Chapitre 28 - Tensions
Elizabeth
Le professeur nous fait signe de continuer. Lorsque nous passons à sa hauteur, l’inconnue fait claquer une pochette en carton sur le torse de Grayson pour qu’il s’arrête.
- Tu ne me présentes pas à tes élèves ? demande-t-elle l’air faussement contrarié.
Nous nous arrêtons en retenant notre souffle. La situation est très gênante pour nous et tendu pour notre enseignant. Ce dernier soupire en faisant un geste de la main.
- Voici la professeure Nancy Rathbone, nous présente-t-il sans entrain. Elle est enseigne l’astronomie au MIT.
L’intéressée nous lance un demi sourire satisfait. Cette femme semble vraiment malfaisante et je prie pour m’éloigner d’elle au plus vite. Peut-être est-ce avec cette femme que l’enseignant s’est disputé au téléphone. En constatant leurs échanges tendus, je mets cette idée de côté.
- J’espère que vous viendrez me voir à mon stand, clame-t-elle d’un ton séducteur mais qui sonne faux.
Nancy Rathbone s’attarde sur nos visages et plus particulièrement sur moi. Le professeur se poste devant mon corps comme un paravent.
- Tu as toujours eu un faible pour les rousses, ricane-t-elle.
- Maintenant nous y allons, ordonne l’enseignant avec dureté.
Sur le chemin du retour, le professeur est plus fermé qu’une huitre et les garçons se posent des questions. Je suis nerveuse car j’ai peur que quelqu’un découvre ce qu’il s’est passé dans le sauna.
Dès que nous arrivons à l’hôtel, nous nous installons pour le diner. Le couple Higles n’est pas encore là car ils doivent attendre la fermeture pour quitter les lieux.
- Cet échange entre Grayson et cette femme était étrange, commence Jason après que le professeur soit sorti de table pour aller se servir au buffet.
- Elle a tout fait pour le mettre en colère, j’enchaine pour conduire la conversation dans le sens que je souhaite.
- Je suis sûr qu’ils étaient ensemble et que ça s’est mal terminé, analyse Louis. Ça se voit à leur façon dont ils se comportent.
- Ça ne m’étonne pas que le professeur ait brisé des cœurs un peu partout dans le monde, rit Jason pour détendre l’atmosphère.
Impossible de rire à cette phrase. Je pense aux femmes qu’a connu Grayson. Il a dû y en avoir beaucoup… Voilà pourquoi je me demande ce qu’il me trouve.
« Tu as toujours eu un faible pour les rousses » clame la voix dédaigneuse de Nancy dans ma tête. En pensant que je n’ai été qu’un objet de divertissement pour cet homme, je repousse mon assiette. Je n’ai plus faim et je préfère aller m’isoler dans ma chambre.
- Tu n’as rien mangé, constate Jason surpris lorsque je me lève.
- Je suis fatiguée, je pars me coucher, j’explique d’une voix contrariée.
Je quitte le restaurant avant de croiser le professeur Grayson. Je ne peux pas contenir ma jalousie et ma tristesse. Cette femme m’a fait comprendre que je ne représentais rien pour lui et je suis vraiment déçue. En même temps, je n’aurais pas dû m’attendre à grand-chose de la part d’un homme si différent de moi.
« Tu as toujours eu un faible pour les rousses, tu as toujours eu un faible pour les rousses, tu as toujours eu un faible pour les rousses ».
- Stop ! je hurle pour empêcher le flot de pensées qui embrouille mon cerveau.
J’entends quelqu’un frapper à la porte. J’ai fait trop de bruits sans ma rendre compte. Je me lève en séchant mes larmes. Je reconnais immédiatement la tignasse blonde de Jason.
- Je t’ai entendu depuis le couloir, me confit-il inquiet. Est-ce que ça va ?
Les yeux bleus du jeune homme montre de l’anxiété et sa barbe naissante lui donne air plus masculin. Je comprends pourquoi les filles se jettent sur lui en concert. Jason n’est pas très grand mais il a vraiment la classe des rockeurs et un charisme fou.
- Le décalage horaire, je mens en soupirant.
- On devrait sortir prendre l’air dans le jardin de l’hôtel, propose-t-il.
Je hoche la tête puis je récupère mon manteau avant de le suivre. Il vaut mieux que je sois avec quelqu’un plutôt que seule à ruminer dans mon coin.
Nous nous installons sur un banc humide puis j’observe le ciel gris. La neige s’est évaporée et j’attends avec impatience son retour.
- Tu sembles si bouleversée depuis que nous avons fait la connaissance de cette Nancy Rathbone, commence mon camarade.
- Cette femme a l’air d’être une véritable emmerdeuse, je grommelle.
- C’est clair, réplique-t-il.
Après une petite pause il reprend :
- Sa dernière phrase t’a perturbé. Je comprends, parce qu’elle insinue que c’est pour ça que tu es là. Pour que Grayson soit visuellement satisfait d’avoir à ses côtés une belle personne.
Je me crispe instantanément.
- Mais je sais que tu es là parce que tu es la plus intelligente de toutes les femmes de la promotion. Je suis même jaloux que le professeur te garde pour lui seul dans son bureau après les cours.
- Mais… il n’y a rien entre nous, je bégaie.
- Je sais et c’est pour ça que la place est libre.
- Quoi ?
Jason se tourne vers moi puis pose sa main sur ma joue pour conduire ma bouche vers la sienne. Le baiser est doux et chaleureux mais il n’est pas rempli de passion comme celui du professeur.
Il se détache doucement de moi et je plonge dans ses yeux bleus. Jason est vraiment attirant et je remarque qu’il n’a pas remis son piercing au coin de la lèvre comme Luke Hemmings. Il a un air moins rock et le style chic lui irait très bien.
- Je ne pensais pas être ton genre de fille, je lui dis gênée.
- Tu croyais que j’aimais les groupies aux cheveux multicolores qui se trémoussent en mini-jupe devant la scène ? rit Jason.
- Et bien… oui.
- En réalité je préfère les personnes comme toi, authentiques avec de nombreuses qualités, avoue-t-il. Je sais que nous n’avons pas le même style vestimentaire mais j’aime beaucoup le tien.
La confusion du baiser est passé et c’était comme si rien n’est arrivé. Visiblement Jason ne veut pas que je sois mal à l’aise alors il poursuit la conversation.
- Pourtant tu as un look particulier pour quelqu’un qui vient d’une famille aisée, je lui fais remarquer.
- Ne jamais juger quelqu’un sur son apparence, s’amuse-t-il en agitant un doigt. Je ne suis pas un rebelle pour autant. J’écoute du rock depuis le collège et j’ai fais partie d’une chorale quand j’étais gosse. J’ai commencé à fréquenter des personnes différentes au lycée et à jouer de la guitare électrique. Mes parents voyaient ça d’un mauvais œil mais ça ne m’a pas empêché de former un groupe dont je suis le leader. Ils ont arrêté de me saouler quand j’ai intégré Cambridge avec d’excellents résultats aux examens.
- Je vois que tu as eu une vie bien remplie.
- Parle moi un peu de toi, j’aimerais apprendre à mieux te connaitre, me demande Jason.
Je n’aime pas trop parler de moi car je l’impression que les autres vont me juger sous prétexte que je ne viens pas du même milieu social. Je n’ai jamais fait confiance à une autre personne que Cassidy. Toutefois, Jason m’a montré qu’il avait de bonnes intentions. La plupart des étudiants fortunés restent entre eux et méprisent ceux qui ne sont pas comme eux.
Je lui parle un peu de moi et il semble ravi que je lui raconte les obstacles que j’ai surmonté. Jason est vraiment une personne bien. Seulement, je n’ai qu’un seul homme dans ma tête et dans mon cœur.
Celui que j’admire le plus au monde est aussi celui m’a conquise. J’aurais aimé que ce soit différent mais je ne peux pas changer mes sentiments. Sortir avec Jason peut être une bonne chose mais se serait une erreur.
Même si Grayson s’est refermé sur lui-même, il est impossible pour moi de renoncer à lui. Il fait partie de ma vie désormais et je ne veux pas qu’il s’en aille. Cet homme n’est pas seulement celui qui peut m’aider à trouver un travail exceptionnel mais il est celui avec qui je veux passer tout mon temps.
- Lise ? m’appelle Jason. A quoi tu penses.
- Je ne devrais pas être perturbée par Nancy Rathbone, je soupire.
- Elle n’en vaut pas la peine, me rassure-t-il. Laisse-la régler ses comptes avec Grayson et n’y pense plus. Cette conne a juste voulu emmerder le prof face à un public de jeunes.
En discutant avec lui, je me rends compte que je ne suis plus mal à l’aise. Par conséquent, je dois savoir si Jason a des intentions amoureuses envers moi.
- Est-ce que ton objectif est de sortir avec moi ?
Tout d’abord, il est surpris par ma question directe mais il se reprend vite.
- Je ne te le proposerais uniquement quand tu seras prête, explique-t-il un peu gêné. Je vois bien que tu n’es pas encore dans cette optique-la alors je veux juste que nous fassions connaissance. J’espère réussir à te séduire mais je ne te forcerais pas à devenir ma petite amie si je vois que tu ne le souhaites pas.
Jason est vraiment sympa de me dire ça. D’un côté, je suis rassurée mais de l’autre, je sais qu’il ne me lâchera pas. A vrai dire, il est en concurrence avec le professeur et celui-ci l’a bien senti. Ce qui explique la jalousie qui l’anime quand je suis près de Jason. Dois-je le laisser espérer quelque chose alors que mon cœur bat pour un autre ? Peut-être que grâce à lui, je pourrais oublier l’enseignant.
- Il est temps d’aller dormir, je conclu en me levant.
Je regagne ma chambre et mon camarade me souhaite une bonne nuit. Je sens que je me suis encore fourrée dans le pétrin.
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