MLLE ROSE, MLLE PÊCHE

Mlle Pêche toque timidement à la porte opposée de celle où Gray est parti. Mlle Rose ne bouge pas.

MLLE PÊCHE derrière la porte : Joséphine ?

Aucune réaction de la part de Mlle Rose. Mlle Pêche entre.

MLLE PÊCHE : Mademoiselle Rose, que s'est-il passé ? Tout va bien ? Nous avons entendu des cris...

MLLE ROSE : Laissez-moi...

MLLE PÊCHE : C'est Gray, n'est-ce pas ?

MLLE ROSE : Il ne cesse de rêver à son Edith. C'est comme si je n'existais pas. Vous avez vu la façon dont il a réagi tout à l'heure, devant le révérend ? Il serait temps qu'il admette que nous sommes piégés et qu'il ne reverra jamais son Edith.

MLLE PÊCHE : Vous êtes décidément tous sinistres, aujourd'hui.

MLLE ROSE avec un sourire triste : Spécialement aujourd'hui ?

MLLE PÊCHE : Je refuse de croire que nous sommes condamnés. Il y a forcément un sens à ce cycle infernal.

MLLE ROSE : C'est dommage que vous n'ayez pas entendu tout à l'heure les théories du docteur Orchidée. Ca vous aurait plu.

MLLE PÊCHE : Je les connais toutes. Je l'ai aidé à les élaborer.

MLLE ROSE : Je ne savais pas... Et laquelle vous semble la plus plausible ?

MLLE PÊCHE : A dire vrai, j'en ai une autre. Une que je ne lui ai pas divulguée.

MLLE ROSE : Pourquoi ?

MLLE PÊCHE : N'avez-vous jamais songé que seul un esprit humain tordu avait pu imaginer ce piège pour nous regarder nous débattre et se distraire ?

MLLE ROSE : C'est déjà une des théories du docteur, il me semble.

MLLE PÊCHE : Certes. Mais avez-vous imaginé que l'instigateur de tout ceci pourrait se trouver parmi nouset faire lui-même partir de son jeu macabre ?

MLLE ROSE : Vous voulez dire que l'un d'entre nous serait à l'origine de cette prison insensée et de notre martyr ? C'est horrible ! Vous essayez de me faire peur, n'est-ce pas ? Comment pouvez-vous avoir de telles idées ?

MLLE PÊCHE : Je suis tout ce qu'il y a de plus sérieuse, Joséphine. Je suis persuadée qu'il est parmi nous et qu'il suffirait de le trouver... peut-être de le tuer une bonne fois pour toutes... pour que cette horreur s'arrête. Après tout, qui sait ce qui arriverait si l'un de nous en tuait un autre la journée, en-dehors de cette crise somnambule étrange qui nous anime ? Peut-être sort-il de ce manoir ? Il faudrait tester...

MLLE ROSE : Tester ? En tuant quelqu'un ? Amelia, vous me faites peur. Je ne vous imaginais pas si... extrême.

MLLE PÊCHE : Vous trouvez cela extrême ! Pas moi. Une vie qui tourne en rond dans un bocal ne vaut pas mieux qu'une mort hypothétique.

MLLE ROSE d'une voix faible : Je préfère vivre... même ici. Si vous commencez à penser comme ça, nous sommes déjà perdus, vous êtes consciente de cela ? Nous allons commencer à nous soupçonner les uns les autres, puis à nous entre-tuer. Au contraire, nous devons nous souder ! Ne divulgez pas cette hypothèse absurde, je vous en conjure.

MLLE PÊCHE : Nous ne serions pas tous perdus.

MLLE ROSE : Vous êtes atroce.

MLLE PÊCHE : Ne confondons pas tout. Je réfléchis, je teste des hypothèses. Je ne tuerai personne avant d'avoir une preuve. Et il se peut que je n'en trouve jamais... Je n'aurai pas dû vous dire tout cela, Joséphine. Excusez mon impolitesse.

MLLE ROSE : Il faut que vous abandonniez cette idée, Amelia. Vous êtes trop obsédée par l'idée de quitter ce manoir. Cela vous joue des tours. Vous perdez l'esprit. Je vais vous aider, vous changer les idées. Nous allons trouver tous ensemble une solution.

MLLE PÊCHE : C'est un leurre, Rose ! Ne le voyez-vous donc pas ? Vous savez que nous ne trouverons rien. Je refuse de rester piégée dans ce cercle infernal. Je n'ai commis aucun crime qui mérite cela !

MLLE ROSE : Moi non plus. Calmez-vous. Vous ne pouvez pas réfléchir dans cet état.

MLLE PÊCHE : Nous ne sommes qu'un jeu, Joséphine !

MLLE ROSE : Venez.

MLLE PÊCHE : Nous ne sommes qu'un JEU !

Mlle Rose tire Mlle Pêche hors de scène.