V
Égilon avait fait son entrée à la confrérie trois mois plus tôt accompagné de Sir Léothéric et de deux autre représentant. Ils n'étaient pas plus nombreux pour ce premier voyage, car rien n'avait encore été décidé. La confrérie n'avait accepté l'aide de la résistance qu'à demi-mot, et leur venue avait pour but de concrétiser un accord pour organiser la venue de l'armée et des volontaires. L’accueil qui leur avait été réservé avait été très froid, glacial. Le frère supérieur avait juste salué sir Léothéric avec respect, ignorant les autres.
La confrérie était une aberration dans le royaume des chevaucheurs. Alors que hormis peut-être au palais royal, tous les chevaucheurs ne prêtait guère d'importance aux rangs et aux statuts, la confrérie portait bien d'autre valeur. Même l’armée ne portait pas autant importance aux rangs que les frères et les sœurs. Cela n’avait cependant rien de surprenant, le principe même de la confrérie reposait sur la hiérarchie. Pour être initié aux secrets, il fallait continuellement monter en grade. Un novice était tout juste formé au combat et à l'apprentissage, puis plus son statut grandissait, plus il avait accès à des connaissances depuis longtemps oublié des chevaliers et des mages. Les frères et les sœurs de la confrérie étaient élevés dans cette course aux savoirs et en étant endoctriné dans une politique de secret absolue.
Si le frère supérieur de l'ordre n'avait salué que Sir Léothéric s'était qu'il faisait partie comme beaucoup de frère et sœur, mais aussi d'autre personne extérieure de ceux qui doutaient du bien fondé de la création de la garde. Cette méfiance venait sans nul doute du jeune âge d'Élentir quand elle en avait pris le commandement, et sûrement à l'âge de Sir Égilon devenu son second. Pour la confrérie, si à cheval sur la hiérarchie, il était irréaliste de placer à un tel rang de si jeune personne, tout juste adulte, selon les lois du royaume, et avec aucune expérience.
Cependant, Égilon, aussi jeune soit-il, était un chevalier qui avait fait ses preuves et qui était conscient de l'importance de son statut. Il fit un pas en avant, le dos droit, il fit le salut de la chevalerie à la perfection :
— C’est un honneur de vous rencontrer, frère supérieur. Je me présente, Sir Égilon, chevalier de l’ordre des dragons et vice commandant de la garde princière. Je suis ici au nom de son Altesse Élédhwen et son Altesse Palantir.
Sa voix tonna dans la cave, pleine d’assurance. La plupart des frères et sœurs parurent surpris et outrés de l’audace du jeune homme. Cependant, loin d'être impressionné par la confiance du jeune homme, le frère supérieur resta hautain. Essayant de calmer les tentions, les deux autres représentants se présentèrent à leur tour. Et le frère supérieur leur accorda à peine plus d'attention qu'à Égilon, le mépris en moins.
Sans plus de politesse, ils furent emmenés directement dans une salle froide et sans fioritures dont les murs étaient nus, pas de tapisserie, pas de boiserie. Il n'y avait même pas de cheminée ou de chandelier. Les deux fonctions étaient remplacées par de simple sort dont la simplicité l'alourdissait l'ambiance austère. Cet endroit était aussi accueillant que les rares frères qu’ils avaient croisés en chemin. Pas un des habitants de ces lieux ne leur avait montré autre chose que de l'hostilité.
Cette ambiance pesante ne perturbait en rien Léothéric qui était bien habitué au caractère secret de la confrérie. Il lui avait fallu de nombreuses visites, toute sa diplomatie et son sang-froid légendaire pour être accepté des frères et des sœurs. Il était loin le temps où l'ordre et la confrérie travaillaient ensemble.
De son côté, malgré son caractère calme et posé, Égilon était tendu, sur les nerfs. Son sens du devoir lui disait que l'heure était trop grave pour une querelle d'égo, et pourtant cette confrérie, malgré tout réputer pour sa sagesse, lui semblait alors bien puéril. Il savait qu'il allait devoir prendre sur lui, et démontrer à ces gens-là qu'il avait les compétences que l'on attendait pour quelqu'un de ce rang.
Dans cette salle austère, Sir Ciryandil les attendait avec un grand sourire, première personne accueillante et chaleureuse qu'ils croisaient. En voyant son camarade, Égilon se précipita et lui donna une grande accolade à laquelle le chevalier répondit avec sincérité. Bien qu'il le sache déjà depuis quelques jours que son ami et compagnon d'armes avait pu quitter la capitale à temps, le voir en vrai finissait de le rassurer. Apprenant la prise de la capitale, il s'était beaucoup inquiété pour toutes ses connaissances restait sur place. En voir une autre vivante et en pleine forme, lui donner force et espoir. Même dans cette situation, tout n'était pas perdu, tout n'était pas sombre. Il ne se priva pas de le faire savoir :
— Je suis soulagé que tu ailles bien. Nous avons eu peur pour vous quand on nous a dit que nous n'avions pas de nouvelle de vous après la prise de Prémil.
Une tristesse envahie le regard du vétéran. Ce n'est qu'alors que le jeune homme s'aperçut que son ami lui semblait plus âgé. Les traits tirés par l'angoisse et la fatigue, le fier chevalier avait pris des rides et il paraissait plus sévère que jamais :
— J’ai eu plus de chance que beaucoup, affirma-t-il d'une voix remplie de tristesse et de regret. Les combats nous ont enlevé plein de camarades, de compagnons et d'amis. Moi, j'ai eu la chance de quitter la capitale avant la fin de la bataille. Je n'ai vu que le début de l'enfer.
L'on sentait dans son affirmation les regrets de ne pas être resté pour défendre la ville, de ne pas être resté auprès de ces camarades. Son roi leur avait donné un dernier ordre et c'était de son devoir de le réaliser en tant que chevalier de l'ordre des dragons. Pourtant, cela lui en avait coûté. Égilon n'était pas naïf, il savait que cela avait été aussi pour dur pour Ciryandil que pour Léothéric. Il savait également qu'il n'aurait pas aimé être à leur place, quitter la ville laissant sans défense connaissance, famille et ami.
Parfois, être chevalier et avoir un devoir envers le pays avait un poids bien trop grand qui entrainait de grandes souffrances. Néanmoins, dans leurs situations, Égilon aurait pris la même décision. Suivre cet ordre allait sûrement permettre de sauver bien plus de vie que de rester dans la bataille. C'était la bonne solution, mais, à présent, il doutait qu'Élentir aurait suivi cet ordre.
— Je plains davantage Hoel, Lidoire, et Elline qui sont restés là-bas, poursuivit Ciryandil d'un ton grave. Ils ont du assisté à des horreurs sans pouvoir les arrêter, ils doivent à présent protéger nos proches sans savoir s'ils pourront un jour les sortir de la capitale.
L'homme ne disait pas la vérité, Égilon le connaissait, ce vétéran aurait souhaité être à la place de ceux restés à l'intérieur des murs de Prémil. Pourtant, le jeune homme se contentant de hocher la tête tristement. Les temps étaient durs, et beaucoup de gens auraient voulu pouvoir être à d'autre endroit. Néanmoins, la situation telle qu'il la voyait était peut-être celle qui était le plus en leur faveur. L'empire n'avait pas pu mettre la main sur aucune connaissance ou secret draconnique, pas plus que sur les héritiers du royaume. La garde princière était presque entièrement en dehors de Prémil, en pleine capacité d'agir.
— J'imagine qu'il est encore difficile d'avoir des nouvelles de la capitale, remarqua le vétéran. Mais qu’en est-il du reste de nos amis. Tout le monde va bien ? Comment vont nos héritiers et notre cheffe ?
Sir Léothéric comme Égilon se renfrognèrent, mais restant le plus impassible qu'il puisse être, il resta vague, leur conversation étant écoutée par les frères et sœurs :
— Ils n’ont pas vraiment eu le temps pour pleurer et faire leur deuil, mais ils sont forts et courageux. Je ne sais pas si tu es au courant, mais Élentir et Palantir ont pris la route vers le nord…
Ciryandil hocha la tête, soucieux, ne sachant pas si c'était une bonne nouvelle :
— L'on m'a tenu au courant. Que les consciences soient avec eux. Je sais également qu'une équipe a été envoyée pour les archipels. Espérons que Lilosys les protège.
L'inquiétude se lisait dans son regard. Comme tous, ils savaient les dangers de ses deux expéditions. Il était possible aucune ne reviennent jamais. Qu'il ne puisse jamais revoir de précieux compagnons d'armes, des amis perdus à jamais dans les hauteurs glaciales des sommets escarpées, ou dans les profondeurs abyssales de l'océan.
Pourtant, il n'était pas le temps de l'apitoiement, des choix avait dû être fait, il ne restait plus qu'à espérer que ce fussent les bons. Maintenant, il était temps d'avoir une conversation avec la confrérie, les négociations pouvaient commencer.
Alors tous s’installèrent autour de la table. En plus des invités et du frère supérieur, se trouvaient tous les frères les plus gradés. Autour de la table, les vingts convives se regardaient, se jaugeaient. Le frère supérieur prit la parole :
— Nous sommes ici, malgré certain désaccord, pour organiser la défense stratégique de la confrérie. Nous savons maintenant avec certitude que l’empire cherche à retrouver et à prendre la confrérie. Pour pouvoir remplir l’importante et noble mission que nous a confié le grand roi sage Nómin, nous avons conclu à la quasi-unanimité que l’on devait faire appel à des renforts. Nous recevons aujourd’hui quatre représentants pour que l’on discute de l’organisation. Les deux chevaliers qui nous ont déjà rejoint, nous aiderons pour arriver à un compromis.
Ce fut une présentation succincte et efficace. Elle permettait parfaitement de comprendre la tension qui emplissait la salle. Égilon sentait bien qu'un grand désaccord existait parmi les frères et les sœurs. Comme pour confirmer l'intuition du jeune chevalier, une sœur assez âgée au regard peu amical prit la parole :
— Je comprends la légitimité de tous sauf de sir Égilon. Il est trop jeune et manque d’expérience et la garde princière n’a aucune véritable légitimité.
Un sentiment d'assentiment parcouru la table. Même parmi les frères et sœurs en accord avec la venue d'étranger dans la confrérie, beaucoup n'appréciaient pas la présence d'un si jeune chevalier. Le frère supérieur, bien que faisant partie de ce groupe, voulu la reprendre, mais Égilon leva la main pour prendre la parole.
— Remettre ma légitimité en doute est compréhensible et même raisonnable, mais c’est oublié plusieurs choses. Tout d’abord, cela fait déjà cinq ans que je suis chevalier à part entière. Bien que cela ne vaille pas l’expérience de toute une vie, cela prouve que mon expérience est grande malgré mon jeune âge. Et j’en remercie Dame Cléophée pour son précieux enseignement. Pour ce qui est de la garde. Nous avons plus fait pour ce royaume en cinq ans que votre confrérie en un demi-siècle. Nous avons peut-être l’air d’une troupe fabriqué de bric et de broc, il n’en reste pas moins que nos exploits nous donnent sûrement autant de légitimité que vous. Vous oubliez que votre confrérie était décriée en ses débuts, comme toute nouvelle entité. Après, il ne reste plus qu’à vous de juger sans préjuger de ma légitimité, mais pour cela, il faut me laisser une chance.
Le vice commandant de la garde princière avait parlé avec calme mais autorité. Le silence tomba autour de la table. Bien sûr, il n’avait pas convaincu ses opposants, mais son attitude droite et sage permit de rassurer ce qui doutait. Il ne lui restait plus qu'à faire ses preuves, et si cela ne l'intéressait guère, il n'en demeurait pas moins qu'une réunion de stratégie était son milieu de prédilection. Il ne faisait aucun doute que si tout le monde était honnête autour de cette table, sa jeunesse ne serait bientôt plus remarquée.
— Bien, repris en se grattant la gorge Ardenth, que ce soit clair, les représentants que nous ont envoyés la résistance ne peuvent être rejetés de cette table. Ce sujet est donc clos. Rien ne doit nous détourner de notre tâche. Nous devons avant l'hiver parvenir à organiser nos défenses…
— Rappelons que ce bâtiment est rempli de savoir interdit, cracha un autre frère. Que même les novices n’y sont pas autorisés !
Un brouhaha ensuivit cette interruption qui ne prit fin qu'en la forte voix de Sir Léothéric tonna :
— Ce débat, vous l’avez déjà eu ! Vous avez, vous-même, décrété que le danger était bien trop grand pour pouvoir le combattre. Maintenant que j’ai vu ce qu’il restait de notre armée et de nos chevaliers, je peux vous l’affirmer tout volontaires doit être accepté.
Le vieux frère ne se laissa pas démonter et déclara avec mépris :
— Je reste persuadé que vous surestimez nos ennemis et nous sous-estimez. Nous possédons des savoirs puissants !
— C’est à se demander pourquoi vous n’avez pas déjà repoussé l’empire, marmonna agacé l'un des autre représentant de la résistance. Pourquoi vos frères et sœurs présentes durant le siège de la capitale n'ont guère était plus utile que tout autre chevalier.
— Calomnie ! Ils…
— Suffit ! s'exclama le frère supérieur. Comme la déjà rappeler sir Léothéric la question a déjà été réglée. Il n'est pas question de refaire les débats. La majorité d'entre nous avons voté pour accepter l'aide que l'on nous propose, quand bien même pour cela, nous devions accepter la venue d'étranger en ces lieux sacrés. Maintenant, sans plus attendre, rentrons dans le vif du sujet. Qui veut commencer ?
Égilon leva la main. Cela exaspéra le frère supérieur, mais comme il devait mettre en application ses propres propos, il lui laissa la parole :
— Il ne semble que pour débuter, il faudrait d'abord faire le point sur la situation. C'est pourquoi j’aimerais rapporter ce que nos espions dans la capitale nous ont rapporté sur la situation.
— Sir Égilon, je n’ai pas entendu parler d’espion, répliqua sèchement Ardenth.
Et il n'était pas le seul que l'affirmation du jeune chevalier avait agacé. La confrérie aimait croire qu'elle avait les yeux partout. Et si elle aimait le secret, c'était quand il était en sa faveur. La confrérie n'appréciait pas être mise de côté, ne pas avoir toutes les informations.
Un autre qu'Égilon aurait pu se réjouir d'avoir pris l'ascendant, pourtant impassible, il expliqua :
— Je suis désolé de ne révéler cet atout que maintenant. Mais il est vital que le moins de personne possible soit au courant. La garde princière a réussi à placer un espion dans le palais. À notre connaissance, c'est le seul. Toutefois, nous faisons confiance aux membres de cette assemblée bien plus férue de secret que nous. Nous partagerons tous les rapports qu'il nous enverra, mais en aucun cas nous vous révèlerons son identité.
— Dans ce cas, comment pouvons-nous lui faire conscience, protesta la vielle qui avait mis en doute la légitimité d'Égilon.
— J'ai ici une lettre signée la main des héritiers assurant la vérité de mes propos si ma parole ne suffit pas.
Sans attendre, il sortit de sa cape un parchemin qu'il fit passer au frère supérieur. Ce dernier observa le seau royal avant d'ouvrir la missive et de la lire silencieusement. Il finit par hocher la tête, déclarant :
— Il me semble en effet qu'il n'y a plus a discuté sur la véracité des propos de Sir Égilon. Donc écoutons sans plus attendre ce que vous a rapporté votre espion.
Sans montrer le moindre signe ni de victoire ni d'agacement pour ce contretemps, Égilon commença :
— Notre espion nous a bien confirmé que tous les moyens de l'empire sont mis en œuvre pour retrouver la confrérie. À sa connaissance, il y a au moins quatre Élus de haut niveau cherchant activement la confrérie. Chacun dirigeants leur propre troupe. La magie qu’ils possèdent pour vous démasquer est bien plus sophistiquée que notre magie. Pourtant, ils parlent de faire venir des renforts. Notre espion n'est pas sûr, mais il pense qu'ils ont parlé de faire venir des esclaves magiques.
Des cris fusèrent tout autour de la table.
— Vous êtes sûr de cela ? demanda un frère sans pour autant paraître douté de la parole du chevalier.
— Je sais que nous n'avions pas pu confirmer des esclaves magiques dans l'empire, intervint sir Léothéric. Mais la confrérie comme l'ordre du dragon s'en doutait depuis longtemps. Moi-même, m'étant rendu plusieurs fois en mission diplomatique dans l'empire, ai trouvé des indices nous poussant à croire.
Des chuchotements parcoururent l'assemblée, mais personne ne protesta. Tous savaient que c'était une probabilité. Mais cela inquiétait également. Si les esclaves magiques existaient bien, alors l'armée zhikerhote avait dans ces rangs des représentants de toutes les magies avec leur force et leur faiblesse. Et comme le royaume ne savait rien sur eux, cela les rendait plus dangereux.
— Je tiens tout de même à dire que pour l'instant, nul n'a été témoins de leur présence et notre espion n'en sais pas plus à leur sujet. Bien qu'il soit presque certain d'avoir vu un esclave personnel d'un élu se servir de la magie des peuples de la grande forêt… Ajouta Égilon. Cette information ne doit pas être ignorée, mais nous ne devons pas nous affoler pour l'instant.
— Vous avez raison, sir Égilon, confirma avec gravité le frère supérieur. Cette information est inquiétante, préoccupante, mais tant que nous n'en savons pas plus, nous n'avons pas les moyens de réagir. Que vous a dit d'autre votre espion.
— Il a réussi à estimer les forces ennemies. Je vous fais passer des parchemins dans lesquels sont notés leurs effectifs. Vous pouvez y voir également le nom de tous les responsables présent à Prémil, ainsi que tous les autres noms qu'il a pu récolter et qui lui ont paru essentielle. Cela devrait permettre de mieux connaitre notre ennemi. J'espère que chacun d'entre vous pourrons partager les informations qu'ils ont sur les différents noms de la liste.
Alors que les parchemins ce passé de main à main, que certain discuté avec leurs voisins, une sœur demanda la parole :
— Tous les chiffres sont très précis, qu’elle est la marche d’erreur ?
— L’erreur est négligeable, déclara avec une légère fierté Égilon.
Ceux qui étaient attentifs comprirent aussitôt que le vice-commandant avait une confiance totale en l'espion. Cela ne suffisait pourtant pas à convaincre tout le monde. Avoir les chiffres de l'armée ennemie à l'unité près semblant trop beau.
— Comment en être si sûr ?
Le doute constant que recevaient les paroles du jeune chevalier avait le don d'agacé sir Léothéric, pourtant connue pour son calme légendaire. Contrairement aux et aux sœurs de la confrérie, le chevalier ne jugeait jamais ses interlocuteurs à leur âge et leur expérience. Il était vrai que l'expérience était quelque chose que l'on ne pouvait négliger. Mais cela ne justifiait pas un mépris pour les jeunes. Il était bien placé pour le savoir, il avait accepté de prendre Élentir pour écuyère au jeune âge de dix ans, ce qui était extrêmement rare. Puis avait accepté que l'on l'adoube à seulement quinze ans. Du jamais vu.
Mais quand il prit la parole, son agacement ne se ressentit pas. C'était pour cela qu'il était un diplomate hors pair.
— Si vous ne nous faites pas confiance, vous pouvez attendre le rapport de vos espions. Mais je me dois de vous rappeler, qu'il n'y a pas que nous qui ayons confiance en cet espion. Et il me semble qu'il fait partie de vos devoirs d'écouter les mots de vos futurs souverains. En attendant, quand vous aurez vos propres espions, je n'attendrai pas que vous me disiez qu'ils sont et je prendrais toujours en considération leurs rapports.
Un silence suivit les paroles du grand chevalier. Ses mots percutèrent même les plus retissant.
Le représentant des volontaires de la résistance profita de ce silence pour prendre la parole. Comme la confrérie, il venait tout juste de recevoir les informations de l'espion :
— Au vu des chiffres fournis et des renforts possibles. Nous ne pourrons jamais être prêts. Je sais qu'en tant que simple mercenaire, je ne connais ni le nombre de combattants de la confrérie, ni leur capacité réelle. Mais, de leur côté, ils auront aussi de grand mage et surtout au moins cinq fois plus de troupe qu'il n'en faudrait pour faire un siège.
— Et que peu bien en savoir un simple mercenaire, répliqua la vieille sœur.
— Je n'ai pas vu beaucoup d'entre vous défendre les côtes contre les pirates. Moi, j'ai participé à trois sièges. Car oui, les pirates ne se contentent plus d'attaque rapide. Ces dernières années, ils ont assiégé plusieurs villes. Mais vous le seriez si vous sortiez vos nez des vieux parchemins et que vous souciez plus de votre pays !
La vielle sœur émit un rire méprisant :
— Participer à un siège ne suffit pas pour devenir spécialiste. Les villes que vous défendiez, ont-elles seulement réussi à résister ?
Le mercenaire, au lieu de répondre à la provocation, éclata d'un rire gras :
— Je n'entrerai pas dans votre jeu, chère dame. Car, malgré votre mépris évident, vous savez que mes mots sont juste.
Elle se leva, sa rage ressortait dans une aura magique que l'homme ne pouvait percevoir. Mais le frère supérieur claqua sa paume contre la table et elle se rassit à contrecœur.
— Il est vrai que c’est inquiétant, déclara-t-il comme si la dispute n'avait pas eu lieu. Et c'est sans compter, qu'au vu de leur arrivée jusqu'à la capitale, nous avons sous-estimé leur puissance magique. Et nous devons l'avouer, nos renforts seront surtout des civils non former, ni aux armes, ni à la magie.
— En prévision de ça, des volontaires ont déjà commencé à être formé, intervint Ciryandil. Nous avons commencé à former différent groupe. Ceux dont nous pensons suffisamment disposer à la magie pour pouvoir leur enseigner un sort et ceux dont il vaut mieux se concentrer sur l'apprentissage de technique simple de combat.
— Je ne veux pas paraître rabat-joie, mais nous tous ici savons à quel point il est dur d'apprendre la magie. Je ne vois pas comment ils pourront l'apprendre en quelques mois, alors qu'ils nous a fallut des années.
Des chuchotements d'approbation parcoururent les rangs de la confrérie. Beaucoup de chevalier et de mage avait réagi de la même manière aux ruines. Apprendre la magie si rapidement à des novices semblait totalement improbable.
— Je comprends vos doutes, affirma Sir Ciryandil. Je tiens déjà à préciser que, sans des mages, un certain nombre de nos compatriotes savent utiliser un sort qui se transmet dans leur famille. La magie ne leur est donc pas inconnue à tous. De plus, nous ne leur apprenons pas la magie. Nous leur enseignons un seul sort très basiques, utile en tant de siège. Bouclier, projectile simple, magie des éléments basiques, soin superficiel. Rien qui ne leur permette seul de combattre l'armée ennemie seul. L'idée, c'est qu'ensemble, ils puissent remplacer un mage. Pour plus de chance de réussite, ils ont tous été triés selon leur habilité.
— C’est intéressant, déclara une sœur jusqu'alors silencieuse. Il ne fait pas de doute que nous pourrions apporter de grandes choses à leur formation.
Si elle semblait très volontaire, ce n'était pas le cas d'un certain nombre de ses confrères qui la regarda d’un mauvais œil. Mais le frère supérieur acquiesça pensivement avant de déclarer à contrecœur :
— Nous pouvons le faire sans transgresser nos règles. Seules les magies puissante ou dangereuse sont interdites. Rien dans nos lois interdit l’enseignement de certains de nos savoirs, ce n’est juste pas dans nos mœurs. Et si nous voulons avoir des chances de survie, nous devons nous adapter.
Un silence pesant suivi sa déclaration. S’il avait raison, ces comparses ne l’admettraient pas si facilement. C’est du moins ce que s’imaginer Égilon, qui n’avait côtoyé qu’en de rare occasion des frères ou des sœurs. De ce fait, il avait l’idée d’une confrérie contre toute diffusion du savoir. Il fut donc surpris de voir en quelques instants de réflexion les plus jeunes frères et sœurs hochait la tête.
— Je suis d’accord, mais pour cela, il faut qu’arrivent en priorité les volontaires. Il nous faudra du temps pour les former.
Ce fut un soulagement pour les représentants de la résistance. Ils n'auraient jamais imaginé que la confrérie plierait sur un tel point aussi simplement. Cela leur redonnait espoir quant aux restes de leur négociation.
Les discussions se poursuivirent entre les plus conservateurs qui avaient du mal à accepter l’évolution des évènements et les plus progressistes qui se voyaient déjà formé des armées. Finalement cette première après midi leur permit de mettre en place un planning d’arrivée en fonction des préférences de chacun et des contraintes.
À la suite de cette réunion, on présenta aux nouveaux arrivés leurs chambres et ont leur expliqua les règles à suivre.
Dans les semaines qui suivirent, le jeune chevalier n’eut pas le temps de se reposer. Il jonglait constamment entre l’accueil des nouveaux arrivants, la formation des volontaires et les conseils réguliers. Très vite, il gagna le respect de tous.
Ce qu’il préférait était sans nul doute formé les volontaires. Il avait choisi de les former sur les armes et les formations militaires. Dans une bataille, on n'avait pas besoin de bretteur, de combattants de cours. Dans une bataille, la formation des troupes avait bien plus d’importance. Il fallait alors apprendre à se synchroniser, retenir les différentes formations et les ordres. Il le savait, il n’en ferait pas des virtuoses de l’épée, ce n’était même pas le but, ce qui comptait, c'était la puissance commune.
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