Chapitre 11 - Je te dis tout
Elizabeth
A la fin du cours de français, Cassidy et moi nous nous dirigeons sur l’un des bancs du parc de l’université. Je ne lui ai pas encore raconté comment ma soirée de samedi s’était terminée car elle n’arrêtait pas de parler de Julian ce matin.
- Tu sembles vraiment troublée depuis la rentrée, commente-t-elle avec sérieux. J’aimerais connaitre tous les détails pour pouvoir t’aider.
- Quand tu es partie avec Julian, j’ai discuté avec l’un de ses amis, j’explique en ouvrant mon Tupperware remplis d’omelette. Et puis le professeur Grayson s’est interposé.
- Quoi ? Il a vraiment fait ça ! s’exclame mon amie surprise. Ce n’est pas étonnant qu’il soit venu mais venir te voir alors que nous ne sommes même pas sur le campus, je trouve ça déplacé.
- Je l’ai suivi dehors, je continue lorsque la surprise de mon amie est passée. Nous nous sommes disputés parce qu’il ne voulait pas que je sois là.
- Mais pour qui il se prend ! me coupe Cassidy.
- Cass, laisse-moi finir s’il te plait, je la réprimande gentiment.
Ma meilleure amie se redresse sur le banc puis farfouille dans sa salade.
- Ce club n’est pas une bonne chose. Grayson a raison, ce n’est pas en restant avec des hommes qui ne pensent qu’au sexe que je pourrais me faire des contacts chez les élites. L’image de ce club dégage quelque chose de malsain et il vaut mieux que je me concentre sur un bon CV.
- Grayson a peut-être raison, avoue difficilement ma meilleure amie. Je n’ai pensé qu’à moi en t’amenant là-bas une seconde fois. Il est vrai que n’avons pas le même caractère frivole mais je voulais vraiment t’aider à trouver ton réseau.
- Je sais et je ne t’en veux pas. Je suis même contente que tu ais trouvé un PQG, j’avoue en riant.
- Un quoi ?
- Un Plan Cul Régulier voyons !
- Tu viens vraiment de dire ça ? s’exclame Cassidy en riant. Alors là, je ne pensais vraiment pas que tu inventerais un acronyme en rapport avec le sexe.
- Faut croire que je suis pleine de surprises.
Nous rions quelques minutes avant que le silence retombe entre nous. Je ne peux pas me sortir de la tête la sensation du torse de Grayson contre moi. Je commence à avoir peur…
- Je vois que quelque chose d’autre ne va pas, perçoit mon amie en me sortant de mes pensées.
- La manière dont le professeur Grayson m’a regardé samedi soir, j’avoue en regardant les feuilles s’agiter dans le vent.
- Je comprends ton désarroi Lise mais tu étais très belle au club, me complimente Cassidy. Grayson t’a regardé avec les yeux d’un homme et c’est normal. C’est ce qu’il est avant d’être professeur. En fait, tu m’aurais dit le contraire, je t’aurais répondu qu’il est forcément gay.
Je m’étouffe en buvant l’eau de ma gourde sous les rires de mon amie. Lorsque j’ai terminé de tousser, elle reprend avec douceur :
- Pour en rajouter une couche, tu as rencontré Grayson au club avant de le découvrir à l’université. La conclusion que nous pouvons faire c’est que tu lui plais. Sinon pourquoi il t’aurait accosté au club ?
- C’est trop bizarre, je ne sais pas si je pourrais me faire à cette idée, je m’indigne en posant une main sur mon front.
Cassidy me prend le bras et me force à la regarder dans les yeux.
- Lise, ce n’est un drame, me rassure mon amie. Grayson est un homme et tu as le droit de lui plaire. Ce n’est pas pour ça que vous allez vous marier à la fin de l’année.
Ma meilleure amie arrive à me faire lâcher un sourire.
- Ce n’est parce que c’est réciproque que tu dois te sentir gênée en sa présence.
- Je n’ai jamais dit que Grayson me plait, je rétorque indignée.
Cassidy lève un sourcil avant de lever les yeux au ciel.
- Ça se voit quand tu parles de lui, tu rougis et tu perds tes moyens, explique-t-elle.
Je pique un fard et je baisse les yeux sur mon Tupperware.
- Lise ce n’est pas grave, je ne vais pas te traiter de groupie pour si peu. En plus, avec ce que tu as « vécu » avec lui justifie ton état actuel.
- Stop, je ne veux plus en parler, je boude.
Je range mes affaires dans mon sac puis je me lève en faisant signe à mon amie que je vais dans l’amphithéâtre. Cette fois-ci je prends les premières places pour bien me concentrer sur le cours à l’inverse de la semaine dernière. Je sors machinalement mes affaires sur mon pupitre. Cassidy sait que je n’ai pas envie de parler et ne dit rien jusqu’à ce que le professeur arrive.
- Bonjour à tous, commence Grayson avec le même ton que d’habitude. Aujourd’hui, j’ai la joie de vous annoncer que trois étudiants pourront m’accompagner à la première édition de la Convention sur l’Espace et l’Astronomie qui a lieu en décembre à Washington.
Des murmures d’excitations traversent la pièce.
- La sélection se fera au niveau des notes de l’année dernière accompagnée d’une lettre de motivation déposé dans ma boite aux lettres, précise-t-il. Ceux d’entre vous qui veulent participer peuvent s’inscrire sur le portail de l’université. J’ai déposé dans ma rubrique un tableur en ligne.
Sans plus tarder, le professeur commence enfin son cours et je prends des notes. Je remarque qu’il fait preuve de beaucoup de passion quand il explique. Je suppose que c’est parce qu’une étudiante rousse ne cherche pas à le défier cette semaine.
Cassidy me donne un coup de coude puis me glisse un papier entre les doigts. C’est notre nouveau moyen de communication depuis que Grayson nous a dit qu’il ne supportait pas les bavardages. Je l’ouvre pour y lire le message :
« Grayson semble de bonne humeur aujourd’hui, je crois qu’il a dû tirer un coup ce week-end »
Cassidy essaye de me redonner le smile en écrivant cette phrase et ça marche. Je lâche un large sourire dans sa direction pour éviter de rire.
- Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle dans mon cours mademoiselle Davinson, m’interrompt Grayson.
Merde ! J’en ai marre de ce prof qui voit tout. Il est pire que le fétiche du toit de la sorcière Karaba. Oui, je regarde des dessins animés français dans le but de m’améliorer dans cette langue.
Je rougis et mon sourire s’efface rapidement. L’enseignant est tourné vers moi et ses prunelles vertes me regardent avec intensité. Il s’approche de nous mais lorsque je m’attends à le voir parler, il prend le papier que j’ai dans les mains. Cassidy me lance un regard paniqué tandis que je retiens mon souffle.
Grayson fronce les sourcils, serre la mâchoire mais finit par écraser le papier dans sa main. Il se dirige ensuite vers la poubelle près de son bureau puis le jette. Il se tourne vers les étudiants puis reprend son cours sans plus de commentaires.
C’est à ce moment là que je me rends compte que je ne respirais plus. Je lâche une profonde expiration en même tant que Cassidy. Nous nous lançons un dernier regard soulagé avant de nous replonger dans nos notes. Après une telle frayeur, je crois que c’est la fin de nos échanges par papier.
- Mon Dieu ! s’exclame Cassidy lorsque nous sortons de l’amphithéâtre. J’ai bien cru vivre l’expression « mourir de peur ».
- C’est clair, je respirais même plus, j’ajoute.
Nous nous regardons puis nous partons dans un fou rire libérateur. Il est vrai qu’après un tel coup de stress, nous nous sentons mieux en faisant un peu les folles. Toutefois, je reprends contenance quand je vois Grayson me jeter un coup d’œil en passant près de nous.
- Si je me fais virer de mon poste, je te jure que je vais te faire louper ton année, je plaisante.
- Je suis sûre que tu n’es même pas capable de le faire. En plus Grayson a besoin de toi pour l’aider.
- Oui je suis genre « indispensable », je rajoute en faisant des guillemets avec mes doigts.
- Personne n’est plus compétent et il le sait Lise, réplique-t-elle avant de rire à nouveau. C’est pour cela que tu dois postuler pour la Convention. Tu as des notes excellentes ainsi que toutes les chances d’être prise.
- Et ça serait bien pour mon CV, je complète en soupirant.
- Ne te mets pas de barrières juste parce que c’est organisé par Grayson, m’encourage-t-elle. Ne laisse personne se mettre en travers de tes objectifs. Ce professeur peut être un véritable atout dans ta quête.
- Je m’inscris que si toi aussi tu t’inscris.
- Marché conclu mais je ne me fais pas d’idées sur mes chances, plaisante Cassidy.
Nous prenons quelques minutes pour nous calmer puis nous prenons la direction de la bibliothèque. Maintenant que nous avons pas mal de devoir à rendre pour la fin du semestre, notre deuxième maison est désormais la bibliothèque de Cambridge.
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