L'heure des sorcières

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Shinjuku, Shinjuku.

 La voix automatique de la Yamanote, fameuse ligne de métro circulaire desservant les principaux quartiers de Tokyo, sort Akiko de sa torpeur. Comme un bon nombre de Japonais, elle a pris l'habitude de finir sa nuit dans le train du matin. Akiko en profite davantage que d'habitude car sa nuit s'est révélée trop courte tant elle était excitée.

 Rien ne pourra jamais ternir ce jour, pense-t-elle en affrontant la foule. La gare de Shinjuku, située dans le quartier du même nom, l’un des plus emblématiques de tout Tokyo, est la plus grande du monde, ex-aequo avec celle de Tokyo. Aussi est-ce également la plus fréquentée. Si certains trouvent déjà la station de Châtelet-Les-Halles surpeuplée, cela n’est rien à côté de l’endroit où se trouve Akiko en ce moment-même. La bonne vieille discipline connue des Nippons n'est plus de mise à cette heure-ci. Les employés, les étudiants, les professeurs et plein d'autres membres de la multitude de microcosmes existant au Japon s'affairent, pressés d'arriver à l'heure voire à l'avance là où ils sont attendus.

 Mais Akiko ne se laisse pas démonter car une euphorie presque magique s’est emparée d'elle. Elle sautille, ayant la douce impression de flotter. Aujourd’hui est un jour spécial : celui de sa rentrée. Chacun de ses pas la rapproche un peu plus de son rêve.

 Elle se dirige péniblement vers son second train. La Shinjuku eki, ou gare de Shinjuku, est un véritable dédale. Le cœur de la jeune fille s’emballe : elle espère arriver à l'heure, voire à l'avance à la cérémonie d'admission. En ce 21 septembre, elle est probablement la seule du pays à faire sa rentrée scolaire aujourd'hui, mais personne autour d'elle ne peut s'en douter et cette pensée lui provoque une nouvelle décharge d'excitation. Cependant, elle ne se laisse pas déconcentrer pour autant, consciente du fait qu'elle doit être attentive car la ligne qu'elle s'apprête à emprunter comporte plusieurs sortes de trains différents : les locaux, les semi-express, les rapides…Et tous ne s’arrêtent pas à Sengawa.

 Akiko a beaucoup entendu parler de ce quartier aux allures bucoliques malgré le fait qu’il fasse partie de la capitale. C'est là-bas que se trouve l'une des universités pour lesquelles elle a postulé : celle de Shirayuri, ou du lys blanc. Elle fut fondée par des nonnes françaises au dix-neuvième siècle et est réputée, aujourd'hui encore, pour accueillir des jeunes filles de bonne famille. Bien que l'établissement soit particulièrement reconnu dans le domaine de l'apprentissage du français, être à moitié Française, comme c'était le cas d'Akiko, n'était pas suffisant que pour être acceptée. Akiko considère que, vu ses maigres aptitutes, leur refus ne fut pas très étonnant. S'il y a bien une chose qui l'étonne, c'est le fait d'avoir été acceptée quelque part. A cette simple pensée, un tourbillon d’émotions l’envahit ; Akiko en est certes heureuse, mais si l'Université des Saisons, la Kisetsu Daigaku, s'était en fait trompée ? Et si elle n'avait rien de spécial ? La panique lui donne des vertiges. Ses jambes flageolent. Elle se laisse tomber sur une place vide, une aubaine, et le sommeil la gagne à nouveau.

Sengawa, Sengawa.

 La même voix robotique que celle de la Yamanote la fait sursauter. La jolie enfant de l'automne comprend qu'elle n'a plus que deux choix : avancer ou reculer. La dernière option n’étant même pas envisageable, elle commence à marcher. La gare lui paraît si nouvelle, si différente des autres auxquelles elle ressemble pourtant. Akiko emprunte les seuls escaliers qui se dressent devant elle. Au contraire de celle de Shinjuku, la station de Sengawa est toute petite. Akiko lui trouve du charme. Elle s’accroche à la lanière de son sac. Elle est au bord de la tétanie, mais avance pourtant. Tout en marchant, elle ouvre sa boîte mail à l'aide de son téléphone. Ensuite, elle télécharge la carte envoyée par l’université Kisetsu. Ses yeux se dirigent vers la signature du message accompagné du blason de l’école au sein duquel s’entremêlent les symboles les plus évidents des quatre saisons au Japon : un momiji, une feuille d'érable rouge, un sakura, une fleur de cerisier, un tournesol et un flocon de neige.

 Les rares feuilles mortes étalées sur le trottoir craquent sous ses pas tandis qu'elle se remémore la récente conversation avec son père durant laquelle elle lui avoua avoir finalement été choisie par une prestigieuse université :

— Sérieux ? Toi, tu es prise à la Kisetsu Daigaku ? Tu as dû mal comprendre, ma fille ! La Kisetsu Daigaku est très sélect’…Ils n’intègrent que quinze nouveaux élèves tous les cinq ans…

— Justement, il n’y a pas de concours d’entrée ! Et leur rentrée ne se fait pas en avril mais en septembre. Tu vois les mannequins qui se font repérer dans la rue ? Eh bien, là, c’est à peu près la même chose !

 Elle n’avait ni le cœur ni le droit de lui annoncer qu'elle avait fait ses preuves en se frottant à un kappa. Il ne l’aurait de toute façon jamais crue.

— J’ai tout de même du mal à suivre…Tu as été sélectionnée par l’une des plus grandes universités du pays, et la plus secrète d’entre toutes, de surcroît, qui se fait très discrète aussi bien sur son enseignement que sur son emplacement qui, d’après les rumeurs, change tous les ans, à la suite d’un simple repérage ?

— C’est compliqué mais, à peu de choses près, oui. J’ai signé un contrat, je ne peux en dire plus. Disons simplement que je leur ai fait la démonstration d’un talent…

— Mais lequel ? C’est une école de comédie musicale ? Ou d’arts martiaux ? Aux dernières nouvelles, tu n'as pas de talent spécial. Je suis ton père, et un père sait ces choses-là.

— C’est un secret, papa ! s'offusqua Akiko, irritée par tant d'insistance. Mais, en même temps, elle le comprenait. En revanche, le peu de confiance que son père lui témoignait n'était pas nouveau, mais lui fendait toujours le coeur.

 A présent, Akiko contourne la gare de Sengawa et descend une pente qui semble empruntée par un bon nombre d'autres jeunes filles dont l’allure capte son attention. Elles ne sont certes pas en uniforme, mais portent des habits similaires comme une sorte de dress code ; pour certaines une jupe longue en satin ou en mousseline, d’autres une élégante robe, un gros ruban dans les cheveux et des chaussures à petits talons. Aucun doute possible pour Akiko, il s’agit des étudiantes de Shirayuri qui entament leur second semestre. Comme si elle se rendait elle-même à Shirayuri, Akiko est heureuse de se mêler à elles. Mais elles s'arrêtent bien avant ces inconnues, sur un pont qui surplombe une petite rivière bordée de maisons.

 Akiko s'arrête un instant et fixe l’eau. Des ondes circulaires se forment au milieu de celle-ci. Un kappa va-t-il en surgir ? Elle est sur le qui-vive, ayant l’étrange sensation que cette rivière sépare deux mondes. Un courant électrique lui frappe cependant la poitrine de plein fouet et la fait presque tomber. Elle se raccroche à la rambarde et reprend son souffle avant de regarder à nouveau la carte. Le rond indiquant l’emplacement exact de la Kisetsu Daigaku clignote de façon plus intense, en faisant des cercles tantôt marrons, blancs, roses et jaunes.

 Akiko quitte le pont pour marcher à droite de la rivière, la longe un instant et passe une sorte de petit portail qui ne mène pourtant à aucune maison. Ensuite, elle s'enfonce dans un bois. Petit à petit, les bruits de la ville s’amenuisent. Ceux de l’eau, au contraire, deviennent de plus en plus intenses. Or, Akiko a quitté les bordures de la rivière depuis quelques minutes. Le murmure provoqué par le bruissement des kouyou, les feuilles rouges d'automne, qui se frottent les unes aux autres, prend subitement la forme d’un chant. Akiko se retourne ; des troncs surplombés de grosses boules flamboyantes, aux feuilles dorées, oranges et cramoisies, ont poussé de nulle part et forment désormais un mur derrière elle.

 Une grande étendue d’eau peu profonde se matérialise devant elle. Le clapotis qui provient de ses pieds prouve qu'elle évolue en plein dedans. Un lac peu profond, ressemblant davantage à une flaque, recouvre à peine les énormes pierres aux allures de gardiens. L’une d’elles s’écarte pour lui laisser entrevoir une immense entrée circulaire creusée à même la roche. Depuis le sommet de celle-ci tombe un enchevêtrement de gouttes et de lumière. Une famille d’érables rouges décore le tout. Akiko cligne des yeux. Normalement, les arbres ne prennent pas une telle teinte avant le mois de novembre.

 Derrière l’entrée, Akiko discerne les pans, flous, de ce qui me semble être une robe en taffetas violet. Et quel violet ; elle n'en avait jamais vu de pareil auparavant ! Sans réfléchir, elle s'élance sous cette sorte de cascade qui ne la mouille même pas. Celle-ci la rafraîchit, réveille les sens d'Akiko. Mais cette dernière ne voit plus cette tunique couleur améthyste et éprouve une petite déception qui disparaît bien vite. La douche qu'elle vient de prendre lui cause des palpitations dans tous les membres, comme si son cœur lui-même se répandait dans ses veines. Elle se sent en harmonie avec ce lieu merveilleux.

— Bienvenue à la Kisetsu Daigaku.

 Surprise, ne comprenant pas qui lui parle, Akiko cherche partout autour d'elle avant de lever les yeux au ciel.

— Ici, mademoiselle !

 Akiko baisse le regard vers la provenance de cette petite voix aigüe. Elle se frotte les yeux, étonnée de voir une feuille d'érable parler, affublée d'une paire d'yeux et d'un trou en guise de bouche.

— Ne soyez pas surprise ! lui répond la principale intéressée comme si elle avait deviné les pensées d'Akiko. Je suis le symbole de cette université. Je change d’apparence selon les saisons.

 Akiko se retient de rire en pensant qu'ils ont bien fait de choisir un momiji et non un gland comme représentation de l'automne. Quoi que l’expression « avoir une tête de gland » aurait enfin pris tout son sens.

— Je suis navrée si je vous ai paru impolie.

— Ne vous en faites pas voyons, vous ne pouviez pas savoir. Vous êtes Nakamura Akiko n’est-ce-

pas ?

— Oui.

— Alors suivez-moi. Nous n’attendions plus que vous pour débuter la cérémonie d’admission.

 Akiko est gênée d'être une fois de plus la dernière arrivée malgré ses efforts. Le momiji et la nouvelle étudiante traversent un pont arrondi aux couleurs traditionnelles qui s’accordent parfaitement avec les habits automnaux du lieu ; les rambardes sont rouge vif et ses extrémités sont surplombées de sphères noires. De loin, Akiko aperçoit une petite dizaine de personnes rassemblées devant une pagode assortie au pont. Une fois arrivée sur l'ilot, à hauteur du petit groupe, Akiko reconnait la robe incroyable de tout à l’heure. Elle remarque une crinière de jais aussi lisse que foncée posée dessus, avec grâce. Elle paraît si soyeuse. Et si longue. Elle pourrait faire pâlir Raiponce de jalousie.

 Akiko se recroqueville sur elle-même et se place à côté de cette fille. Elle espère qu'elles pourront devenir amies. Elle la trouve très classe et raffinée. Son aura ainsi que ses goûts vestimentaires lui rappellent sa chère amie Akane, qui lui manque déjà énormément.

— Bienvenue à vous, chers étudiants ! Enchanté de faire votre connaissance. Je suis Komatsu Koji et serai votre directeur pendant toute votre scolarité !

 Au sommet des escaliers en pierre menant à la pagode, se tient un homme en costume. Akiko le considère bien jeune pour occuper ce genre de poste, mais ignore qu'il a en réalité plus de cent ans.

 Le petit momiji se déplace, ou plutôt roule comme s’il était poussé par le vent, aux pieds des élèves pour remettre à chacun une minuscule poupée ronde, dépourvue du moindre membre, aux yeux blancs et au corps rouge, décoré d’idéogrammes dorés. Celle-ci est entourée d’une cordelette bordeaux à laquelle pend un parchemin.

— Ce daruma est un cadeau de bienvenue ! Il vous accompagnera toute l’année. Comme une sorte de guide. Ou, si vous préférez, de porte-bonheur. Il se chargera de votre protection même si vous êtes en sécurité ici. Mais, lorsque vous colorerez son oeil, vous ne formulerez pas n'importe quel souhait comme vous le faisiez chez vos parents. Vous devrez noircir son premier oeil en pensant à votre réussite en tant qu'étudiant de la Kisetsu Daigaku. Ensuite, vous le positionnerez à un endroit où vous pourrez le voir souvent, comme d'habitude, et ainsi vous rappeler vos objectifs parmi nous. Vous ne pourrez colorier l'autre oeil qu'une fois votre année réussie.

 Akiko comprend, à retardement, qu’il doit s’agir d’un jeu de mots. En japonais, le porte-bonheur se dit omamori soit « l’objet qui protège ». Elle connaît un peu le fonctionnement des daruma, même si elle en a déjà vu. Elle lève timidement la main en prenant la parole :

— Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur le Directeur, mais je ne me rappelle plus comment utiliser un daruma, faut-il colorier l'oeil gauche ou le droit en premier ?

— Qu'importe mais, traditionnellement, il est préférable de commencer par l'oeil gauche ! répond le directeur, irrité. Mais veillez à ne plus m'interrompre à l'avenir, je vous prie, poursuit-il. Ici, les dortoirs sont mixtes. On vous considère assez grands. En revanche, si vous ne pensez qu’à vous amuser, vous risquez fort de quitter notre établissement. Une liste des cours dispensés vous a été remise en même temps que le daruma. Chaque seito aura son sensei. Il s’agira de celui qui vous a recruté. Vous aurez non seulement des entraînements individuels mais aussi en groupe, en plus des classes obligatoires de base. Vous serez aussi obligés de choisir au minimum deux matières optionnelles. Le but sera d’avoir votre diplôme qui permettra également de vous insérer dans la vie réelle donc ce n’est pas une école de magie où on fait mumuse avec des baguettes ou des chaudrons. Des questions ?

 Tout le monde se tait. Le directeur termine donc son long discours :

— Bien, ce sera tout pour le moment. Vous pouvez disposer, visiter un peu les lieux,…Une carte des environs vous a été envoyée pour que vous puissiez vous repérer. Prenez le temps qu’il vous faudra aujourd’hui pour vous reposer, faire connaissance entre vous, …Ici, le maître mot est « l’autonomie ». Vous n’êtes plus au lycée et, surtout, vous êtes destinés à de grandes choses. On ne peut plus vous tenir par la main et vous faire visiter tout le campus comme certains établissements de renom…Explorez ! Sachez simplement qu’à chaque changement de saison, vous aurez droit à une surprise.

 Il descend élégamment les marches grises et Akiko remarque que les filles sont en pamoison devant lui. En même temps, il y a de quoi. Il leur lance un sourire charmant avant de claquer des doigts et de disparaître dans un écran poussiéreux.

Si ça, ce n’est pas de la magie ça, je ne sais pas ce que c’est ! pense Akiko.

— Waouh, il a beau dire que ce n’est pas de la magie c’est tout de même époustouflant, tu ne trouves pas ? Au fait, je m’appelle Akiko Nakamura…enfin Nakamura Akiko. Pardon, je suis moitié Française et, en France, on dit le prénom d'abord. Du coup, je m'emmêle parfois les pinceaux. En tous cas, je suis enchantée de faire ta connaissance.

  L'inconnue toise Akiko avec condescendance sans lui rendre sa courbette.

— Quelle déception ! On m’a vanté les mérites de cet établissement depuis que je suis en âge de marcher, on m’a formée pour que je puisse y entrer et, en réalité, ils acceptent également des cancres.

— Qu...Quoi ?

— Tu ignores qui je suis n’est-ce-pas ? Mes parents font partie d'un groupe de prêtres les plus influents du Japon et possèdent des temples dans tout le Kanto, la région est du pays. Tous les autres que tu vois ici ont des parents qui remplissent d’honorables fonctions en lien avec le divin, mais ton odeur m’indique que ce n’est pas le cas. En plus, tu es moitié-moitié...Il ne doit pas y avoir beaucoup de grands prêtres shintoistes en France. Ton ignorance concernant les daruma en dit aussi très long sur toi. Tous les prêtres et leurs descendants savent quel oeil colorier en premier, mais pas toi...Il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour savoir qui tu es, déblatère la fille aux allures de poupée, tout en s'écoutant parler.

 Malgré sa surprise, Akiko se ressaisit bien vite et se découvre un aplomb qu'elle ne se connaissait pas :

— Tu as senti tout ça à mon odeur ? C’est bien, tu es atteinte de dysosmie et tu pourrais faire nez pour les plus grandes maisons de vin du monde. Ça ne me dit pas pourquoi tu te donnes le droit de me traiter ainsi. Au pire, même si je suis vraiment un cancre,qu'est-ce que ça te fait ?

 Akiko, en lançant le mot "dysosmie", se dit qu'avoir un père sommelier lui aura au moins appris certains mots de vocabulaire compliqués utiles pour se donner un genre. Elle n'aime pas ça, d'habitude, mais sent qu'elle en aura bien besoin pour mener cette joute verbale sans la perdre dès le début.

— Tu es vraiment idiote. Nous sommes tous associés à cette école à partir d'aujourd'hui. Et donc liés les uns aux autres. Si l'un de nous plombe la réputation de cette université, alors il en fera de même avec la nôtre. J'ai les compétences nécessaires pour te juger ma petite, et toi tu n'es pas digne de cette école !

— Même si je suis une moitié-moitié et que mes parents ne sont pas des prêtres, je ne suis pas une demeurée pour autant ! Et je ne vaux certainement pas moins que toi.

 Elle affiche un sourire narquois et ricane. Son rire glace le sang d'Akiko ainsi que celui des autres élèves. Son visage froid fait place à une expression passionnée. Ses yeux sombres lancent des éclairs à celle qu'elle considère maintenant comme sa prochaine cible à abattre :

— Très bien, j’accepte le défi !

— Hein, quel défi ?

 La belle inconnue reprend, sûre d’elle :

— Nous voici aux origines mêmes de l’Histoire de la rivalité qui existe depuis la nuit des temps ; qui de la petite novice ou de l’expérimentée gagnera ? Si dans les histoires et autres contes de fées, c’est toujours la gentille fille qui gagne, je vais te montrer que ce n’est pas le cas dans la vraie vie !

— Att…Attends. C’est un malentendu. Je n’ai jamais voulu ça.

— Chérie…

 Elle s’approche d'Akiko et, à l'aide de l'un de ses doigts laqués de noir, écarte du visage de celle-ci une mèche de ses cheveux mi-longs de manière infantilisante. Elle esquisse un rictus de ses lèvres carmin :

— A l’instant même où tu as affirmé que tu n’étais pas inférieure à moi, tu m’as provoquée. Et tu vas voir ce qu’il en coûte de provoquer une Yamashiro. Surtout celle que tu en as en face de toi. Retiens bien mon nom : Yamashiro Mitsuki. Comme ton japonais est mauvais, laisse-moi t’éclairer sur sa signification : je suis à la fois la princesse de la lune et celle qui vit dans un château de montagne surplombant, que dis-je, dominant les pauvres villageois tels que toi. Et toi t’es quoi au fait ? Une pauvre enfant de l’automne perdue dans un village ? Sache qu’au Japon, les noms ont plus qu’un sens ; ils te définissent. Tu n’es pas née pour régner. Moi si !

 Tout le monde les observe. La sylphide est restée calme, de marbre. Akiko ne trouve rien à redire et redevient la petite fille sage et intimidable qu'elle pense avoir toujours été. Fière de voir Akiko trembler comme une feuille morte secouée par le vent, Mitsuki en rajoute en se retournant vers les autres.

— Rappelez-vous mes amis ; vous connaissez tous la famille Yamashiro et sa puissance. Mais vous n’avez encore rien vu. Le jour de ma naissance a été béni par les kami, les dieux eux-mêmes. Choisissez votre camp. Allez-vous soutenir cette crevette ou votre future reine ?

 Les pensées d'Akiko s'emballent tant elle trouve la situation à la fois risible et effrayante : Hein, quoi ? Future reine ? Elle parle de quoi là ? En tous cas, ce n’est pas la modestie qui l’étouffe !

 Akiko ne connait personne ici et, pourtant, une fille et un garçon se rangent derrière elle :

— J’sais pas qui est cette fille et t’as pas tort, elle a l’air un peu ignorante. Mais j’aime pas tes grands airs ! s’écrie le garçon à l'intention de Mitsuki.  

— Merci du compliment ; c’est trop aimable à toi de rejoindre mes rangs en m’insultant, souffle Akiko pour elle-même.

— Enchantée de faire ta connaissance. Je m’appelle Watanabe Reiko. Je m’en remets à toi, se présente la jeune fille au carré brunt tout en souriant à Akiko.

— Oh, trois enfants ensemble ! Que c’est mignon ! On se croirait presque à la crèche.

 Deux autres personnes se détachent du groupe pour, cette fois, se placer derrière Mitsuki.

— La plus grande différence entre toi et moi est que tu veux inspirer la crainte. Moi, je veux soutenir et être soutenue. Je n’ai pas besoin qu’on soit derrière moi mais à mes côtés.

— Ce sont là de belles paroles mais elles reflètent ta faiblesse. Vous parlez beaucoup. Bon, je pense avoir perdu assez de temps.

 Akiko regrette d'avoir participé à l'affrontement tant elle le trouve puéril. Mais il est déjà trop tard. Elle sait que, dorénavant, elle a déclaré la guerre à cette Mitsuki, et ce même si elle ne voulait que l'inverse à l'origine. Mitsuki la toise avant de taper gracieusement le dos de sa main droite avec la pulpe des doigts de sa main gauche afin de disparaître dans un tourbillon de flocons glacés. Akiko songe que, malgré ses lacunes en lecture, elle ferait bien d'aller à la bibliothèque et sur internet afin de se renseigner sur cette fameuse famille Yamashiro. Mais les recherches pourront attendre. Parmi les élèves qui n'ont pas pris de parti, certains sont mécontents :

— Alors comme ça t’as osé provoqué une Yamashiro ?

— Mais je…

— Ça prouve ton ignorance mais je ne m’allierai pas à elle pour autant. En vrai, Yamashiro ou Nakamura, c’est du pareil au même à mon oreille. Vous ne me valez pas ; aucune de vous !

 Un jeune homme auquel Akiko ne parvient pas à donner un âge la foudroie de ses yeux perçants jaunes comme de l'ambre. Ses pupilles noires et dilatées en forme de losange lui font penser à celles d’un serpent. Sans rien ajouter, il fait volte-face pour finalement s'éloigner, les mains dans les poches.

— Moi, en tous cas, c’est sûr que je me fous de gagner une guéguerre menée par deux gamines à peine sorties du lycée. Je n’ai pas le temps pour vos enfantillages, ciao, lance une nana élancée, à la taille impressionnante. Akiko remarque qu’elle est bien plus grande qu'elle lorsque cette étudiante la pousse presque pour atteindre le pont. Pas de sortie théâtrale pour elle comme ce fut le cas du directeur et de Mitsuki. Mais il est impossible pour Akiko de passer à côté du katana que l'étudiante porte autour de son buste. Akiko déglutit avec difficulté et la peur s'empare de son ventre tandis que les questions s'accumulent dans sa tête : Qui sont donc tous ces gens ? Des prêtres ? Des guerriers ? On va apprendre à se battre ? Comment je peux rivaliser face à une prêtresse et une pro du sabre ?

— Euh, au fait je suis là aussi moi…Et personne ne m’a laissé me présenter ! se plaint le garçon qui fait apparemment partie de l'armée aussi petite qu'improvisée d'Akiko.

— Oui c’est vrai, excuse-nous.

— Nous devrions trouver un endroit tranquille pour lire nos parchemins et discuter, suggère Reiko en souriant, mettant en avant ses pommettes roses.

— Mais je ne me suis toujours pas présenté ! s’indigne l'adolescent au nom inconnu.

— Nous t’écoutons ! lui signale Akiko.

— J’m’appelle Nakajima Mizuki, ‘vec les kanjis de l’eau et de rare pour le prénom. J’suis comme une eau précieuse. Vous pouvez m'appeler Mizu, simplement comme l'eau, pour ne pas me confondre avec la pétasse...Enchanté. Je compte sur vous.

 Akiko, Reiko et Mizu s'écartent de la pagode en papotant. Akiko en oublierait presque l’épisode Mitsuki. Même si la beauté de celle-ci flotte encore dans son esprit, elle ne s'en préoccupe – presque – plus.

 Le petit groupe finit par s'asseoir sur des escaliers dont la pierre refroidit les fesses d'Akiko. Choisir une minijupe n’était peut-être pas un choix judicieux. Pourtant, elle adore cette jupe couleur citrouille à carreaux noirs qui correspond tout à fait à la saison du moment.

 Akiko pose le regard sur le papier vieilli du parchemin qu'elle vient de décrocher de son daruma pour le dérouler. Elle est frappée de stupeur lorsqu'elle lit le premier mot de la liste des matières obligatoires :

Cuisine.

 Elle ne s'attendait vraiment pas à ça. Elle aurait été moins surprise si elle avait vu un cours de vol sur des licornes ou des balais.

— Cuisine ? Mais c’est une blague ou quoi ? s'étonne-t-elle, complètement choquée.

— Comme le Directeur l’expliquait, la Kisetsu Daigaku existe vraiment dans le monde du non-divin où nous nous trouvons. Il serait étrange que les élèves qui en sortent soient des experts en arts occultes alors ils essayent de noyer le poisson. Certains d'entre nous choisissent parfois des voies plus classiques, et servent l'intérêt de la communauté invisible même en dirigeant une entreprise lambda, par exemple. Il faut donc que tout ça soit général, explique Reiko de façon calme et pédagogue à Akiko.

 Akiko hoche la tête pour montrer sa compréhension des faits et continue à parcourir la liste jusqu’à trouver quelque chose qui l’intéresse ;

— Combattre l’Invisible…qu’est-ce que c’est ?

— Je suppose que c’est le cours le plus difficile, durant lequel ils nous apprendront à nous défendre face à des yokai, des monstres, ou des yuurei, des fantômes. Ça va être dur…comment se battre contre quelque chose qu’on ne voit pas ?

 Akiko meurt d’envie de leur dire qu'elle les voit. Elle ne leur fait pas complètement confiance pour le moment mais elle se laisse aller à cette révélation :

— A ce propos…ce n’est pas vraiment invisible pour moi…

— Comment ça ? demande Reiko en clignant plusieurs fois des yeux. Ceux-ci sont d’un noisette saisissant, magnifique.

— Waouh ! Tu peux nous raconter comment tu l'as su ?

 Akiko humecte ses lèvres pour répondre mais est interrompue par un vent glacial qui lui fait finalement regretter sa minijupe. Elle avait pourtant vérifié la météo ce matin avant de s'habiller. Il y a encore une seconde, il faisait une quinzaine de degrés. Maintenant, l'air avoisine aisément les températures négatives. Au vu des expressions sur le visage de Reiko et de Mizu, Akiko comprend que ce qu'il se passe n’est pas dans sa tête. Quelque chose de louche se trame. Le ciel se couvre à une vitesse hallucinante. Ayant tous un mauvais pressentiment, les membres de la petite bande se rue à l’intérieur du bâtiment le plus proche qui, par chance, se trouve être leur dortoir. La grande horloge au-dessus de la porte indique qu'il est déjà dix-sept heures.

 Tout à coup, le momiji apparaît devant eux comme par magie. Il les informe du fait que Reiko et Akiko partagent la même chambre. Akiko manque de sauter de joie. L’école a réussi à savoir par avance qu'elles allaient bien s'entendre toutes les deux : pas de doute, elle se trouve bien dans une école de magie.

 La mascotte les guide jusqu’à leurs quartiers, en montrant le chemin de sa chambre à Mizu par la même occasion. Celle-ci se trouve juste avant celle des deux filles. La feuille d'érable saute sur la poignée afin d'ouvrir la porte de leurs appartements. La pièce est petite mais coquette. La joie des étudiantes s’efface lorsqu'elles aperçoivent une silhouette devant la seule fenêtre de l'endroit, reconnaissable entre mille avec sa longue chevelure aux airs de soie plus noire qu’un ciel nocturne. Le momiji prend congé. Mitsuki se retourne, encore plus pâle que tout à l’heure, et accueille ses nouvelles colocataires de la façon la plus froide qui soit :

— Décidément, cet établissement ne m’aura pas épargnée ! En plus d’avoir des incapables dans mon école, je vais devoir me les coltiner tous les jours ! Enfin, je vois ça comme un signe divin, une gageure venant des dieux shinto eux-mêmes. J’accepte le défi en tant que la future prêtresse des Yamashiro.

— Pfff t’as pas l’impression d’en faire un peu trop ? soupire Reiko.

— T’en deviens ridicule ma pauvre fille ! lâche Akiko sans réfléchir.

 Mitsuki la fusille du regard et, tout à coup, Akiko est terrorisée. Elle n'a pas le temps de réagir que Mitsuki la plaque sur le lit avec une vitesse déconcertante et l’étrangle en n’utilisant qu’une seule main. Le cou d'Akiko brûle, durcit et refroidit. Mitsuki retire sa paume et, malgré tout, Akiko suffoque toujours. En passant ses doigts sur sa peau, Akiko remarque que sa gorge se recouvre petit à petit de glace. Elle se sent mourir, incapable de reprendre la moindre goulée d’air et, au plus elle panique, au pire c’est.

 Mitsuki ne bouge même pas le petit doigt alors que Reiko la supplie. Akiko vacille et n’a même pas le temps d’atteindre le lit le plus proche d'elle. La dernière chose qu'elle sent est la dureté et la froideur du carrelage.

 Akiko reprend connaissance sur l’un des lits de la chambre. Un filtre flou recouvre son regard. Elle discerne petit à petit une Reiko larmoyante à son chevet et une Mitsuki dont le visage impassible indique qu’elle ne regrette rien. Par réflexe, Akiko touche à nouveau son cou ; il est encore glacé, mais plus gelé. Mitsuki se penche au-dessus d'elle et Akiko frôle la crise cardiaque ; cette fille lui fout les jetons.

— Ne t’avise plus jamais de me parler sur ce ton ! Plus jamais ! Cette fois, j’ai eu pitié de toi. Ce ne sera pas pareil la prochaine fois.

— Tu as agressé une seito ; qu’en dira ton précieux sensei une fois qu’on le lui aura dit ?

— Oh mais si tu dis quelque chose et que je suis renvoyée, plus rien ne m’empêchera de vous tuer. J’ai déjà tué bande de crétines, et ce sans laisser de traces. Or vous vous n’osez même pas chasser la viande que vous mangez. Je me vengerai si vous osez ouvrir vos bouches. Et puis, mon sensei n’est pas réputé pour être un tendre non plus ; il risque de ne pas vous protéger et même de vous traiter de lâches. Pourquoi croyez-vous qu’il se soit personnellement chargé de me recruter ? Car nous nous ressemblons, lui et moi. Bon, je refuse de rester dans la même pièce que vous plus longtemps. Je vais prendre l’air !

 Une fois Mitsuki partie, les deux étudiantes se regardent, complètement ahuries. Reiko et Akiko remarquent leurs valises dans un coin ; Akiko reconnait celle qu’on lui avait demandé de préparer sans l’apporter. Reiko se dirige vers la sienne pour l’ouvrir et en sortir un plaid qu’elle place sur leurs genoux une fois assise près de sa nouvelle amie.

— Ça fait peur hein ? Tout ça…

— Mes parents m’avaient plus ou moins prévenue que ça pouvait arriver mais quand même…et les tiens ne t’ont rien dit ? demande Reiko avant de rectifier :

— Pardon, il est vrai que tes parents ne sont pas de ce milieu.

— T’inquiète, je n’en fais pas un complexe. Madame la princesse des glaces a bien failli me tuer, certes, mais j’ai été harcelée dans mon collège en France, et parfois moquée ici même si j'avais mes amies. Magie ou pas, ce n’est pas la première fois qu’on m’agresse, verbalement comme physiquement. Je ne vais pas m’enfuir pour autant. Et puis, j’ai un pouvoir tout aussi intéressant qu’elle. Je peux voir des choses invisibles pour tout le monde, même pour elle.

— Tu veux dire que…c’est vrai ce que tu nous racontais tout à l’heure ?

— Bien sûr, je ne mens jamais !

— Comment tu l’as su ?

 Akiko se met à table et révèle à sa colocataire l'échec cuisant qu'elle a essuyé lors de la fameuse période des examens d’entrée à la fac avant d’en arriver à l’épisode du matsuri et du kappa. Reiko en demeure bouche bée ;

— Tu es quand même au courant que, même parmi les sensei, peu sont capables de les voir ? Et aucun n’ont eu ce don comme ça ; c’était à force d’entraînement. La plupart d’entre eux ont développé leurs sens pour pouvoir les sentir et ainsi les combattre et ça en fait déjà des personnalités hors-pair. Mais toi tu…c’est pas croyable !

— Pas un mot aux autres s’il te plaît, mon sensei m’a dit que c’était un don relativement incroyable et que je ne devais pas me confier trop vite. Alors soyons discrètes là-dessus, surtout avec l’affaire Mitsuki. Je pense que garder le secret me permettra d’agir par surprise pour me venger de sa tentative de meurtre.

— A mon avis, elle n’a jamais voulu te tuer mais t’intimider. Je ne suis pas sûre qu'elle ait déjà tué quelqu'un.

— Et bien ce sera à mon tour de l'intimider la prochaine fois !

— Et comment tu comptes t’y prendre ?

— Aucune idée mais je trouverai bien !

 Blotties l’une contre l’autre, elles laissent leur regard se perdre dans les flocons de neige qui dansent derrière la fenêtre. C’est si doux, si réconfortant,…Jusqu’à ce qu'elles réalisent quelque chose, plus qu’un simple détail :

— Il neige !

 Encore choquées de l'agression qu'a subie Akiko, les demoiselles ont mis un temps fou à se rendre compte que ce n’était pas normal ! De la neige en plein mois de septembre…on aura tout vu ! Qui plus est dans l’enceinte d’une école protégeant les saisons. Tout cela n’a aucun sens selon elles. Elles quittent donc leur chambre à la hâte. Dans le grand salon, elles retrouvent tous les élèves qui fixent les grandes baies vitrées. Certains sont émerveillés, d’autres apeurés ou pensifs.

— Vous avez vu ça ?

— Ce n’est que de la neige, pas la peine de t’exciter la gaijin ! Ça n’existe pas en France ?

 L’une des nouvelles alliées de Mitsuki toise Akiko. Celle-ci allait répliquer quand elle remarque que la princesse des glaces n’est pas là et ne se trouvait pas non plus dans ses quartiers avec elles.

— T'es vraiment bête. Tu ne dois pas connaître le Mont Blanc et, si c'est le cas, tu es inculte. De plus, en France, nous avons beaucoup de choses dont la classe à la française connue et reconnue dans le monde ; tu devrais t’informer au lieu de balancer des âneries !

— Parce que tu te crois classe ?

 Sans qu'on ne l'aie entendue descendre des chambres ou entrer dans le salon principal, Mitsuki réapparait comme par magie. Les deux adolescentes, presque adultes, se toisent sans rien dire. Tout le monde se tait aussi autour de ces filles aux énergies à la fois si opposées et si complémentaires, dont elles semblent être les seules à ne pas avoir conscience.

 Akiko est la première à briser la glace :

— D’ailleurs, où étais-tu, la reine des neiges qui habite dans un château de montagne et blablabla ? Parce que tu n’as pas arrêté de nous montrer que ton pouvoir était lié à l’hiver et, depuis que tu as quitté notre chambre après avoir essayé de me tuer, tu n’es pas réapparue jusqu’à maintenant. Or, on dirait que l’hiver s’est abattu sur nous en plein mois de septembre alors tu nous expliques ?

 Akiko épingle Mitsuki au pilori, et elle en est fière. Elle a décidé qu'elle ne serait plus la gaijin, la fille extérieure, qu'elle ne se laisserait plus jamais intimider par qui que ce soit, même par une puissante magicienne.

 Le magnifique teint d’albâtre de Mitsuki vire au rouge pivoine. Elle ne s’attendait sûrement pas à ce qu'Akiko ose avouer ses méfaits devant les autres mais toute cette colère accumulée en Akiko depuis des années gonflent dans ses entrailles et les dévore. Elle ne veut plus être cette fille qui se laisse faire.

— C’est pas joli-joli d’accuser sans preuve !

 La fille qui a pris Akiko en grippe, juste avant cette présente altercation avec Mitsuki, vient de retrouver sa langue. Akiko ignore ces mots à peine lancés, qu'elle juge un instant dignes d'une écolière avant de les oublier bien vite. Elle transperce Mitsuki du regard :

— Allez, avoue ! Raconte à tout le monde ce que tu m’as fait ! Tu as dit que le fait qu'on devait partager la même chambre était un défi qui t'était imposé par les kami eux-mêmes, rien que ça ! J'ai rétorqué que tu étais ridicule, en réponse à quoi tu m’as poussée sur le lit et tu m’as étranglée ! Tu as essayé de transformer ma gorge en glacier. Je ne pouvais plus respirer. J’étais en train de m’évanouir. Reiko t’a suppliée, elle t’a demandé d’arrêter mais tu as continué, espèce de sale garce. A peine me suis-je réveillée que tu m'as à nouveau menacée, en avouant que tu avais déjà dû tuer et que tu n'hésiterais pas à le refaire. Tu croyais m’intimider ? Tu n’es pas la première à m’étrangler.

— Arrête ça ! Arrête de la provoquer ! Tu vois bien qu’elle est dangereuse ! s’énerve une nana qui pourrait être la jumelle capillaire de Mitsuki.

— Je n’ai pas peur d’elle ; si elle avait voulu me tuer elle l’aurait déjà fait ! Ce n’est que de l’intimidation ! Elle essaye de vous montrer à tous qu’elle est la plus forte. C’est elle qui a bouleversé la météo !

— Mais non, même si elle est une Yamashiro, elle n'en aurait pas été capable ! s’exclame la même fille qui se recroqueville sur elle-même lorsque Mitsuki la fusille du regard.

— J’en aurais été tout à fait capable ! Je suis très puissante ! Mais ce n’était pas moi !

— Oh vraiment ? Tu as peut-être de grands pouvoirs qui dépassent ceux de la plupart d’entre nous ici, mais tu fais une menteuse pitoyable.

— Je reconnais t’avoir étranglée avec grand plaisir ; tu méritais qu’on te fasse taire ! Mais ce n’est pas moi qui suis responsable de cette tempête de neige. Je n’y gagnerais rien ; je ne dépense pas d’énergie en futilité.

— C’est bien à retenir vu à quel point tu dépenses ton énergie pour me descendre alors qu’on ne se connaît que depuis quelques heures. A t’entendre, je ne suis pas une futilité. Je pense même que tu me considères comme une menace !

— Toi, une menace ? Mitsuki fait mine de s’étrangler de rire.

— Bon, ça suffit ! Il tombe trois flocons et vous vous donnez encore en spectacle, comme tout à l’heure. On a déjà vu de la neige en septembre comme à d’autres moments de l’année et je m’en fous ! Vous êtes vraiment bruyantes ! se plaint la fille au katana.

— Tu me cherches ? Attention, la gaijin t’a prévenue de ce que je faisais aux moustiques dans votre genre, s’énerve Mitsuki.

 La fille au katana dégaine son arme :

— Approchez, je vous couperai vos langues bien pendues avec grand plaisir !

 Bon…je vois peut-être les yokai, et encore puisque je n’en ai vu qu’un seul jusqu’à présent, mais ce pouvoir ne va me servir à rien si je devais me battre contre ces filles, songe Akiko en sentant sa soudaine confiance en elle retomber aussi vite qu’elle n’est arrivée, telle un pauvre et pathétique soufflé.

 Finalement, tout le monde repart de son côté. Mitsuki monte à l'étage des chambres, tout comme ses détestées colocataires, mais elle prend la direction de la bibliothèque. Les filles retournent sous leur plaid jusqu'au repas du soir. Elles sont réveillées par une délicieuse odeur de courge butternut et de thé. Elles descendent, en même temps que les autres étudiants, et découvrent, trônant au milieu du salon, une immense table rectangulaire recouverte de victuailles. Malgré les tensions de la journée, les effusions de joie claquent rapidement dans la pièce, la recouvrant d'un doux écho chaleureux que ressent Akiko. Elle ferme un instant les yeux pour le savourer davantage, les rouvre et aperçoit que Mitsuki, qui était assise en bout de table, comme si elle s'était auto-proclamée reine, ce qu'elle avait en fait déjà fait, a encore disparu.

 Tout à coup, le sol tremble et un frisson s’empare du corps tout entier d'Akiko. Elle se sent irrémédiablement attirée par l’extérieur et sort malgré la température hivernale qui s'est abattue sur l'ensemble du campus. La nuit s'est déjà installée, rendant l'atmosphère encore plus calme, et de ce fait plus effrayante. Akiko perçoit encore les bruits du dîner, mais ceux-ci deviennent de plus en plus lointains. La neige étouffe le reste. Le jardin est silencieux. Elle croit voir un point blanc au loin, non pas sur le sol mais à la hauteur de ses yeux, au niveau de l'entrée de la forêt aux conifères. La silhouette blanche se découpe parfaitement dans le ciel nocturne à mesure qu'Akiko avance vers elle. Mais, un instant plus tard, elle ne voit que de la brume au même endroit, l'emplissant de doutes ; viens-je de rêver ? Qu’ai-je vu au juste ? se questionne-t-elle pour elle-même.

 Pétrifiée par le froid, vêtue de sa minijupe et d'un pull fin sans manteau, elle se rue à l’intérieur. Mitsuki est de retour. Le dîner est terminé mais quelques élèves continuent à discuter en plongeant leur cuillère dans des coupelles de mont blanc, un dessert à base de crème de marron, lovés dans les sofas en velours du hall d’entrée. La table a disparu. Akiko est stupéfaite de constater que les canapés, dont le tissu créait un joli dégradé entre le rouge cramoisi, rappelant celui des momiji en plein automne, et le jaune moutarde en passant par un joli orangé sombre, arborent à présent une matière veloutée et argentée comme la neige.

 Un nombre incalculables de pensées se bousculent dans la tête d'Akiko qui tente de réfléchir à la vitesse de la lumière : C’est vraiment étrange. Je ne comprends pas ce qu’il se passe ici mais ce n’est pas normal, même pour une école de magie. Surtout pour une école de magie. Elle semblait respecter à la lettre les saisons. Personne ne me fera dire que c’est normal. Et pourquoi est-ce qu'aucun enseignant ne se montre ? « Pas de nouvelle bonne nouvelle ! », comme on le dit en France, mais je n'ai jamais été aussi peu d'accord avec ce dicton. C'est trop bizarre !

Akiko prend Mizu, alias Mizuki, et Reiko à part dans un coin isolé ;

— Vous trouvez ça normal ? Il neige en plein mois de septembre et Mitsuki ne se montre que par intermittence.

— J’sais pas, répond honnêtement Mizuki avec une nonchalence stupéfiante.

— Pour ma part, quelque chose cloche !

 Akiko remercie Reiko dans sa tête, heureuse d'avoir trouvé une alliée aussi perspicace, ou au moins sur la même longueur d'onde qu'elle.

— Après, de là à soutenir mordicus qu’il s’agit de Mitsuki…

Akiko a parlé trop vite en pensant que Reiko était à cent pour cent d'accord avec elle. Raté !

— Mais enfin, tu l’as vue comme moi ! Cette folle a une beauté et un comportement des plus glacials mais, en plus, elle a essayé de me tuer en gelant ma gorge et, juste après, il y a une énorme tempête de neige qui s’abat sur notre école en plein mois de septembre ? Qui plus est sur la Kisetsu Daigaku qui est à cheval sur les saisons…

— Oui mais tu oublies que le froid polaire est apparu avant votre dispute. Et aussi que, techniquement, les feuilles ne deviennent vraiment rouges qu'en novembre et non en septembre, alors pourquoi pas ? Ils peuvent simplement aimer contrôler la météo à leur guise, sur ce campus.

— Avant celle-là oui, mais après notre premier accroc ! 

— Oui mais quel intérêt aurait-elle eu à ensevelir notre école ? Même maintenant d’ailleurs.

— Parce qu’elle est déçue que la Kisetsu Daigaku ait également accepté une cancre comme moi.

— Ecoute, sans preuve on ne peut rien dire mais je te promets que j’ouvrirai l’œil avec toi !

— Merci, c’est tout ce que je voulais entendre.

 Akiko ment éhontément. Bien sûr que cela ne lui suffit pas ; elle aurait aimé un soutien inconditionnel, sans borne, de la part de sa nouvelle amie. Elle se souvient cependant qu'elle ne la connaît que depuis quelques heures.

— Les professeurs seraient déjà venus nous voir si ça avait été le cas, tu ne crois pas ?

— Possible, répond-elle sans grande conviction, se rappelant des paroles du Directeur sur l'autonomie.

 Plus tard, à moitié rassurée lorsqu'elle constate que la neige s'est arrêtée de tomber, Akiko se couche et s'endort rapidement. Le sommeil la lâche pourtant. Elle se réveille sans raison apparente. Il neige à nouveau. Elle se lève et s'approche de la fenêtre. Elle aperçoit encore une maigre silhouette blanche près des conifères, et discerne également ce qu'elle croit être des cheveux noirs. Le lit de Mitsuki est défait. Sentant qu'elle doit intervenir, même si elle ne sait pas comment, Akiko enfile rapidement un pantalon fourré ainsi qu'un gros pull à col roulé, le tout dans des couleurs sombres, ainsi qu'un long manteau en laine feutrée, attache ses cheveux en une maigre queue de cheval, enfonce un béret sur sa tête de façon si maladroite que celui-ci remonte sur son crâne, et elle sort sans réveiller Reiko. Dehors, la lune est pleine et le vent glacial lui pique les joues.

 Etrangement, elle a beau s'approcher de la silhouette, celle-ci ne se retourne pas. Elle paraît même immobile. Aucune trace de pas ne se dessine dans la neige, à part ceux d'Akiko, comme si la personne qu'elle croit voir au loin n'avait pas de pieds. Akiko, une fois à côté de celle-ci, se dit qu'il s'agit bel et bien de Mitsuki et que cette dernière l'ignore superbement.

— Mitsuki, arrête ce petit jeu ! Je sais que c'est toi.

 La silhouette lui tourne toujours le dos. Des bruits de pas qui s'enfoncent dans la neige atterissent dans les oreilles d'Akiko. Elle suppose que Reiko est venue la rejoindre :

— Reiko, regarde ! On dirait bien que la princesse des glaces n'est pas blanche comme neige, rit-elle de sa propre blague. Mais, lorsqu'elle se rend compte que ce n'était pas Reiko mais bien Mitsuki qui l'a rejointe, Akiko blémit. Si Mitsuki se trouve à ses côtés, alors...

— Mitsuki...Si tu es ici, ça veut dire que la femme devant nous...n'est pas toi ?

— De quelle femme tu parles ? Il n'y a rien.

— Je t'assure que si...

 La femme se retourne et esquisse un large sourire plein de dents. Elle porte un kimono couleur glauque au obi taché de sang.

— Mmmmh, de belles et innocentes âmes fraîches...

— Mitsuki, tu as entendu ça ? la voix d'Akiko tremblote de peur.

— Espèce de folle, je n'entends rien du tout...

 Akiko réalise qu'il doit s'agir d'un yokai, et donc d'un monstre qu'elle est la seule à voir. Et, grâce à ses quelques connaissances du folklore datant de sa phobie des kappa, elle pense bien le reconnaître :

— Mitsuki, il va falloir que tu me fasses confiance...Il y a une yuki-onna devant nous. COURS !

 Tandis que la yuki-onna fond sur elles, les jeunes filles courent chacune dans un sens opposé avant de se rejoindre plus loin.

— Je la vois mais c'est tout ce que je peux faire pour le moment. Toi, tu es puissante. Unissons nos forces.

 Mitsuki acquiesce et elles se séparent à nouveau. La yuki-onna apparaît subitement au milieu d'elles et pourchasse Akiko, car elle est celle qui court le plus lentement. Malgré sa peur, Akiko se dit que ce n'est pas une mauvaise chose de servir d'appât, à condition que Mitsuki ne la trahisse pas. Au contraire du kappa, rien ne dit comment battre une femme des neiges.

— Elle est derrière moi ! Le feu...Le feu combat le feu ! crie Akiko en direction de Mitsuki qui tente de gagner du temps en disparaissant et apparaissant dans une pluie de flocons. Akiko se sert des seules forces qui lui restent avant que la yuki-onna ne la rattrape et ne la plaque au sol pour donner à Mitsuki la dernière position du monstre.

— D'habitude, je préfère les hommes mais je vais me contenter de petites écervelées pour l'apéritif...

 Akiko ferme les yeux pour ne pas voir le visage déformé de la yuki-onna qui s'apprête à se repaître de sa chair, de ses organes et peut-être même de ses os. Mais, à la place, elle se sent comme piégée d'un aspirateur, lorsqu'une voix masculine éclate :

— AKIKO ! hurle Mizu dans la pénombre. Affamée, et préférant les jeunes hommes, la yuki-onna lâche sa première proie et flotte, sans toucher un instant le sol, en prenant la direction de l'adolescent qui ne la voit pas encore. La yuki-onna souhaitant le séduire d'abord, elle se rend visible sous les traits d'une femme d'une incroyable beauté :

— Bonjour toi...

— Bonsoir mademoiselle, vous êtes bien charmante ! répond Mizu, qui n'avait pas vu le combat de loin. Il lui semblait simplement avoir entendu quelqu'un sortir de la chambre voisine et s'était inquiété de ne plus voir Akiko dans son lit.

— Hihi, merci...Et toi, tu as l'air si appétissant... !

— MIZU, NON ! s'écrie Akiko en courant vers eux. Mais elle n'est pas assez rapide. Elle est spectactrice de la mise à mort de son ami qui hurle et se débat tandis que la yuki-onna le plaque dans la neige. Elle tente de l'étouffer avec cette dernière. Les bruits sont insoutenables, lorsque Mitsuki, qui semblait avoir fui la bataille pour de bon, se téléporte derrière le monstre en lui offrant une magnifique réplique :

— La neige, c'est mon domaine, pétasse ! s'exclame-t-elle en faisant claquer sa langue. La yuki-onna a beau être rapide, elle ne l'est pas assez par rapport à Mitsuki qui l'assomme sous un gros paquet de neige sorti de nulle part.

 Akiko est soulagée jusqu'à ce qu'elle aperçoive une sorte de fumée s'échapper du monticule brillant. Elle se rappelle alors que, si elle se sent menacée, la yuki-onna peut se transformer en nuage ou en brume. Celle-ci est visible par Mitsuki, mais cela ne semble pas l'inquiéter, au contraire. Lorsque l'épais brouillard crie en prenant sa direction, comme pour la posséder, elle sort un talisman de sous sa robe en taffetas noir et le brandit devant elle. Les vapeurs blanches émettent un bruit désagrable semblable à un râle de douleur, en résistant avant de se faire complètement absorber par la petite enveloppe de tissu rose sur lequel est marqué l'idéogramme relatif à la protection.

— Pas mal, pas mal !

 Deux hommes adultes, dont le sensei d'Akiko, arrivent à la hauteur des jeunes femmes. Mizu gît toujours à terre. Akiko l'aide à se relever. Ils ont tous les deux la tête qui tourne.

— Veuillez libérer votre enseignante de couture maintenant.

— Quoi ? Mais enfin, sensei... bredouille Mitsuki en regardant l'homme aux longs cheveux blancs qu'Akiko ne connaît pas. Elle suppose qu'il s'agit du professeur référent de sa rivale, et aussi la partenaire de son combat contre une yuki-onna, rien que ça.

— Pas de discussion, ordonne-t-il en lui arrachant presque le talisman des mains. Il entonne un chant grave et la yuki-onna sort de sa prison de tissu en s'étirant. Les yeux noirs comme des opales sombres de Mitsuki, ainsi que sa bouche, s'ouvrent en grand.

— Tu peux la voir maintenant ? devine Akiko.

— Kumamoto, Mishima, c'est la dernière fois que je vous sers de cobaye pour tester vos élèves, est-ce que c'est clair ? J'aurais pu les battre, elles étaient très lentes mais je leur ai laissé plus de temps, comme promis, et voilà le résultat : enfermée dans un omamori, franchement !

— Tu exagères, tu n'y es restée que cinq minutes. Et je peux très bien te remettre dedans ! menace Mishima, l'homme aux cheveux blancs.

— Nous n'avons qu'un yuurei et qu'un yokai comme enseignants, rassurez-vous. Ils nous sont bien utiles pour comprendre le monde de l'invisible et s'en prémunir. Mishima et moi voulions que Akiko-san se rende compte de toute l'utilité de son pouvoir, mais qu'il ne fait pas tout. Sans Mitsuki-san, et dans la vraie vie, elle serait morte.

— Ce n'est pas étonnant, siffle Mitsuki.

— Ne te réjouis pas trop vite, Mitsuki-san. L'inverse est vrai aussi. Tu es incapable de voir les divinités, tu vas devoir te battre à chaque instant pour espérer avoir son pouvoir un jour, ou t'en rapprocher. Tu n'as pas suffisamment senti la présence du monstre, elle aurait pu t'attraper à de maintes reprises mais t'as laissé plusieurs chances car elle était une alliée. Elle a appris, avec le temps, à se nourrir d'autres énergies. Cependant, les autres yuki-onna sont des monstres assoiffés de ki humains. Heureusement, elles ne se montrent qu'en janvier. 

— Par ki, vous voulez dire...

— L'essence même de chaque individu, oui. La yuki-onna aime l'aspirer, et il en va de même pour un bon nombre de monstres. Certains veulent vous noyer, ou encore vous dévorer entièrement.

— Vous connaissez l'heure des sorcières ? demande Mishima aux jeunes femmes tandis que la yuki-onna s'assoit sur une pierre, sort un caneva de son obi, la large ceinture maculée de rouge autour de son kimono, et se met à coudre en baillant d'ennui.

— Oui...

— Elle a souvent lieu à minuit dans des contrées telles que l'Angleterre. Leurs monstres, fantômes et autres divinités ont choisi cette heure car elle se trouve au milieu de la nuit, elle sépare le jour et le soir du monde nocturne. Cet entre-deux rend palpable leurs univers. Au Japon, nous avons également ce phénomène. Il s'appelle oumagatoki, l'heure de l'invisible. Elle a lieu au crépuscule, car c'est alors que le jour quitte nos terres pour être remplacé par la nuit. Nous sommes chargés de veiller sur ce monde constamment, mais principalement entre dix-sept heures et minuit. Néanmoins, peu de yokai et de yuurei osent s'aventurer dans le monde du palpable.

— Mais, en ce moment, nous assistons à une recrudescence d'attaques, dont deux ont échappé à notre surveillance. Une mère et sa fille, ainsi qu'un lycéen, ont été tués par des warai hannya, ou démons rieurs. Ils sont très malfaisants, leurs attaques sont rares car ils ne passent la barrière entre le monde du palpable de celui de l'impalpable que s'ils sont invoqués...On ne parle pas juste d'un petit kappa ou l'autre. Nous avons besoin de vous, Akiko et Mitsuki. Toi, Akiko-san, car tu vois les monstres et toi, Mitsuki-san, car tu es capable d'invoquer la lune et la glace, deux pouvoirs extrêmement rares également et qui font défaut à l'équipe de protecteurs dont nous faisons partie.

— Et c'est pourquoi votre entraînement sera plus corsé que celui des autres. Attendez-vous à avoir une année difficile...Il y a même des chances que vous soyez exposées à des combats avant les autres élèves, et que vous en mourriez. Vous pouvez encore partir si vous le souhaitez mais, bientôt, vous serez investies d'une mission plus grande que vous. Une fois engagées, vous ne pourrez plus revenir en arrière. Non pas parce que nous vous en empêcherons, mais parce que ce sera en vous.

 La neige disparaît, la température devient à nouveau clémente et Akiko retire rapidement son manteau, la tête pleine d'informations. Elle ne sait quoi répondre. Elle comprend qu'elle doit choisir entre la vie et le fait de se servir de son don pour protéger les gens qu'elle aime ainsi que des inconnus. Elle sait qu'elle ne veut pas mourir, mais se dit qu'elle préfère sans doute la mort plutôt que de mener une existence inutile.

Petite note de l'auteure : à la base, cela devait être un roman mais je l'ai transformé en nouvelle. J'ai donc essayé de faire une fin ouverte. Qu'en pensez-vous ?

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