6 - À Propos de mon Ex...

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J'ai revu Deborah.

Ouais, ouais, je sais, je suis un sale connard. Je suis la pire saloperie nécrophage de l'univers. Rien de nouveau. Je devrais laisser cette pauvre fille tranquille. Mais... comment vous dire. C'est pas moi qui l'ai cherchée !

Pas exactement.

Quelques soirs après ce moment glorieux où j'ai croisé cette pauvre fille, m'est venue une sourde angoisse : et si elle se mettait en tête de me retrouver ?

Je l'ai vu clair comme la Pleine Lune : Deborah, plantée sur ce parking glauque à attendre, une nuit sur trois, les pieds dans une flaque, en se demandant ce que diable il m'était arrivé. Et surtout, comment se portait mon chien.

Je savais qu'elle en serait capable. J'irais pas jusqu'à dire qu'elle m'aime. Vivant j'ai jamais été le genre de type à déclencher ce genre de ferveur chez une femme. Alors maintenant que je suis un monstre...

Plus j'y réfléchis et moins je comprends : Pourquoi elle s'est jamais souciée de moi ? Pourquoi elle s'est autant fait chier à essayer de me sauver quand tout le monde a laissé tomber — Moi le premier ?

Je suis retourné au parking quelques nuits plus tard, en me disant que ce coup-ci, si je la voyais, je lui dirais de se trouver une meilleure occupation.

Et ça n'a pas manqué, alors que j'allais quitter ce parking de malheur après ma ronde, comme la dalle pointait, j'ai entendu de nouveau sa voix.

– Eric ! Attends ! cria-t-elle. Je vous jure, elle avait ce ton dramatique... comme si on était sur le quai d'une gare dans un pays étranger et froid.

- T'approches pas ! lui répondis-je depuis l'ombre d'un arbre. Je voulais pas qu'elle me voie. Surtout pas qu'elle me dise de nouveau comme j'avais « meilleure mine »...

La pauvre Deborah s'est immobilisée. Le lampadaire jetai des lueurs dans ses grands yeux confus.

– Eric... qu'est-ce que tu... ? Qu'est-ce qui t'est arrivé ? Je n'avais plus de nouvelles de toi ! Tu... tu as fait quelque chose de mal... ?

J'eus une terrible impression d'absurdité... « quelque chose de mal » qu'elle demandait...

– Deborah, lâche-moi la grappe, grinçais-je ! Tu... tu n'as rien à faire ici avec moi ! Pour autant que tu saches, je suis devenu une goule qui bouffe des cadavres la nuit ou je sais pas quoi... Réfléchis un peu ! Pense à ton propre cul des fois !

Ma tirade eut le pire effet possible. Je voulais au moins la fâcher, mais elle a eu l'air blessé. Comme si je la grondais parce qu'elle avait fait une faute terrible. Pourquoi elle fait toujours ça, bordel ?

- Écoute Eric... dit-elle d'une voix grêle... Je ne sais pas ce que tu as fait. Mais tu dois savoir... ils te cherchent ! La police ! Ils sont après toi ! Il y'a un... un homme qui est mort ! Il n'avait plus de visage du tout ! Je sais que tu n'as pas pu faire une chose pareille. Il doit y'avoir une explication... ! Si tu viens avec moi, je... je t'aiderais à te rendre aux autorité Eric ! Je suis sure que tout va bien se passer ! Mais si tu te caches... tu vas aggraver ta peine ! Je suis sure que tu es innocent Eric... je ne peux pas te laisser partir comme ça ! Pas si je peux t'aider !

Je voyais le tableau d'ici : l'adorable Deborah amenant aux bleus sa goule repentie, toute prête à purger sa peine et payer sa dette à la société — avec ma gueule de cauchemar mort-vivant et mon passé de déchet humain...

Je fis une grosse connerie et décidait de sortir sous la lumière.

Deborah mit un peu de temps avant de comprendre l'ampleur du problème. Après quelques secondes, elle fit un pas en arrière, la main sur la bouche.

– Je suis plus Eric, lui dis-je. Eric est mort dans une impasse anonyme. Puis il s'est relevé pour bouffer la gueule de son voisin de sépulture. On peut pas « aggraver ma peine » Deborah. Si les poulets me choppent avant que je les bouffe, ils vont m'envoyer dans un labo me faire disséquer, ou me jeter directe dans un four crématoire s'ils ont deux sous de jugeote. C'est gentil de me prévenir, mais tu peux rien pour moi Deborah. Personne ne peut rien pour moi. Même avant que je sois une goule j'étais déjà un putain de cas désespéré !

– Oh non... dit-elle... non, c'est pas possible ! Mais ça n'existe pas, les goules, Eric ! Je... tes dents... qu'est-ce qu'il...

J'ouvris grand la gueule et elle fit deux autres pas en arrière en lâchant un petit cri.

– Tu vois, lui dis-je ! Quand tu lâches la meth pour la chair humaine... c'est bien meilleur pour les dents !

Deborah s'enfuit en pleurant.

La faim ressurgit un court instant. Je me vis courir à sa suite, la rattraper. Bondir et...

Je pris la direction opposée et me fondit dans l'ombre.

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