#38
- J'ai du mal à réaliser, là.
- Mmm. Normal. Tout va tellement vite !
Oh que oui. Les garçons ont démarré la compétition il y a quatre jours et pourtant, les voilà déjà qualifiés pour la finale ! Le rythme infernal de presque un match par jour empêche nos esprits d'intégrer le parcours qu'on est en train de réaliser. Ils sont en finale... en finale ! Demain, nous allons affronter une équipe roumaine pour disputer la médaille d'or. Waouh.
Et, comme chaque soir après les matchs, je suis en tête-à-tête avec Marc pour un massage récupérateur.
- Franchement, on a toutes nos chances, tu ne crois pas ?
- Si Marc, complètement. Votre niveau est supérieur à vos adversaires.
- Ouai, ouai. Faut pas qu'on flanche. Putain, Rafa est monstrueux : deux mois sans jouer et il revient sur les courts avec le couteau entre les dents hein !
- Il est vraiment impressionnant, oui. C'est assez fou de côtoyer un athlète pareil.
Et un mec infiniment sympa en dehors du terrain. Discret, poli, presque timide et désolé d'être là.
- C'est marrant, il te ressemble hein ?, fait remarquer Marc.
- Rafa ? Oh oui, j'ai presque le même niveau.
- T'es con, Oscar. Je parlais de caractère. Vous êtes un peu les mêmes.
- Ouai, enfin, j'ai pas sa hargne en compétition. Il se rend malade à l'idée de perdre... Moi je la vis plutôt bien, la défaite, hein.
- De quoi tu parles ? Dans quel domaine tu vis des défaites, Oscar ?
Bon point. Étrangement, la première idée qui me vient, c'est... ma vie amoureuse. Et j'ai subitement un doute sur mon affirmation de « bien le vivre », tiens. Marc ricane.
- J'sais que t'es pas un mauvais joueur, Oscar, mais t'es pas non plus un grand combattant ! Tu vois, les compétiteurs, ils se frottent à l'adversité. Ils détestent perdre, mais ils n'ont pas peur d'y aller. Toi, j'ai quand même l'impression que tu fais en sorte d'éviter les obstacles pour ne pas avoir à risquer de t'y échouer, non ? … Oscar ?
Marc relève la tête. J'ai arrêté mon massage. Je le dévisage avec un poids énorme sur l'estomac. À l'image de la vérité crue qu'il vient de me coller sous le nez, j'ai juste envie de m'évaporer, là. Mais non. Mon adversité du moment, c'est Marc et ses mots percutants. Je pourrais prendre la mouche, le sommer de se taire, me défendre bec et ongles, mais ne serait-ce pas exactement là l'échec ?
- J'suis peut-être un peu trop franc du collier, hein ? Désolé, tu me connais, j'aime pas les fioritures. Et c'est l'ambiance qu'on a depuis le début... Confidence, tout ça... Je me suis laissé emporter ! … Oscar ? Tu fais un AVC ?
- Non. … Non.
- Tu le prends mal, ce que je dis ?
- Non. Je le prends... un peu violemment, mais pas mal, non.
- J'ai tort ?
- Non. C'est ça qui est violent, Marc. C'est que tu as entièrement raison.
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