À couteaux tirés
Rodrigue, charismatique sabre ibérique, plus affuté qu’une besace pleine de couteaux suisses devenait totalement hystérique, dès qu’on avait le malheur de le confondre avec l’un de ces découpeurs ultra-gadgétisés.
— Fi ! Yé né souis pas de cette sous-espèce de gringalet outilitaire tout youste capable dé déboucher oune voulgaire bouteille dé rossé !
Ainsi arpentait-il, superbe et fier, cuisines royales et princières ; jusqu’au jour où il fut présenté à la comtesse Opinela dont la fine lame - dissimulée à l'intérieur d'un magnifique manche d’ébène - tranchait net saucissons frais ou secs.
— Hola senorita, permettez qué yé vous remplace pour venir à bout dé cette carcassse, lui déclara-t-il empourpré en voulant la seconder pour achever la découpe d’un coriace sanglier.
— Monsieur, je vous remercie de votre délicate attention, mais souhaite accomplir seule ma mission. Les difficultés ajoutent du piment à la vie. Voyez le cerf que l’on vient de déposer. Je vous laisse le soin de le dépecer dans les plus brefs délais.
Piqué par cette réplique, le ténébreux ibérique faillit occire la cruelle demoiselle qui refusait son aide et se permettait même de le défier. À lame perdue, il entailla, taillada, coupa, tronçonna la dépouille de l’animal avec tant de fougue que les misérables couverts en plastique regagnèrent en panique les paniers de pique-nique.
Ensanglanté, il releva triomphalement sa poignée dorée après avoir réduit le majestueux bestiau en carpaccio, puis scruta l’assistance. La belle savoyarde s'était volatilisée. Courroucé, Rodrigue courut jusqu'au patio où il aimait s’isoler quand il avait trop chaud et découvrit, hors de lui, la traitresse tirbouchonner avec l’un de ses semblables dans une position on ne peut plus triviale.
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