Scène 3

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COLONEL MOUTARDE, DOCTEUR ORCHIDEE, MADAME PERVENCHE, LORD GRAY, REVEREND OLIVE

Moutarde range la bouteille dans le petit meuble lorsque des coups polis résonnent à la porte. Il ne répond pas et la porte s’ouvre.

LORD GRAY : Désolé, cher ermite, d’envahir ainsi votre retraite…

Il entre et laisse entrer Dr. Orchidée, Révérend Olive et Mme Pervenche.

MME PERVENCHE : Je ne supporte plus les gloussements de cette Mlle Rose ! Pour qui se prend-elle ? Depuis quand une actrice peut-elle roucouler ainsi devant une grande dame comme moi ?

REVEREND OLIVE : Ma chère, il est possible que Joséphine, miss Rose, n’ait pas conscience de votre… qualité.

MME PERVENCHE : J’aimerais bien savoir comment !

DOCTEUR ORCHIDEE : En vérité, ce qu’il veut dire, c’est que lui-même ne supporte plus de vous entendre ainsi radoter alors qu’il n’a aucun moyen d’y changer quoi que ce soit.

MME PERVENCHE : Quoi ?!

RVRD OLIVE : Je ne pensais pas les choses de cette façon, docteur.

DR ORCHIDEE : Oui, un peu plus poliment, sans aucun doute. Mais sur le fond, n’ai-je pas raison ?

LORD GRAY : Sans doute un peu.

CL MOUTARDE : Qu’avez-vous fait des tourtereaux et du professeur Violet ?

LORD GRAY : Les tourtereaux, comme vous dites, sont restés dans le salon. Quant à Peter, qu’il aille où il veut, ça m’est égal. Ce personnage est parfaitement déplaisant.

RVRD OLIVE : Les querelles humaines ne vous mèneront à rien. Tous enfermés ici, si nous commençons à nous battre, vous savez tous quelle en sera l’issue.

DR ORCHIDEE : C’est ça, écoutez la grenouille de bénitier.

MME PERVENCHE : Vous avez une théorie, peut-être ?

DR ORCHIDEE : Une théorie ? Nous n’en sommes pas là. Mais je suis en mesure d’émettre des hypothèses intéressantes.

RVRD OLIVE : Que nous mourons tous d’envie d’entendre…

DR ORCHIDEE : J’y viens, mon cher. Après avoir observé et mûrement réfléchi à propos des différents indices que nous pouvons trouver, il apparaît un nombre limité de possibilités. Soit nous sommes le jouet d’un esprit malade, qui nous a enfermés ici pour se repaître d’un jeu macabre. Si tel est le cas, sa disparition nous libèrera un jour.

CL MOUTARDE : Improbable ; à cause des morts réguliers et de la boucle temporelle que nous semblons subir.

DR ORCHIDEE : Seconde hypothèse : nous sommes effectivement enfermés dans une boucle temporelle, c’est-à-dire une sorte d’anomalie de la chronologie où le temps aurait pris la forme d’un cercle. Cette hypothèse se voit détruite par le déroulement différent malgré tout de chaque journée.

MME PERVENCHE : Et la personne tuée qui est également différente, et rarement la même d’un jour sur l’autre.

DR ORCHIDEE : Ensuite, il est possible que nous ne soyons que des personnages de rêve ou de simulation. Bien qu’elle soit probable, aucun indice ne peut confirmer ni infirmer cette supposition. Il peut également s’agir d’une sorte de malédiction, si l’on en croit les forces occultes, qui nous forcerait à répéter cette journée avec un mort décidé aléatoirement, jusqu’à ce que nous trouvions la solution d’une énigme quelconque.

LORD GRAY : Je ne crois pas aux malédictions.

DR ORCHIDEE : On pourrait croire cette dernière idée plus plausible car elle colle avec les faits, mais je me refuse à y accorder crédit à cause de son manque total de fondement scientifique. Dernière possibilité, que je dois à ce cher Moutarde : nous sommes des fantômes, ou pour ainsi dire des esprits ou des âmes qui sommes tous morts dans ce manoir et à ce titre, incapables d’en sortir, nous rejouons éternellement les scènes de nos morts respectives en hantant cette demeure. Voilà pourquoi nous réapparaissons le lendemain sans la moindre séquelle et pourquoi nos souvenirs à tous semblent si flous, ainsi que le début de notre rétention. Madame, messieurs, vous ai-je apportés quelques éléments de réponse ?

LORD GRAY : Pas du tout.

DR ORCHIDEE : De réflexion, tout au moins ?

CL MOUTARDE : Nous n’avions pas besoin de vous pour avoir des éléments de réflexion, docteur.

DR ORCHIDEE : Mon génie restera toujours méconnu…

MME PERVENCHE : Si l’une de ses solutions se révèle exacte, nous penserons à vous. En attendant…

LORD GRAY : Vous êtes juste un joyeux luron qui parle tout seul.

RVRD OLIVE : Je ne pensais pas les choses de cette façon, mais…

MME PERVENCHE moqueuse : Mais sur le fond…

RVRD OLIVE : Voilà, oui.

CL MOUTARDE : Voyons, le docteur a tout de même réfléchi longtemps à tout cela. D’ailleurs, je m’étonne que vous soyez le seul à l’avoir fait.

MME PERVENCHE : Tout le monde n’a pas envie d’y réfléchir.

DR ORCHIDEE : Et à quoi d’autre ? Peut-on songer à quoi que ce soit d’autre, quand on est enfermé, qu’à s’échapper ? Les prisons sont faites pour cela, non ?

LORD GRAY : Joli raisonnement.

RVRD OLIVE : Peut-être tout le monde n’a-t-il pas envie de révéler à quoi il réfléchit…

Silence.

LORD GRAY : Vous nous cachiez donc des choses, révérend ?

RVRD OLIVE : Comme vous tous. Inutile de jouer les innocents, lord Gray. Tout le monde ici sait comment vous avez perdu votre héritage.

LORD GRAY : Si je suis la théorie de ce bon docteur, nous ne sommes même pas sûrs que ce soit réellement arrivé. Tous nos souvenirs pourraient être faux.

RVRD OLIVE : Ça vous arrangerait bien.

DR ORCHIDEE : Qui parlait d’éviter les querelles humaines, il y a quelques instants ?

RVRD OLIVE : Je déteste ce ton moqueur que vous prenez, Orchidée. Si les querelles me rebutent, le mensonge encore plus, et je ne me laisserai pas insulter par un jeune coq incapable de retenir sa femme !

LORD GRAY : Quoi ?!

Lord Gray semble sur le point de se jeter sur Olive mais Moutarde le retient.

CL MOUTARDE : Du calme, Gray. Notre révérend ne sait pas ce qu’il dit. D’autant qu’il est mal placé pour faire ce genre de remarque. Pas vrai ?

LORD GRAY : Retire tout de suite ce que tu viens de dire, saloperie de résidu d’homme !

MME PERVENCHE : Lord Gray !

RVRD OLIVE : C’est ainsi, mon pauvre. Vous n’y pouvez plus rien.

LORD GRAY : Mais faites-le taire !

MME PERVENCHE grondante : John, voulez-vous bien laisser Lord Gray en paix !

Surpris générale devant la colère de Pervenche.

RVRD OLIVE : Très bien… Si madame le veut… Je m’excuse.

Il sort.

LORD GRAY se dégageant de la prise de Moutarde : Fumier !

CL MOUTARDE : Si vous ne vous emportiez pas aussi facilement, nous n’aurions pas eu à en arriver là.

LORD GRAY : Mais vous l’avez entendu ! Vous l’avez tous entendu… Il…

Il se laisse tomber sur le fauteuil et plonge la tête dans ses mains.

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