Parachute
de Clancy Bathtime
Je ne suis qu’une chanson qui n’a plus rien à dire.
Allongé à attendre quelques notes supplémentaires. Juste pour entendre la beauté de l'art bancal de vivre. Je sentais à peine l’air autour de moi, mais les lumières opaques me rappelaient que j’étais encore vivant. Je n’ai jamais aimé l’hôpital. Pourtant c’est ici que je m’étendais depuis me semblait-il, la nuit des temps. Figé dans cet instant, je me demandais quand j’allais pouvoir sortir et vivre comme avant. Les heures s'écoulèrent sans un bruit, en douceur et sérénité. J’ai troublé le calme de mon esprit en frappant du poing mon inconscient.
J’avais décidé de tenir le coup.
La pire de toutes les morts est celle de notre enfance.
Quelques jours plus tard, tu t’étais assisse près de moi.
« — Bonjour, madame.
— Bonjour, mon garçon.
— Qui êtes-vous ? Que voulez-vous me faire, encore ?
— Ne sois pas si las, je suis la compagne de nuit.
— Vous ne portez pas de blanc comme les autres ?
— Je préfère le bleu, n’est-ce pas ta couleur préférée ?
— J’aimerais tant voir le ciel bleu.
— Alors viens, lèves-toi.
— Je croyais que c’était la nuit, douce compagne… »
Elle n’a rien répondu. J’ai souris. Ma main se glissa doucement dans la sienne alors que je contemplais ses magnifiques yeux azurs.
« — Tu es froide.
— Toi aussi. »
Je me suis hissé sur mes jambes instables et fragiles. Je portais l’une de ces blouses hospitalières insultant toute pudeur. Elle me tira vers la porte de ma chambre et dans les couloirs déserts l’obscurité se propageait. Il y avait bien longtemps que j’espérais sortir de cet endroit ignoble et je ne me souvenais pas même d’avoir vécu en dehors de celui-ci.
« — Je ne t’ai jamais vu par ici.
— Pourtant je suis toujours là.
— Vraiment ? Tu n’as donc pas de meilleur endroit où flâner ? »
Elle sourit.
« — Si je pouvais partir, j’irai très loin d’ici.
— Qu’est-ce qui te retient ?
— La vie. »
Elle sourit de nouveau.
« — Qu’est-ce que la vie ? - demandait-elle.
— Le contraire de la mort.
— Prenons l’ascenseur. »
Elle défit ma perfusion et nous montâmes. Elle enclencha un mystérieux poussoir et nous descendions sans fin… Je n’ai rien dit. Un bourdonnement m’aurait fait exploser la boite crânienne si j'avais osé ajouter un son en usant ma voix. J’étais collé au sol, mais une sensation d’apesanteur me donnait la cruelle impression de me disloquer en dedans.
Cling.
« — Nous sommes arrivés. »
Elle me sourit. Les portes s’ouvrirent et le ciel offert était magnifique. La nature était à perte de vue et enfin le temps s'immobilisa. Nous avions pris le temps d’explorer ce monde prospère et je m'émerveillai face à la magnificence de cet endroit dont je rêvais tant.
« — Tu m’as beaucoup effrayé. Le temps passe et l’on essaie de ne pas te voir approcher trop vite. C’est comme une course, alors qu’il n’y a aucune victoire à vivre indéfiniment. Pourtant il est si facile de se laisser convaincre qu’il faut tenter à tout prix de te survivre. La société veut nous faire croire qu’il est bon de vivre, sans quoi elle n’existerait plus. Je n’existe pas dans ce lit d’hôpital, mon corps me torture et je n’ai plus personne venant m’adresser un sourire. Je suis las de tant de pleurs, tu étais si rayonnante tout à l’heure, en est-il d’égal pour les mauvaises personnes ? Après tout, les mauvaises personnes ne sont-elles pas juste des Hommes bien trop attachés à la vie et qui agiraient mal pour s'y accrocher ? T’arrives-tu de forcer un être à te suivre ? Tu viens pour, tout comme pour moi, soulager un état instable simplement provoqué par un tiers que l'on oublie trop souvent : le hasard. Marcher sur tes pas est un tel délice. Pourquoi rayonnes-tu de vie alors qu’à présent je sais qui tu es, ma chère compagne.
— Parce que tous les derniers souffles de vie passent à travers moi. »
Tu me vis hurler ma douleur, puis tu me vis silencieux. Tous mes rires d’enfants explosèrent à travers toi.
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