9. Lorenna et Tess.

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Le ciel s’obscurcissait et le vent architecte, imperturbable, posait les fondations d’une nouvelle dune de sable.

Plus loin la petite maison de Lorenna et Tess se profilait à l'horizon telle un fantôme. Une de ses fenêtres était ouverte et les brises s'engouffraient dans les cheveux bruns de Lorenna. Sa chevelure rousse flottaient sur ses épaules et de ses yeux noirs perlaient quelques larmes. Les pleurs d’une mère. Elle était seule maintenant, avec une petite fille qui attendait que son papa, mort, rentre à la maison. Lorenna baissa les yeux vers ses mains fines, fragiles abîmées par le froid. L’angoisse l’envahissait chaque soir avant qu’elle n’aille se blottir dans ses draps frais. La peur du lendemain. Cette peur qui montait du ventre qui y restait un moment, courait le long des veines, laissait sa trace dans chaque organe et finissait le plus souvent par quelques larmes.

Le jour s'était assoupi et la nuit étendait son voile obscur sur Anaïta et seules les lumières hypnotiques du phare de Nerp lui indiquaient, à défaut de son esprit, que ses yeux étaient encore ouverts. La fenêtre se ferma à l’aide d’une paire de bras qui lui semblait étranger. Lorenna glissa vers l’escalier de bois puis des jambes la portèrent jusque sa chambre.

Quelques rafales venteuses dansaient au-dessus de son lit, il faisait froid, elle frissonna et ferma les volets de bois. Lorenna alluma le lustre qui terminait de se balancer au plafond. Une grosse armoire en bois, massive, était plantée au bout du lit contre le mur.

La jeune femme se déshabilla face à l’armoire et s’observa méticuleusement dans la grande glace placée sur une porte. Elle se jugea trop mince, elle vit ses côtes et les toucha lentement, elle fut fière de ses seins ni trop petits ni trop gros, elle n’aima pas ses jambes, surtout ses genoux, elle grimaça et les frotta comme pour les raboter, elle aimait ses cheveux roux. Lorenna se trouva encore désirable.

Elle enfila un t-shirt trop grand et découvrit son nid de draps blancs, elle se blottit à l’intérieur étendit ses jambes qui crièrent au froid et les ramena rapidement contre son ventre.

La petite fille s’éveilla brutalement, Tess venait de faire un cauchemar. Elle se mit à sangloter. Elle se leva.

Lorenna rêvait, un beau rêve, de ceux qui se terminaient toujours trop tôt et nous laissaient croire que la vie était belle. Une voix qu’elle connaissait bien l’appelait à l’extérieur. Elle ne voulait pas ouvrir les yeux mais le fit quand même. Les lumières du phare éclairaient par intermittence la pièce et elle vit Tess qui se tenait debout devant la porte.

Elle alluma sa lampe de chevet. Sa petite fille pleurait.

- Maman, papa ne reviendra pas ?

Ses petites joues étaient rouges.

- Non ma puce, papa ne reviendra pas.

- Pourquoi j’entends sa voix alors?

- Parce qu’il te manque beaucoup.

- Et toi il te parle aussi ?

Elle mentit.

-Parfois quand il me manque.

Elle tendit la main vers Tess et ouvrit son nid de draps.

La petite se précipita vers le lit, s’y engouffra, se blottit contre sa mère et sanglota. Lorenna serra le petit corps si fragile contre elle et pleura. Elle n’avait jamais autant aimé son enfant qu’à ce moment. Mère et fille s’assoupirent d’un même souffle et firent le même rêve, un autre beau rêve.

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