Une seconde suffit
“ J’ai compris que dans la vie, on n’a pas toujours ce qu’on veut. J’ai compris qu’on est rien sur terre, en une seconde tout peut s’écrouler, rien n’est jamais acquis. ”
Le prochain souvenir qui lui est restée en mémoire s'est déroulé quelques jours après, à moins que ce ne soit des semaines, voir un mois tout entier, elle n'avait plus de repères temporels pour pouvoir affirmer avec précision le temps qui s'était écoulé étant donné qu’elle ne se souvient de rien entre ces deux moments. Cependant, elle penche plutôt vers l'hypothèse qu'il ne se serait écoulé qu'une semaine, voir même un peu moins. Même si elle ne se souvient pas de grand chose, elle se souvient de cette impression d’une scène qui s’est déroulée très vite, mais, en même temps, lentement puisque beaucoup de détails sont restés gravés dans sa mémoire. Par exemple, elle se souvient qu'il était tard au moment des faits, et que le croissant de lune brillait dans le ciel éclairant à lui tout seul le paysage, les étoiles étant cachées par une sorte de brume. Elle suppose qu’il devait être aux alentours des minuits, puisqu’elle elle était déjà dans les bras de Morphée, au contraire de ses parents de ce qu’elle avait pu en déduire par la suite. La jeune fille a beaucoup de suppositions faites autours de cet évènement, principalement des “ Et si ? ”, mais ce ne sont pas plus que cela ; des suppositions. Et, même si d’un côté, elle a l’impression que cela l’aide de revivre cette scène dans son esprit à la moindre occasion, elle devrait se rendre à l’évidence que, au contraire, cela ne fait que nourrir la culpabilité qui grandit en elle, bien cachée au fond. Parce que c’est cela qu’elle est, coupable de ce qui est arrivé et, surtout, coupable d’avoir eu la chance de vivre.
Un coup, mais tout va bien, ce n'est qu'un rêve. Un cri, mais tout va bien, ce n'est qu'un cauchemar. Encore des coups, mais ils sont mêlés aux cris cette fois, mais tout va bien, ce n'est pas réel, juste son esprit qui divague, faisant prendre forme à ses peurs alors qu’elle dort. Voilà de nouveau le silence dans la petite maison, mais pour combien de temps ? Une porte qui s'ouvre, le parquet qui grince, et c'est tout ce qui était dans son imaginaire, et même plus, qui se retrouve projeté dans la réalité lorsqu'elle ouvre grand les yeux. Devant elle, une silhouette. Elle est grande, elle est impressionnante, elle fait peur, et elle est là, à quelques centimètres de son visage. C'est une louve, c’est cette louve qui était dans les bois, elle en est sûre, elle la reconnaît à son pelage, mais c'est étrange, il semble plus sombre, il est comme taché. C'est du sang, mais ça, elle n'y pense pas sur le moment, naïve enfant. Elle ne ferme pas les yeux, non, paralysée elle est incapable de faire même cela, pourtant, elle n'est pas sûre que, si elle avait eu le choix, elle prit la décision de fuir. Elle ne craignait pas la mort, trop jeune pour savoir ce que c'est, ce n'est qu'un concept abstrait, non, ce qui lui faisait peur ce sont toutes ces choses qui nous font préférer la mort à notre condition. Le temps était comme suspendu, tout ce qui comptait à cet instant c'était ses yeux dans ceux de la louve, pas de mots, plus de grognements, elle cru pendant un instant que l'animal enragé s'était calmé, qu’il allait repartir comme il était venu, que rien n'avait eu lieu, qu'il n'était jamais venu, qu'ils ne s'étaient jamais rencontrés. Une seconde et toutes ses suppositions furent brisées parce que la louve sauta. Un bond en avant, directement sur elle. Une seconde avait suffi, elle n'avait ni eu le temps de crier, ni même d'avoir peur. Une douleur vive, rien que d’y repenser elle la ressent de nouveau, puis plus rien.
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