Chapitre 26
Nous courons. À en perdre haleine.
Nous nous élançons. Sans nous arrêter.
Nous détalons. Sans nous retourner.
Nous esquivons.
Nous nous enfuiyons.
Nous prenons la fuite, chassé par des hommes en uniforme blanc.
Le passage d'un blanc immaculé semble ne jamais s'arrêter. Toujours coursés par nos poursuivants, nous cavalons sans jamais discerner la moindre issue. Néanmoins, le corridor est vide, nos souffles se font courts, ainsi que nos foulés, notre rythme cardiaque s'intensifie, notre tension monte aussi vite que la peur nous encercle et bientôt certains d'entre nous n'en pourront plus.
Les cris des gardes se rapprochent. Ils risquent de nous rattraper et de nous enfermer une seconde fois. Bien trop loin d’eux, les tirs fusent tout autour sans qu'aucune balle ne nous atteigne.
Alors que nous pensions ne jamais trouver le fond de l'allée, à quelques mètres devant nous se dresse une porte en bois de chêne blanc. Celle-ci représente la seule couleur de ce passage. Sans hésitation, Aloïse l'ouvre et nous la franchissons tous sans un regard en arrière.
Il ne nous reste qu’une dizaine de kilomètres à parcourir pour atteindre le mur, ouvrir les portes et profiter de notre liberté. Toujours et encore avec de grandes foulées, nous parcourons le sol plat et désertique qui sépare le Bloc de Contrôle de la Vie Extérieur au mur de protection. Assez vite, grâce à leurs foulées régulières, nous arrivons proche des portes closes.
— Alec, on fait ce qu’on a dit ?! demande Noah derrière lui.
Celui-ci répond par un pouce en l’air vers l’arrière et grimpe les escaliers afin d’atteindre la manette permettant d’ouvrir les portes. Nous nous sommes tous arrêtés et nous attendons le baraqué d’en bas. Pendant ce temps, des corps volent et des tirs fusent. Alec a récupéré l’arme du premier corps et s’en sert pour stopper les autres.
Rapidement, le troisième étage est atteint. Il faut seulement espérer qu’aucun autre garde désenclenche la manette et qu’à cause de ça, Alec ne puisse pas passer à temps. Il active la manette et se met à dévaler les escaliers aussi vite que son ombre.
— VAS-Y, ALEC ! TU PEUX LE FAIRE ! nous hurlons d’une seule voix joyeuse, rapidement remplacée par une pleine d’effroi. DÉPÈCHE-TOI ! NE TE RETOURNE PAS ET FONCE !
Tous en angoisse, nous lui hurlons des choses devenues incompréhensibles mais il a l’air d’avoir parfaitement compris qu’on le visait ou qu’on le suivait.
Bientôt, il saute du premier étage, se relève tout aussi vite et franchit les portes nous rejoignant, nous qui étions passés quelques instant plus tôt, quand la porte avait commencé à redescendre.
Nous sillonnons les rues en ruines à la recherche d'un refuge où nous pourrions nous cacher le temps de distancer nos poursuivants. Mais rien. Tous les bâtiments sont abandonnés et envahis par la végétation. Néanmoins, nous gagnons du terrain. C'est notre seul point positif.
Alec cri, à bout de souffle :
— On peut plus continuer comme ça, on va pas tenir jusqu'au point de rendez-vous. Il faut vraiment qu'on trouve un abri, et maintenant !
Nous ne répondons rien, trop occupé à regarder où poser nos pieds. Nous tentons, comme nous le pouvons, de ne pas tomber et de distancer davantage nos poursuivants. Malgré l'âge avancé de Marianne, elle me surprend à bien tenir le rythme. Elle paraît même en meilleure forme que nous tous et semble être beaucoup moins essoufflée.
— Continuez de courir ! je lance en m'écartant du petit groupe. Je m'occupe des gardes ! On se retrouve au point de rendez-vous !
— NON ! Ne fais pas ça ! proteste Noah en ralentissant pour m’arrêter. On peut y arriver sans que l'on se sépare !
Mais je n'écoute pas et pars déjà sur la gauche tout en regardant si les gardes remarquent mon changement de direction et pour me suivre, moi.
— ELIONA ! hurle Noah en s’arrêtant puis entraînant le reste du groupe à faire de même. Reviens !
Je vois Aloïse l'attraper par le bras.
— Laisse-la, Noah, je crois l'entendre dire. Respecte son choix. C’est pour nous aider.
PDV extérieur
Ils se remettent tous à courir puis le regard de Brook se fige :
— Là ! pointe-t-elle du doigt, haletante. Regardez !
En suivant son doigt, le groupe remarque une grande demeure de brique, autrefois rouge, puisqu'aujourd'hui elle n'est plus que noire, brûlée. Le lierre a recouvert cette maison sûrement habitée par une famille aisée avant le drame. Ils ne se posent pas plus de question et foncent vers celle-ci qui fera très bien l'affaire. Les Hunters ne penseront pas à fouiller les grandes bâtisses, convaincu que les adolescents ne seront pas assez bêtes pour se cacher dans un lieu bien trop imposant et voyant. Ils l’espèrent en tout cas.
— C'est parfait, dépêchez-vous ! répond Alec, elle est assez écroulée pour pas qu'elle nous tombe encore dessus ! Je pense pas qu'ils iront nous chercher dedans, surtout qu'ils ont tous suivi Eliona !
Les jeunes font un détour avant de s’y précipiter. Ils y pénètrent enfin et se cachent, immédiatement. L'angoisse est palpable dans l'air. Personne n'ose bouger, ni même respirer de peur que l'un des chasseurs ne surgisse de nulle part.
Une chose est sûre : aucun des jeunes ne veut retourner là-bas. Sous aucun prétexte. Sauf un : Noah. Il est prêt à tout pour retrouver Eliona. Et si jamais elle ne se trouve pas au point de rendez-vous, alors il y retournera, avec ou sans l'aide de ses amis.
PDV Eliona
Je cours le plus vite possible, allongeant mes foulées. Je suis consciente que les gardes m'ont suivie, moi et non pas mes amis. Je sais que même si je cours vite, je me ferai rattraper. Je le sais au plus profond de moi, mais je souhaite gagner du temps à mes amis, ma seconde famille. Au pire, je serais enfermée et torturée. Au mieux, je serais peut-être protégée par le profond désir de Charles.
Une personne capturée, c'est déjà mieux que huit.
Tandis que je continue de courir, les gardes, eux, ont cessé de tirer, et commencent à ralentir pour s'arrêter. Je vois l'un des gardes sortir un talkie-walkie, donner un ordre, puis je les aperçois repartir en sens inverse. Je ne suis pas si bête, quelque chose va se passer, c'est certain. Je ferais mieux de profiter du fait qu'ils se replient pour continuer de plus belle ma course.
Quelques rues plus loin, un énorme bruit retentit, le sol tremble et une fissure apparaît dans le sol devant moi. Quelques mètres me séparent de l'autre côté, où se trouve, un peu plus loin, le point de ralliement.
Je n'ai plus que deux moyens de m'en sortir, mais dans les deux cas, je dois partir d'ici ou la plateforme m'engloutira. Soit, je tente de rebrousser chemin et tenter un détour, mais je risque de retomber sur ses assaillants qui me pourchassaient, soit je tente le diable et essaye de sauter par-dessus cette gigantesque fissure, mais je risque alors de tomber dans ce trou qui paraît sans fond.
Mon choix est vite fait. Il est hors de question que je retourne du côté des Hunters. Je saute.
Je recule de quelques mètres, inspire, cours, saute, expire puis me rattrape de peu au rebord. Un peu plus et je tombais. J'inspire profondément, me donnant le temps de reprendre mes forces. J'essaie par la suite de me hisser de toutes mes forces, mais j'entends soudain des pas et quand je relève la tête, je vois se dresser au-dessus de moi le général des gardes qui me poursuivaient.
— Tu n'aurais jamais pu nous échapper, Eliona Shields, déclare-t-il, vous avez tous été choisis pour participer aux épreuves. C'était votre destinée, à tous, après ce que vous avez fait.
Comment ça, choisi ?
Le général me regarde avec un air sadique, un mauvais rictus ne peut s'empêcher d'étirer ses lèvres charnues, puis il m'écrase les mains en ricanant fortement.
Je hurle en tombant dans le vide, succombant à la douleur insupportable infligée à mes doigts.
Alors ça y est ?
C'est la fin ?
FIN
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