Epilogue de Fred Larsen
J’atterris enfin à LAX, après quinze jours passés à Ouessant, dans ma petite maison de pêcheurs où je me ressource tous les ans. C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour tenir avec cette vie de cinglé comme agent d’un couple infernal que j’ai signé il y a quelques mois. Ils me font vivre un véritable enfer. Je me souviens encore de la première fois où ils sont venus me voir avec leur histoire, accompagnés d’un coyote. Oui vous avez bien entendu, un chien sauvage au siège de Juke-box Éditions.
Je crois que personne ne s’en est encore remis. Il faut que je prévienne mon personnel quand ils arrivent et généralement, ils prennent tous une journée, enfant malade, grippe, Covid, que sais-je. Mais bon, ils ont tellement dopé nos ventes, ils sont rentables, des vraies machines ! Déjà deux livres et le troisième est en train d’être écrit. Ils doivent me donner le manuscrit dans deux jours. C'est pour ça que je suis rentré, et pour leur message aussi sinon, je serais encore dans mon petit bateau, en train de pêcher et de prendre l’air du large.
Patricia, appelée « Les Yeux bleus » par son ami – compagnon, je ne sais pas, disons complice - je ne vis pas avec eux, mais il y a un truc entre eux, je connais l’âme humaine et on ne me ment pas à moi, Fred Larsen – m’a envoyé un SMS en me disant qu’ils avaient besoin de moi.
Ils ont le chic pour se foutre dans la merde tout seul, ces deux-là. À croire qu’il.s aiment se rouler dedans. Pourtant ça pue, non ? Ben, ça ne les dérange pas. Après, faut avouer qu’ils transforment tout ça en or avec leurs histoires.
C’est quand même pas simple d’assurer leurs arrières, de protéger leurs fesses à ces deux-là. Le FBI, la mafia, ils sont capables de se mettre tout le monde à dos. Ils ne pourraient pas écrire de simples bluettes, sur les Indiens, le désert, tout ça ? Non, faut que ça flingue à tout-va, faut du sang, des cadavres, des règlements de compte et des dollars. Moi, j’aime bien quand ça finit avec des dollars. Ici, tout finit et commence comme ça.
Une fois dans le hall, je réponds à Pat : « hello PB-E (oui, je l’appelle Pat blue-eyes), I Just arrived at LAX » Aussitôt, elle me répond : « We’re here, waiting for you » Je me dirige vers la sortie et je les vois tous les deux avec leur coyote. Mince, ils ne sont pas deux, mais trois ! Il y a un gamin de quatre cinq ans entre eux ! Mais… Comment ont-ils fait ? Je ne suis parti que 15 jours moi, qu’est-ce que c’est encore que ces conneries ? Je ne peux pas les laisser seuls sans que ça ne parte en couilles… Tu vas voir qu’ils ont encore sauvé un gosse d’un parrain de la mafia…
- Hello les amis, ça va ? leur dis-je, un peu inquiet de leur réponse.
- Oui, oui, tout va bien, Fred t’en fais pas, me répond Marsh.
- On a des trucs à te dire, complète PB-E.
- Oui, j’en ai l’impression, avec un regard sur le gosse.
Marsh, qui a bien vu ce regard, précise :
- Oh non, là, ce n’est pas un truc, c’est juste une évidence. On a plein d’autres choses à te dire.
- Vous n’avez pas négocié des contrats en mon absence, guys ?
Là, je vois PB-E rougir un peu.
- Euh si, Fred, mais je n’ai rien signé. On peut encore négocier…
- Bloody Hell, 15 jours ! J’avais besoin de deux semaines pour récupérer de mon année précédente à couvrir vos fesses… C’était trop demander ?
- C’était une occasion unique, Fred, les droits télé de notre premier bouquin, pour en faire une série avec Brad Pitt et Angelina Jolie.
- Ils acceptent encore de jouer ensemble ceux-là ? Mais ce n’est pas le problème ! Et les droits du second et du troisième livre ? Vous y avez pensé ? Et les droits sur le câble, sur les DVD ?
- Euh non, me répond-elle penaude.
- Et tu sais maintenant pourquoi vous me payez !
- On te paye cher, en plus, releva Marsh.
- Pas que pour défendre vos intérêts artistiques, je te rappelle, mon ami. Mes relations ont été utiles aussi semble-t-il avec le FBI, non ?
- Oui, oui, c’est vrai, t’es le meilleur Fred. Patricia a fait ce qu’elle pensait bien. C’est pas grave, rien n’est signé mais c’est pas pour ça qu’on a besoin de toi. C’est pour lui, fait-il, en désignant le gosse.
- Je ne fais pas de baby-sitting, je vous préviens !
- Non, il ne s’agit pas de ça, le gamin, on le garde, répond Patricia.
Et ils m’ont raconté tout ce qui s’était passé durant ces deux semaines où j’étais absent. Bon Dieu, si je ne les connaissais pas, j’aurais dit qu’ils étaient de fabuleux conteurs. Mais non, tout était vrai. Même l’imagination la plus folle n’aurait pas pu inventer une histoire pareille. Ils se retrouvaient maintenant avec un coyote et le petit-fils du parrain de la mafia corse dont la fille avait été butée lors d’un règlement de compte. Mais quel merdier…
Il m’a fallu tout mettre en œuvre, mes connaissances, quelques pattes à graisser (grassement graissées, croyez-moi) et j’ai finalement négocié un arrangement qui sauve leurs petits culs et qui ne les laisse pas sur la paille. Avec Tony – le grand-père - on a trouvé un terrain d’entente financier : Les deux zigotos lui reversent les droits sur les deux premiers livres, y compris les droits télés, à titre de dédommagement. En contrepartie, il leur verse une pension pour le petit – qui compense largement ce qu’ils lui donnent tous les deux – et comme ça, il se sent à la fois clair avec ses obligations familiales et il reçoit un dédommagement pour la mort de sa fille. Il s’occupe lui-même de ses meurtriers, sans toucher un seul cheveu de mes deux auteurs préférés, ni un poil du coyote. Finalement tout est bien qui finit bien. Je crois que je vais repartir quelques semaines à Ouessant. Je ne risque pas grand-chose, ils doivent écrire le quatrième tome dans leur maison, sans en bouger.
Par prudence, j’ai passé un arrangement avec Tony : il doit les surveiller afin qu’ils ne fassent pas de conneries, tant que ce quatrième manuscrit n’est pas sur mon bureau. Mais ça, ils ne sont pas au courant…
Fin du tome 3
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