Chapitre 1

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Le gong puissant, sonné du haut de la plus haute falaise bordant Ygdrae, résonna pour la première fois depuis cent ans.

Theos, qui gravissait les marches du long escalier de marbre menant à la salle d’appel, s’arrêta et leva le nez, écoutant les cloches sonner le début des épreuves. Les Prétendants devaient se présenter au grand dôme sans attendre.

-Theos ! Theos ! Attends-moi !

Le jeune blond se retourna et regarda Edaïs le rattraper. 

-Comment fais-tu pour grimper ces cents marches sans être essoufflé ! S’étonna son ami, les mains sur les genoux pour reprendre son souffle.

-Tu peux être sur de ne pas réussir les épreuves d’endurance si tu n’arrives pas à grimper cet escalier, répondit simplement Theos avant de se retourner et d’avancer sans attendre.

Edaïs lui courut une nouvelle fois après, un sourire excité sur son visage à la peau sombre, pas vexé pour un sous. 

-Tu sais bien que de toute façon je n’ai aucune chance.

Theos souleva un sourcil et lui jeta son petit regard habituel, à la fois hautain et déçu.

-Si tu ne fais que répéter ça, c’est normal que tu n’ai aucune chance. Les limites que tu penses avoir ne sont que dans ta tête. C’est à toi d’avoir la force de les franchir.

Edaïs sourit encore, habitué à ce petit discours.

-Eh Theos, soit gentil, on est pas tous motivés comme toi. La moitié des Prétendants ne participent que pour la gloire de leur famille.

-Je le sais, et ces gens m’horripilent.

Theos serra les livres qu’il portait contre son torse et continua à avancer.

-En quoi cela va-t-il apporter du prestige à leur famille s’ils n’arrivent même pas à passer la première épreuve ? Soupira-t-il. Ils viennent sans être préparés et ne savent même pas ce qu’ils vont devoir faire !

-Bah, au moins ils participent.

Theos leva les yeux au ciel et le gong résonna une nouvelle fois.

-Allons-y, je ne veux pas être en retard.

Ils avancèrent jusqu’au grand dôme, prenant place au centre du temple, en haut d’une colline couverte d’une magnifique forêt.

Ils passèrent les portes dorées, ouvertes spécialement pour l’occasion, et se retrouvèrent sur un sol en marbre, entre plusieurs lignes de jeunes femmes et de jeunes hommes entre 20 et 25 ans. Au bout de la pièce, se trouvait une grande estrade, où siégeaient les Grands Prêtres et le Grand Maitre, qui les jugeraient. De chaque côté de l’estrade se trouvaient deux escaliers, l’un qu’emprunteraient les femmes, et l’autre les hommes. 

Pour les Ygdriens la seule différence entre eux ne résidaient que d’un point de vue anatomique, et ils les séparaient car la première épreuve consistait en un examen médical. Certains Dévoués étaient en effet spécialisés dans l’anatomie féminine et d’autre dans celle masculine. Les autres épreuves, qui testaient l’habileté, le courage, la soumission et l’intelligence, ne différaient pas selon le sexe.

Theos, concentré sur son objectif, s’avança jusqu’à l’estrade, suivit d’Edaïs qui observait avec de grands yeux les sculptures et les peintures qui les entouraient. La plus belle d’entre elle se trouvait contre le mur au fond de l’estrade, représentant leur Dieu, Nah'Skaar, majestueux et mystique. Mais Theos trouvait cette image bien pauvre comparée au véritable être qui vivait sous leurs pieds. 

Le Grand Maitre, portant fièrement son collier d’opaline, s’avança, et les toisa d’un regard sévère, exigeant le silence et l’attention, qu’il obtint.

-Bienvenue aux Epreuves de Nah’Skaar. Comme tous les cents ans, nous choisirons parmi vous tous, un unique vainqueur, qui aura l’honneur de servir notre Dieu. Il lui offrira sa compagnie durant un mois entier et le laissera le féconder. Car le but premier de ces épreuves est de trouver celui qui lui donnera une descendance. Nous testerons vos corps et vos esprits, durant quatre jours entiers. Voici les règles de ces épreuves.

Un grand prêtre s’approcha, il portait un lourd collier d’argent, signe de sa profession, et de son droit d’enseigner.

-Les Prétendants doivent tous être volontaires, et ici de leur plein gré. L’êtes-vous ?

-Nous le sommes, répondirent tous les jeunes gens d’une seule voix.

Un autre Grand Prêtre à la longue barbe noire s’avança à son tour.

-Les Prétendants doivent savoir ce qu’implique précisément leur victoire. Le savez-vous ?

-Nous le savons.

Ce fut le tour d’une Grande Prêtresse aux cheveux tressés de fils d’argent de prendre la parole.

-Les Prétendants peuvent arrêter de participer à tout moment, sans craindre la honte d’échouer. La craignez-vous ?

-Nous ne la craignons pas.

Les Grands Prêtres s’enchainèrent les uns après les autres, parlant d’une voix forte et claire.

-Participer n’est pas sans risque, les Prétendants doivent y être préparés. L’êtes vous ?

-Nous le sommes.

-Des Prétendants seront éliminés à chaque épreuve, ils doivent être prêts à accepter la décision des juges. L’êtes vous ?

-Nous le sommes.

-Les Prétendants doivent être prêts à montrer leurs courages, leurs forces et leurs faiblesses, leurs coeurs et leurs corps. L’êtes vous ?

-Nous le sommes.

Le gong résonna une nouvelle fois.

Le Grand Maitre reprit alors la parole, pendant que les Grands Prêtres reprenaient leur place.

-Les épreuves peuvent commencer. Que les femmes se dirigent vers la droite et les hommes vers la gauche. Et que Nah’Skaar vous garde.

Les Prétendants commencèrent à se diriger vers les deux escaliers, et Theos ferma les yeux. Il voulait se concentrer, rassembler toute son énergie. Il serra ses livres contre lui. Il connaissait les épreuves, il savait ce qu’il devait faire. Il était prêt. 

Une main chaude se posa sur son épaule, et il rouvrit les yeux, tombant sur le visage chaleureux du Grand Maitre.

-Tu n’auras pas besoin de ça, dit il en récupérant ses livres avec douceur. Ne sois pas inquiet. Je suis sur que tu es prêt Theos.

-Je le suis, répondit le jeune homme en fronçant les sourcils.

Le Grand Maitre eut un sourire bienveillant.

-J’ai une question pour toi.

-Je vous écoute.

-Que feras-tu si tu perds ?

Theos retint son souffle et ferma les yeux. Cette question le plongea dans ses souvenirs. La première fois qu’il avait vu Nah'Skaar l’avait émerveillé. Il avait passé la nuit à ses côtés, parlant et jouant avec lui. Il s’était endormi entre ses tentacules, bercé par le mouvement délicat de l’eau, et s’était retrouvé le lendemain matin dans son lit, sans savoir comment.

Il y était retourné le soir même. Mais la porte était demeurée close. 

Ne perdant pas espoir de revoir un jour le Dieu qui occupait son esprit, il revint tous les soirs, sans jamais se lasser, et découvrit que la porte ne s’ouvrait pour lui qu’une fois par an. Pourquoi à cette date ? Il ne le savait pas. Et il comprenait maintenant ce que Nah'Skaar avait voulu dire en lui apprenant que certaines questions n’avaient pas de réponses.

Tous les ans, à cette date précise, il rejoignait son Dieu, qui l’accueillait en effleurant doucement son corps de ses longs tentacules, ravit de le revoir. Il lui racontait sa vie, ce qu’il apprenait, ce qui lui faisait peur ou ce qui le faisait rire. Le Dieu lui avait apprit à nager, et lui avait fait découvrir des créatures étranges, des connaissances secrètes, et la présence réconfortante d’un corps contre le sien. 

Durant ces onze longues années, il l’avait vu onze fois. Et chaque nouvelle découverte, chaque expérience qu’il partageait avec le Dieu, l’avait fasciné un peu plus. Il ne pouvait penser qu’à lui, et attendait de plus en plus impatiemment la nuit qu’ils partageaient une fois par an.

Les années avaient défilées, et son adolescence était arrivée. Emoustillé par la présence du Dieu, il n’avait plus réussi à camoufler son désir alors qu’il se baignait nu, parmi les appendices plus doux que du velours. 

Nah'Skaar avait rit, en le voyant excité de cette façon, puis il l’avait touché tout doucement, l’éduquant au plaisir de ses caresses. 

Pourtant, il n’était jamais allé plus loin que cela. Malgré toutes ses demandes, il n’avait jamais fait que le caresser, et ne lui avait rien permis de lui offrir en retour. Sa période de fécondation approchait et il avait peur de l’ensemencer par mégarde. 

Alors Theos s’était promis qu’il gagnerait les épreuves, dont il avait fini par apprendre le véritable but, et qu’il deviendrait son partenaire, son Prétendant. Pour qu’ils puissent vivre une véritable étreinte, que Nah'Skaar puisse, lui aussi, ressentir du plaisir. Qu’ils puissent s’aimer bien plus qu’une seule nuit par an et véritablement apprendre à se connaitre.

Theos ouvrit les yeux. Le Grand Maitre attendait sagement qu’il ait finit de réfléchir.

-Il existe des questions qui n’ont pas de réponses, répondit-il enfin, avant de le dépasser pour se diriger vers l’escalier.

Il s’arrêta juste avant de commencer à gravir les marches, et se retourna à demi pour planter un regard plein de force et de conviction dans les yeux du Grand Maitre.

-Mais je ne perdrais pas.


Et vous voilà à la fin de ce premier chapitre, n'hésitez pas à l'aimer ou laisser un commentaire sur ce que vous pensez du caractère de notre petit Theos ! 

Plein d'amour et de tentacules,

Saneria. 

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