I
Peut-on rester longtemps sans commencer à vivre ?
Y a-t-il un saut à faire, un geste qui délivre,
Ou bien faut-il toujours recommencer l'effort ?
Si telle est la méthode, il doit y avoir alors
Une force dans l'Homme afin de la souffrir ;
L'effort, tout seul, est une loi bête à mourir,
Un principe de brute, ou le commandement
De quelque fanatique sans entendement !
Moi, il n'y a que l'idée du néant qui m'anime
- Ah, devenir enfin le parfait anonyme ! -
Je n'ai ni ambition, ni idéal, ni rêve,
Tout ce que je voudrais, ce serait une trève :
Disparaître un peu... Je m'accomoderais même
De ne pouvoir pas jouir du délice suprême,
J'abdiquerais jusqu'aux plus hautes réjouissances
Pour pouvoir à la fin libérer ma conscience ;
Mais une telle absence, à tout coup, se refuse,
Il faut agir, et vite, et toujours, et sans ruse
Consentir à l'effort, consentir à la foi
Qui est du mouvement bien la première loi,
Être le jouet du temps, de l'espace, du corps,
Et désespérément s'en sentir au dehors !
Et tout ce qu'il faut faire afin de seulement
Tenir la déchéance en respect un moment !
Cette terrible loi qui condamne les choses
À n'être plus qu'avec le temps des ombres closes...
Quand même on s'est un peu gardé de ce malheur
L'action est un pari, et je ne suis pas joueur.
Annotations
Versions