elle avait baigné pendant elle ne savait trop combien de temps.
Alors elle prit son courage à deux mains, s’approcha du bord du lit et souleva un pan de tissu sombre. Elle ouvrit grand les yeux, surprise. Mais où était-elle donc tombé ?
Elle balaya la pièce du regard, sortant peu à peu de l’ombre. Elle s’avança de quelques pas, ses jambes encore un peu cotonneuses manquèrent de céder sous elle. C’était vraiment de plus en plus étrange. Elle se trouvait dans une grande pièce aux teinte rouges et noires. Dans un coin se dressait une immense armoire de bois sombre, plus loin se trouvait une coiffeuse vernie au grand miroir. En se retournant, elle découvrit que le lit dans lequel elle s’était éveillée se trouvait au centre de la pièce. Et de l’autre côté se trouvait des étagères et quelques fauteuils entourant une petite table basse devant une ancienne cheminée éteinte. Une chambre de toute évidence. Sa chambre ? Elle n’arrivait pas à se souvenir. Mais rien ici ne lui semblait familier.
Elle s’approcha de la coiffeuse, ouvrit un tiroir. Rien. Elle fronça les sourcils, fit le tour de la chambre, ouvrant tiroir et porte de placard. Il n’y avait rien. Tout était vide.
Un détail attira alors son attention. Elle tourna sur elle-même, observant les moindres éléments de la pièce. De plus en plus étrange, pensa-t-elle en arrêtant son regard sur un mur. Cette pièce ne comportait ni porte, ni fenêtre. Elle était totalement prisonnière. Mais par qui et pourquoi ? Cela restait encore un mystère.
Elle s’approcha de nouveau de la coiffeuse et s’installa sur le tabouret devant elle. Elle posa son regard sur l’image que lui reflétait le miroir. Les traits de son visage étaient fins, ses cheveux longs et bruns. Elle avait de magnifiques yeux verts et quelques tâches de rousseurs à peine visibles sur ses joues blêmes. Des cernes commençaient à poindre sous ses yeux, colorant sa peau d’un violet encore discret. Elle semblait jeune, tout juste sortie de l’adolescence. Quel âge pouvait-elle avoir ? Elle ne se souvenait pas.
Elle posa ses doigts sur sa joue, effleura sa pommette droite. Était-ce bien là son visage ? Alors c’était à ça qu’elle ressemblait ? Elle avait l’impression de se voir pour la première fois, comme si le miroir lui montrait une parfaite inconnue. Qui était-elle vraiment ? Si seulement elle pouvait se souvenir…
Puis quelque chose l’interpella, une tâche sur son front, caché derrière une mèche brune rebelle. Elle souleva ses cheveux, découvrant complètement son visage et fronça les sourcils. Il y avait une marque sur son front, comme un tatouage. La forme lui faisait penser à une toile d’araignée aux files noirs qui s’était rependue sur sa peau. Elle tenta de l’enlever, frottant sa chair avec force. Mais rien n’y faisait. Elle s’évertuait à rester là, bien en place, sans le moindre petit changement. Seule sa peau avait pris une teinte rosée à force d’être malmenée. C’était comme si elle la narguait, comme si elle savait quelque chose que sa porteuse ignorait.
Frustrée, elle laissa retomber ses cheveux sur la toile d’araignée. Elle remarqua alors l’ombre de l’armoire dans le miroir. Un instant plus tard, il lui sembla l’avoir vu bouger. Était-ce son imagination où la porte du meuble s’était doucement ouverte puis refermée ?
Elle se retourna lentement et observa le placard sombre un moment avant de s’en approcher. Elle posa une main sur la poignée et fut surprise de constater qu’elle semblait vibrer sous ses doigts. Le métal, au lieu de lui paraître froid et dur, lui sembla alors tiède et doux. Vraiment très étrange.
Elle l’ouvrit alors et fut plus surprise encore. Quelques instants plus tôt, l’armoire était vide. Là, elle était pleine à craquer de vêtements tous plus somptueux les uns que les autres. Elle posa alors un regard sur ce qu’elle portait. Elle n’avait pas fait attention au début, mais, à présent qu’elle se sentait bien réveillé, elle découvrit une robe de chambre bien longue et d’un blanc bien terne. Voilà qui faisait pâle figure face aux robes colorées que contenait l’armoire devant elle.
Elle se mit alors à fouiller et tomba finalement sur une belle robe de velours d’un bleu nuit magnifique. Elle l’arracha à la penderie et entreprit d’enlever son affreuse robe de nuit. Elle enfila ensuite la robe de velours et se regarda dans le miroir de la coiffeuse. La robe était beaucoup trop grande pour elle. Le tissu traînait par terre et elle avait l’impression de nager dedans. Elle fit la moue, déçue.
– Dommage, elle était jolie.
Presque aussitôt elle vit la robe s’ajuster à son corps dans le miroir. N’en croyant pas ses yeux, elle fixa longuement son reflet avant de reporter son attention sur son vêtement. Elle passa ses mains dessus, comme pour vérifier qu’elle n’était pas en train de rêver. Mais non, la robe trop grande d’y il avait quelques instants avait totalement disparue. À présent, elle épousait parfaitement ses formes, comme si elle avait été faite sur mesure.
Elle regarda autour d’elle, perplexe. Puis elle entendit quelque chose claquer dans son dos. Elle se retourna en sursaut et vit que l’armoire s’était refermée. Toute seule. Elle s’en approcha de nouveau et, alors qu’elle reposait la main sur la poignée, entendit un grondement à l’intérieur du meuble. Quand elle le rouvrit, toutes les robes avaient disparues. L’armoire était de nouveau vide.
– Bizarre…
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