Chapitre 4 - Enquête Parallèle
* MARTIN *
Lorsque le flic se lève et sort du café en compagnie de la jeune femme, il feint l’indifférence en se plongeant dans sa tasse vide, planqué derrière son col relevé jusqu’aux oreilles. Puis il se lève rapidement, jette quelques pièces sur le comptoir et se faufile discrètement dehors à son tour. Il connait un raccourci, et selon ses calculs, en passant par la petite allée à sa gauche, il est sûr de provoquer une rencontre impromptue. Et effectivement, il tombe bel et bien nez-à-nez avec sa taupe au coin de la rue, comme il l’avait prédit, juste après que celui-ci ait salué la demoiselle en la serrant dans ses bras quelques mètres auparavant.
« - Ah ! Tiens ! Maurice ! Ravi de te voir ! Ça va ?
- Ah bonjour, Martin. Ça peut aller, malgré l’euphorie au commico…
- Ah ouais, c’est vrai… Le justicier… - Bah dis, ça n’t’empêche pas de prendre du bon temps, à c’que j’vois, hein ! s’empresse d’ajouter le dénommé Martin, en désignant du menton la jeune femme au carré blond platine qui s’éloigne dans la rue. C’est qui ? Ta maitresse ? demande-t-il à mi-voix, sur le ton de la confidence.
- Hein ?! Nan mais ça n’va pas la tête ! Elle pourrait être ma fille !
- Bah justement ! insiste-t-il avec un clin d’œil. Une petite jeune…
- N’importe quoi !! s’énerve l’inspecteur. T’es pas bien, toi, hein ! C’est la fille de mon ancien coéquipier, enfin !
- Ah… Excus’… bafouille-t-il, avant de se reprendre. - Ton ancien coéquipier ??
- Oui, il est mort en intervention il y a quelques années de cela maintenant… C’était un accident tragique… Je m’en suis toujours voulu de ce qui lui est arrivé… Alors je me suis promis de prendre soin de sa famille en compensation. Ça ne le fera pas revenir, et je ne le remplacerai jamais, mais… ça me permet de me sentir moins coupable.
- Je comprends… Je suis désolé… murmure-t-il en retirant son bonnet.
- Merci…
- Il s’appelait comment ?
- Pourquoi ?
- Simple curiosité, rétorque-t-il en replaçant son couvre-chef. Peut-être que son nom me rappellera un article au sujet de son décès, par exemple…
- Routin.
Et hop, j’ai son nom de famille !
- Ah ? Non… Ça ne me dit rien… fait-il mine de réfléchir. - Et donc… C’était sa fille avec toi, c’est ça ?
- Oui.
- Elle s’appelle comment ?
- Emilie.
Emilie Routin, donc. Parfait.
- Joli prénom.
- Oui.
- Joli minois, aussi.
- Aussi. »
Un silence gêné.
« - Et euh… Elle a quel âge, cette belle Emilie, pour que tu prennes encore si bien soin d’elle ?
- Mais… C’est un interrogatoire ou quoi ?? commence à s’agacer Maurice. Tu me parais bien curieux, Martin !
- Déformation professionnelle, probablement !
- Elle te plait, c’est ça ??
- Hein ?! Mais non, pas du tout !! se défend-il rapidement, pris au dépourvu. Même si je dois avouer qu’elle a un beau p’tit cul… Maiiiis ça n’a rien à voir de toute façon ! Beaucoup trop coincée pour moi. Je faisais simplement la conversation, voilà tout.
- Hmm… Mais bien sûr !
- Nan, je t’assure ! C’était juste comme ça…
- Mouais… Admettons. Cela dit… Si elle t’intéresse, tu peux m’le dire directement, tu sais ! J’suis pas son père, après tout. En tout cas, elle est célibataire, si tu veux tout savoir !
- Et alors ? M’en fiche qu’elle soit maquée ou non… C’n’est pas ça qui me freine, tu le sais bien ! Mais de toute façon, elle m’intéresse pas, j’t’ai dit…
- Ouais, bah tu fais bien de pas t’approcher, d’un côté ! Parce que même si je t’organisai une petite rencontre avec elle, c’n’est pas vraiment le genre à se laisser séduire par le premier venu, et tu te ferais vite remettre à ta place avec tes réflexions déplacées. C’est qu’elle a du caractère, la p’tite, l’air de rien !
- Tant mieux pour elle, bougonne-t-il en sortant un paquet de cigarette de sa poche pour en allumer une.
- Tu es vexé ??
- Bah nan, pourquoi ? Je devrais ?? rétorque-t-il en lui tendant une clope.
- Non merci, j’essaie d’arrêter. - Mais t’inquiètes, t’as peut-être quand même une chance avec Emilie, si tu te comportes en gentleman ! Qui sait !
Putain, il fait chier ce flic, avec ses sous-entendus à la noix…
* EMILIE *
En remontant dans sa voiture, lorsqu’elle relève la tête après avoir insérer sa clé de contact, elle aperçoit au loin Maurice, en pleine discussion avec un jeune homme qu’elle ne connait pas.
Mais… Mais c’est le mec blond du café ?! Qu’est-ce qu’il lui veut à Momo, celui-là ?
Intriguée, elle les observe discrètement, en se tassant sur son siège pour ne pas être vu.
Ils ont l’air de bien se connaitre : Le jeune homme pose une main sur l’épaule de Maurice en le saluant, dans un geste plutôt amical, et on dirait même qu’il le taquine. L’officier de police semble d’abord gêné, puis agacé, et enfin parait retourner la situation à son avantage. Le jeune homme blond se montre alors tout penaud, se passant la main dans les cheveux après avoir retiré son bonnet. Tous deux discutent ensuite plus sérieusement, à priori. Puis, Maurice semble lui dire quelque chose qui le fait aussitôt tiquer, et c’est au tour du blondinet de se rembrunir. Elle le voit même rougir légèrement, cherchant visiblement ses mots, avant de finalement bouder comme un gamin.
Il faudra tout de même qu’elle se renseigne auprès de Maurice sur l’identité de ce reluqueur professionnel, qui connait manifestement bien son inspecteur préféré. Étrange, d’ailleurs, que celui-ci ne l’ait pas reconnu dans le café, s’ils se connaissent si bien.
Instinctivement, elle sort son calepin rose et son stylo, et griffonne une note en bas de la page du jour :
« Homme blond avec Momo, devant le café Bernard ».
Maudite déformation professionnelle.
* MARTIN *
Une fois au bureau, il se laisse mollement tomber sur sa chaise, l’air pensif.
Emilie Routin… Routin…
Il faut qu’il retrouve sa trace. Il doit savoir qui est cette nana ! Ni une, ni deux, il passe aussitôt quelques coups de fil, pianote sur son ordinateur, puis fonce aux archives et en ramène de vieux cartons, d’où il sort activement des piles d’anciennes revues heureusement gardées précieusement depuis tout ce temps.
Septembre, octobre, novembre… AH ! Le voilà !
Il sort alors un vieux journal de faits divers daté du 18 novembre 1976, intitulé « Rixe entre deux bandes rivales, un policier à terre », puis entame la lecture, les deux pieds sur le bureau.
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