Chapitre 10 - Cauchemar
Hope soupira. Enroulée dans ses couvertures, elle ne pouvait s’empêcher de se poser des questions sur ce qu’il venait de se passer. Le gardien lui avait semblé dément. Qu’avait-il bien pu vivre pour réagir ainsi ? Et elle ? Quel lien avait-il avec elle ? Que voulait-il dire en lui posant pareil question ?
Tu veux que j’échoue encore, c’est ça ?
Mais pourquoi ? Échouer à faire quoi ? Qu’avait-il donc raté ? Était-elle vraiment responsable de son comportement ? L’avait-elle empêché de faire quelque chose ? L’avait-elle se serait-ce que connu par le passé ?
Hope souffla et se retourna dans son lit.
Des questions, encore des questions et toujours aucune réponse.
– Si seulement je pouvais me souvenir…
Ses paupières se firent doucement plus lourde, puis ses yeux se fermèrent. Elle était épuisée. Quand le sommeil la gagna enfin, les mots du gardien tournaient encore dans son esprit.
Il faisait sombre. Hope ouvrit doucement les yeux. Elle se sentait étrangement légère.
Quand elle se redressa dans son lit, elle se rendit compte que quelque chose clochait. Elle regarda autour d’elle, un peu perdue. La jeune fille se releva, chancelante, et marcha vers la fenêtre qu’elle discernait à peine. Pourquoi faisait-il si sombre ? Où était donc passé la lumière pourpre de la lune ?
En se penchant sur la vitre, Hope ne vit que les ténèbres.
Quand soudain, un flash de lumière éclata au-dehors, éclairant l’espace d’un instant la pièce. Hope papillonna des yeux, à la fois gênée et troublée. Elle ne se trouvait plus dans sa chambre au manoir, mais bien dans la chambre de petite fille qu’elle avait déjà croisé dans un miroir.
Lentement, ses yeux s’habituèrent à l’obscurité et Hope put enfin voir ce qui l’entourait. La salle était étrangement bien rangée. Pas un seul jouet ne traînait au sol, pas un crayon ne dépassait de son pot. L’adolescente était perplexe. Jamais un enfant n’aurait une chambre aussi bien tenue.
Elle regarda alors plus attentivement autour d’elle et vit les couvertures bouger à sa gauche. Hope s’approcha timidement du lit quand un grand coup de tonnerre explosa, la faisant sursauter en même temps que les couvertures devant elle. Un nouveau flash de lumière vint illuminer la pièce et l’adolescente vit une tête émerger des couvertures. Quand elle vit le visage apeuré et plein de larmes de la petite fille, Hope sentit une émotion étrange lui étreindre le cœur. Un mélange de peur et d’appréhension, comme si quelque part dans un coin de sa tête, elle reconnaissait cet instant.
La petite sursauta de nouveau alors que l’orage gronda pour la seconde fois. Hope s’accroupit devant elle. La fillette était paniquée, regardant de tous côtés, serrant plus fort ses couvertures autour d’elle. L’adolescente ne pouvait s’empêcher de la fixer. Elle tendit une main vers la petite mais s’arrêta à mi-chemin, réalisant soudain.
Ce n’est pas réel… ce n’est qu’un rêve.
Et aussitôt sa main retomba à ses côtés et un étrange sentiment de vide s’insinua dans sa poitrine. Elle aurait voulu passer une main dans les cheveux de la fillette et lui dire que tout allait bien, qu’elle pouvait se rendormir. Elle ne voulait plus lire la peur dans son regard… mais elle ne pouvait pas.
Puis, après un énième coup de tonnerre, la petite se releva d’un bond. Elle sauta de son lit et courut vers la porte de sa chambre. Hope se releva à son tour et la suivit. L’enfant essaya d’allumer la lumière, mais la courant semblait coupé. Au bord des larmes, les lèvres tremblantes, elle ouvrit doucement la porte et entra dans le long corridor. Le couloir était plongé dans l’obscurité la plus total, seule la lumière des éclairs au dehors leur parvenait par à-coup.
Hope marchait lentement derrière elle, une main glissant sur le mur pour se guider. Puis elle aperçut de la lumière en provenance du salon. L’adolescente et la petite s’approchèrent à pas de loup et découvrirent un homme – son père – allongé sur le canapé, profondément endormi.
Hope entendit soudain une vague de murmure dans sa tête et le monde commença à tourner autour d’elle. Des images se bousculaient devant ses yeux, des éclats de voix, des assiettes qui volent. Elle dut s’appuyer sur le mur pour ne pas tomber.
Bien sûr, réalisa soudain Hope en se tournant vers la petite qui observait son père, une main sur le cœur. Ils n’arrêtaient pas de se disputer. Mais… pourquoi ?
Hope regarda impuissante la petite observer son père de loin. Il semblait exténué, épuisé par ces disputes incessantes avec son épouse. Le cœur de l’adolescente se serra sans qu’elle ne comprenne pourquoi alors que les larmes lui brouillaient la vue.
Lentement, la fillette se détourna, ses petits poings serrés, ses lèvres pincées. Elle avait les yeux rougis. Elle avait peur, mais n’osait pas déranger son père. Alors elle retourna dans le couloir, longea le mur suivit de Hope et s’arrêta enfin devant une porte semblable à celle de sa chambre.
Le regard de la jeune fille passa de l’enfant à la porte. Puis la réponse la frappa.
La chambre des parents…
Hope regarda la fillette hésiter devant la porte avant de prendre une grande inspiration et de saisir la poignée. Avant même que la porte ne s’ouvre, l’adolescente sentit l’air se bloquer dans ses poumons et la panique la submerger.
– Non… Non, n’ouvre pas ! N’ouvre pas ! cria-t-elle.
Hope se précipita vers la petite et tenta d’attraper son bras, mais sa main ne rencontra que le vide. L’adolescente se figea alors que la porte continuait de s’ouvrir et que l’enfant jetait un œil inquiet à l’intérieur.
– Non… souffla Hope en plaquant ses mains sur ses oreilles. Non… non… non…
Et aussitôt, elle entendit le hurlement de la fillette. Hope ferma les yeux de toutes ses forces. Elle entendait déjà les bruits de pas du père qui se précipitait vers elles. Elle secoua la tête avec véhémence. Ce n’était pas possible, ça ne pouvait pas être ça.
Elle sentait son cœur se décomposer dans sa poitrine et ses sanglots lui nouer la gorge. Son corps était parcouru de tremblement alors que ses jambes cédèrent sous elle. Hope s’écroula au sol, juste à l’entrée de la chambre. Son souffle était court, elle ne voulait pas regarder, elle ne voulait plus entendre les cris et les pleurs de la fillette. Et pourtant, retenant son souffle, l’adolescente ouvrit lentement les yeux.
Son regard se porta d’abord sur le sol avant de se lever vers l’intérieur de la pièce. Elle vit d’abord le lit, sombre au milieu de la chambre. Puis le père qui serrait sa fille, hurlant et pleurant dans ses bras. Elle put même voir les larmes silencieuses qui dévalaient ses joues mal rasées. Puis, doucement, son ses yeux remontèrent vers le centre de la pièce. Un éclair jaillit de nouveau, éclairant la scène macabre. Et tout se figea.
Devant elle, pendue au plafond de la chambre, se trouvait sa mère.
Morte.
Les mains de la jeune fille tombèrent à ses côtés alors que ses yeux s’ouvrirent en grand. Des larmes dévalaient silencieusement ses joues. Tout lui revenait soudain à l’esprit avec une violence telle, qu’elle se sentit vaciller. Comment avait-elle pu oublier ?
Puis, prenant soudain conscience de ce qu’elle voyait, Hope ne put se retenir plus longtemps. Prenant une grande inspiration, elle se mit à hurler à s’en arracher la gorge. Un cri terrible qui résonna dans tout son être.
– Hope !
Hope ouvrit brusquement les yeux et se redressa d’un bond. Trempée de sueur et tremblant de tous ses membres, la jeune fille mit un moment à se souvenir de l’endroit où elle se trouvait. Elle regarda autour d’elle, terrifiée avant de s’immobiliser. À ses côtés, assit au bord de son lit, Hope découvrit le gardien.
Elle essaya alors de parler, mais s’arrêta aussitôt dans son élan. Elle porta une main à sa gorge, perdue. Elle avait les cordes vocales en feu.
Le jeune homme la regarda un instant avant de poser une main sur le front de la jeune fille.
– Doucement Hope, ne parle pas, tu vas te faire mal. Hurler comme ça n’est pas vraiment bon pour la gorge.
Hope l’observa un moment, curieuse. Il ne semblait plus du tout en colère. Il était calme et prévenant. Cette douceur soudaine réveillait de nombreuses questions dans l’esprit de la jeune fille, mais la fatigue et la douleur qu’elle ressentait les balayèrent aussitôt. À cet instant, elle se fichait d’avoir une quelconque réponse, tout ce qu’elle voulait, c’était un peu de douceur.
Alors Hope ferma les yeux et se laissa faire quand le gardien la poussa à se recoucher. Il lui caressa doucement les cheveux, écartant quelques mèches de son visage, dévoilant la mystérieuse toile d’araignée qui trônait au milieu de son front. Son regard s’immobilisa soudain sur elle et ce que Hope y lit alors lui serra le cœur.
Tristesse.
Amertume.
Remord…
Hope ne pouvait s’empêcher de le regarder alors qu’il se détourna de la marque et continuait de lui caresser les cheveux. Qui était-il vraiment ? Et pourquoi semblait-il toujours si triste ?
– Ce n’était qu’un mauvais rêve, dit-il soudain à voix basse. Tu n’as rien à craindre. Je suis là, je te protégerai.
Ses mots lui semblaient étranges. De quoi devait-il la protéger ? Et pourquoi se sentait-elle soudain si fatiguée ?
Le gardien continua de passer ses doigts dans les cheveux de la jeune fille. Son regard semblait si loin quand il prononça ces mots.
– Tu n’as rien à craindre, répéta-t-il. Je suis là…
Puis il se pencha en avant et embrassa le front de l’adolescente. Aussitôt, Hope sentit ses paupières devenir de plus en plus lourde jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus du tout les ouvrir. Elle se sentait étonnement légère alors qu’elle replongeait dans le monde des rêves. Légère et… sereine.
– Je serai toujours là…
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