Réponse à "Bonheur..."
de Equilegna Luxore
Une main se pose sur mes épaules et mon esprit remonte à la surface instantanément. Mes paupières se soulèvent, papillonnantes et j'essaie de me souvenir où je suis. Je suis sur une aire d'autoroute sur le chemin des vacances avec mon compagnon. Il me réveille avec douceur, sa main caressant à présent mes cheveux. Ses yeux bruns rencontrent les miens, comme pour s'assurer que je suis bel et bien réveillée.
_Je vais remettre de l'essence dans la voiture. Tu veux te prendre un café ?
Mon esprit est encore englué par le sommeil mais un vague hochement de la tête de haut en bas de ma part suffit pour qu'il me comprenne. Comme toujours, il me comprend sans paroles.
Je cherche la poignée de la porte et je l'actionne pour me lever. Un vent glaciale, humide et froid, a vite fait de venir me réveiller tout à fait.
A l'extérieur, une aire d'autoroute tout ce qu'il y a de plus banale : une station service, des camions avec des chauffeurs aux yeux gris de fatigues, des voitures et leurs lots de vacanciers et de commerciaux et enfin une boutique d'autoroute aux couleurs criardes et aux néons outranciers, offrant tout le confort aux baroudeurs modernes. Et bien entendu il pleut, le tableau devait être complet.
Tout était fait pour ne solliciter que la vue : on peut rien entendre ci iavec le bruit des voitures pressées défilant sur l'autoroute dans un flot continu et infini.
Je m'étends comme un chat qui s’éveille et me dirige, encore un peu endormie, vers la boutique de l'autoroute. Les portes automatiques s'ouvrent, j'entre et me faufile au milieu des odeurs de plastique, café froid et produits d'entretien chimiques. Je ne jette pas un seul regard aux spécialités régionales vendues à des touristes soucieux de ramener « quelque chose en plus » de leurs séjours, ni aux sandwichs sous cellophanes, ni aux pauvres livres esseulés qui ont fini par échouer ici, ni même aux jouets viles tentateurs pour gamins colériques. Non rien de tout cela ne m'attire pour le moment. Je n'ai d'yeux que pour lui.
Un trio d'immense machine rectangulaires se serrent les unes contre les autres sur le mur du fond, pile entre les accès des toilettes hommes et femmes. Sur leurs trois devantures on peut voir une image massive représentant un café dans une petite tasse de porcelaine blanche, exactement le genre de café expresso qu'aucunes d'elles n'est en mesure de m'offrir. Pourtant je m'avance, presque fébrile vers celle du milieu. Je farfouille mon porte monnaie avec empressement avant de tomber enfin sur une massive pièce de deux euros que je fais glisser entre mon pouce et mon index. Je l'engouffre avec précipitation dans la fente de la machine et sélectionne un cappucino.
Deux minutes après je sors de la station service, la boisson fadasse à la main, débordante de joie.
Je ne saurais réellement dire depuis quand mais rien ne me réjouis plus que ce café tiède entre mes mains. Ce gobelet en plastique contient en lui les vacances et les longs trajets en voiture qui les précèdent.
Un peu plus loin mon compagnon me sourit tout en remettant de l'essence dans sa petite Fiat grise. Je lui rends son sourire. Dans sa voiture, je suis sure que nous pourrions faire le tour du monde, tous les deux seuls. Plus de boulots, plus d'horaires insensés, plus de foules insensibles... Tout ce temps qui nous fera face et que nous pourrions meubler selon notre volonté... C'est un vertigineux bonheur qui pourrait me faire chuter. Notre temps n'appartiendrait qu'à nous. Dans ce monde se serait peut-être cela le bonheur ?
Je penche un peu trop brutalement la tasse vers ma bouche et manque de me brûler la langue. Je frotte cette dernière bêtement contre mon palais pour évaluer la blessure. Au même moment, le vent vient agiter mes cheveux et je ne suis plus que cela : une femme sur une aire d'autoroute souriant bêtement à l'homme qu'elle aime dans une grimace étrange.
Pendant deux semaines, juste deux petites semaines apprivoisées, le temps sera nôtre. C'est peut-être cela le bonheur après tout ?
Voilà tout ce que contient ce petit gobelet en plastique : la promesse d'un bonheur éphémère...
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En réponse au défi
Bonheur...
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