Chapitre 39 - La fin du monde
Elizabeth
Je reste figée comme une statue dans l’entrée. Nancy me lance un regard mi menaçant mi satisfait. Sans avoir reçu aucune autorisation, elle me pousse pour entrer dans la pièce. Pile à ce moment-là, mon professeur apparait dans le salon.
Il regarde Nancy avec étonnement puis avec colère. Il n’apprécie pas sa venue à l’improviste et le lui fait comprendre.
- Je peux savoir ce que tu fiche chez moi ? questionne-t-il avec agressivité.
- Je suis venue te remercier pour le généreux versement d’argent, explique l’intrue amusée.
- J’en ai fini avec toi alors va-t’en, grogne le professeur.
Nancy s’avance un peu plus vers lui en me laissant de côté.
- Je viens d’avoir une preuve ultime de ta débauche Timothy, poursuit-t-elle avec malveillance. Maintenant que j’ai le témoignage formel de ce qui se passe avec ton étudiante, je peux enfin obtenir ma vengeance.
Timy se tourne vers elle et j’ai l’impression qu’il va la frapper. Son regard glacial me donne des frissons et je n’aimerais pas être dans sa ligne de mire.
- On avait un accord, rétorque-t-il sèchement. Je te donne l’argent et tu me laisses tranquille.
- Il ne s’agissait que des images compromettantes où tu t’adonnais à des actes sexuels sadiques. Je ne prends pas en compte le fait que tu couches avec une étudiante. Décidément, tu enchaines les opérations de débauche.
Nancy n’a pas peur car elle sait qu’elle est en position de force. Je suis terrifiée par la suite des évènements. J’ai l’impression que le monde s’écroule alors que deux minutes auparavant j’étais sur un petit nuage. J’essaie de m’effacer dans un coin pour les laisser terminer leur combat de catch.
- Ma vie personnelle ne te regarde pas ! s’écrit l’homme que j’aime.
- Je suis sûre que le doyen serait heureux d’apprendre un scoop pareil, minaude Nancy. C’est dommage pour ta carrière de professeur qui vient juste de commencer.
- Pourquoi veux-tu faire ça ? Je t’ai donné ce que tu voulais pour compenser ta souffrance.
- L’argent ne suffit pas pour réparer tout le mal que tu m’as fait, réplique-t-elle avec véhémence. A partir du moment où j’ai vu la rouquine m’ouvrir, j’ai su que je voulais détruire ta vie.
- Parce que tu crois que ça va changer quelque chose à ta douleur ? Oublie moi Nancy ! Tu sais très bien que nous deux c’était juste une passade.
La jeune professeure ne l’entend pas de cette oreille et devient de plus en plus menaçante. A ce moment-là, je sais que tout est terminée. Nous avons perdu la partie juste parce que j’ai ouvert une fichue porte.
- Je vais rejoindre des collègues de Cambridge, termine-t-elle. Peut être que nous nous croiserons. Tu sauras bien assez tôt de quoi il en retourne.
Nancy lance un ultime sourire diabolique puis quitte l’appartement en claquant des talons.
- Merde ! s’écrie Timy.
Je me retourne vers lui puis je m’avance timidement. Il fait les cent pas dans le salon pour réfléchir. Je ne sais pas quoi faire alors je m’assoie sur le canapé en attendant qu’il prenne une décision.
- Nancy n’a pas de preuve à montrer au doyen, marmonne-t-il. C’est sa parole contre la mienne. Le problème c’est que le proviseur risque de la croire. Il n’accepterait jamais une situation pareille sans agir.
Mon professeur se pose à côté de moi en soupirant.
- Si Nancy décide de parler alors nous ne pourrons rien faire, souffle-t-il.
Je garde le silence en baissant les yeux. Je sens sa main chaude glisser dans les miennes.
- Je t’aime Elizabeth, reprend-t-il anéantit. Je ne sais pas ce qui va advenir de nous dans la semaine mais sache que je me battrais pour toi.
Si seulement c’était si simple… Des larmes glissent sur mes joues lorsque je relève la tête vers lui. Il pose son front contre le mien et je sens son souffle glisser sur mon visage.
Je vais être en retard à l’université mais je m’en fiche. La seule chose qui compte à ce moment-là, c’est lui. Je veux gratter quelques minutes en plus mais Timy me repousse.
- Je t’amène à l’université, déclare-t-il en se levant.
Je finis de me préparer à une lenteur déconcertante. La venue de Nancy m’a coupé l’appétit et je laisse mon petit déjeuner sur le comptoir.
Une fois dans la voiture, mon professeur démarre à pleine vitesse. Nous ne discutons pas durant le trajet car nous sommes tous les deux plongés dans nos pensées.
Lorsque le professeur d’arrête dans la petite rue près de l’université, mon cœur se serre. Je n’ai pas envie de le quitter mais je n’ai pas le choix.
- En attendant de comprendre la situation, il vaut mieux que tu restes dans ton studio quelques jours, explique-t-il sans me regarder.
Mon cœur se brise un peu plus quand je sors dans la rue sans avoir reçu un baiser de sa part. Le froid glacial cogne contre mes joues mais je m’en fiche. Je viens peut-être de perdre l’homme que j’aime.
J’arrive en classe avec vingt minutes de retard mais le professeur ne me fait aucune réflexion. Ce doit être la première fois que j’arrive à cette heure-ci et il le sait. En revanche, Cassidy remarque ma mine défaite. Elle décide de communiquer par message papier.
Que se passe-t-il ? Tu n’arrives jamais en retard.
Le ciel vient de me tomber sur la tête.
Quoi ?
Je t’expliquerais après le cours.
J’ai beaucoup de mal à me concentrer et ma meilleure amie m’indique de ne pas écrire. Elle fera une photocopie de ses notes pour moi.
A la fin du cours, je range rapidement mes affaires pour avoir le temps de parler avec Cassidy. Une fois dans le couloir, elle me fait signe d’aller dans un coin. Un étudiant nous fait signe que nous avons un cours mais nous ne lui prêtons pas attention.
- Cette garce de Nancy nous a cramé, je commence. Je n’arrive pas à croire que son ex a débarqué ce matin à l’appartement.
- Merde, s’exclame Cassidy. Qu’est qu’elle vous a dit ?
- Elle nous a bien fait comprendre qu’elle allait tout cafter au doyen. Je n’arrive pas à croire que mon avenir va partir en fumée à cause d’elle.
- Ne dit pas ça, me rassure ma meilleure amie. Il ne s’est encore rien passé. Ne t’inquiète pas, rien n’est encore perdue.
- Ce n’est qu’une question de temps maintenant…
- Si tu veux je peux engager un tueur à gage pour l’éliminer avant qu’elle ne parle ?
Elle réussit à m’arracher un petit sourire mais je suis toujours très inquiète. Il fallait juste que nous soyons discrets encore une semaine, c’est-à-dire jusqu’à la fin du premier semestre. Ensuite, le professeur Grayson ne sera plus mon professeur puisque je n’ai plus sa matière après les vacances de Noël. Je suis vraiment dégoutée par la situation.
- Parle-en à Anna, elle saura quoi te dire, me conseille Cassidy.
Il est temps pour nous de nous rendre en classe si nous ne voulons pas avoir de sermon. Dans les couloirs de Cambridge, nous croisons Jason qui s’avance vers nous. Je n’ai pas envie de lui parler sinon il va se rendre compte que quelque chose ne va pas.
- Pas maintenant, lui dit Cassidy avant que nous poursuivions notre chemin.
Je sens son regard dans mon dos mais je ne me retourne pas. Je dois me concentrer sur les cours au lieu d’essayer de me faire du soucis pour quelque chose qui n’est pas encore arrivé.
A la pause déjeuner, Cassidy me réprimande car je n’arrête pas de jouer avec ma fourchette au lieu de manger.
- Lise, il faut que tu manges sinon tu vas faire un malaise, me prévient-t-elle.
Je fais un petit effort mais mon estomac ne veut rien entendre. Il fait des nœuds depuis le début de la journée qui me parait interminable. Je ne sais pas quand je vais revoir le professeur et Cassidy ne veut pas me laisser seule. C’est pourquoi je vais passer le samedi avec Anna et le dimanche avec ma meilleure amie.
Anna a compris mon urgence et semble décidée à me donner des conseils. Parfois, je me demande ce que je ferais sans elle et son expérience. Elle n’avait personne pour la conseiller à l’époque alors je lui en suis reconnaissante d’être mon ange gardien.
A la fin de la journée, je rentre chez moi complètement épuisée. Mon studio ne m’a pas manqué à l’inverse des bras de mon professeur. Je n’ai pas envie de faire mes devoirs alors je reste allongée sur mon lit en attendant la sentence.
D’ailleurs, celle-ci ne tarde pas à venir. Je reçois un mail écrit par le doyen en personne. Il n’explique pas le motif mais je suis convoqué lundi à dix heures. Peu de temps après, un SMS me parvient. Timy aussi a reçu le même mail que moi.
A présent, la descente en Enfer commence et il ne me reste plus que le week-end pour accepter ma déchéance. Je pleure longuement sous ma couverture. J’arrive à peine à écrire un message à Cassidy pour la prévenir. Elle aussi est maintenant impuissante face à cette situation inhabituelle.
La seule chose qui me permet de m’accrocher à la vie c’est Anna. Elle est mon dernier espoir pour m’aider à remonter la pente.
Même si je perds tout dans trois jours, j’aurais vécu la plus belle histoire d’amour avec Timothy Grayson.
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