Dans le train pour les Cévennes

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En ce début de week-end de Pentecôte, Albert prépara son sac. Comme toujours, il fit cela avec minutie car il n’emmenait jamais une paire de chaussettes ou un tee-shirt de trop, voulant voyager le plus léger possible. Il s’en allait pour un séjour en camping sauvage dans le parc des Cévennes. Partant de son Paris natal, le dépaysement devait être total. Au moment de sangler sa canadienne sur le dessus du sac, il ajouta à ses affaires l’ultime élément qu’il n’oubliait jamais dans tous ses déplacements. Cela eût pu surprendre toute personne ne l'ayant jamais connu par le passé, mais en bon ancien élève hébergé en internat dans sa période lycéenne, il n’oubliait jamais l’élément indispensable pour faire survivre l’hygiène dans les moments extrêmes : le rouleau de papier toilette molletonné triple épaisseur. On passera sur les détails qui amenèrent Albert à faire une fixette sur ce banal sujet, peu importe le voyage, la durée ou la destination.

Il partit donc aux aurores, équipé de tout son harnachement à cinq heures cinquante exactement au départ de la Gare de Lyon. Il ne s’attendait pas, bien qu’il ait réservé son billet à l'avance, à faire le trajet assis dans l’escalier entre deux wagons. Cela ne manqua pas de le faire enrager sur le manque de professionnalisme de la compagnie de train qui lui avait vendu au final à un prix défiant tout concurrence un billet qui ne garantissait qu’un laisser-passer pour l’embarquement et non l’assurance d’un siège avec le minimum de confort pour un trajet de plus de trois heures.

C’est ainsi qu’il se retrouva, assis dans les escaliers qui faisaient la liaison entre les deux étages de la voiture dix-sept, son sac-à-dos posé sur les marches supérieures. Il n’était pas le seul et avait pour compagnons d’infortune, une jeune femme qui devait avoir dans les mêmes âges que lui et un ado asocial, le casque audio vissé sur la tête et semblant somnoler les yeux ouverts. Il échangea quelques amabilités avec la jeune femme qui faisant contre mauvaise fortune bon cœur, lui proposa de partager la fin d’une viennoiserie qu'elle ne trouva pas le courage de manger en entier. Ensuite, après une heure à se faire ballotter par roulement du train, elle finit par s’endormir en usant du mollet gauche d’Albert comme d’un oreiller.

Albert n’était pas très à l’aise dans cette situation car il craignait qu’elle se réveille en sursaut et en furie d’être en contact avec un pur inconnu en oubliant que c’était elle et son endormissement qui était à l’origine de la circonstance. De plus, cette jeune femme à la chevelure fichue de mèches blondes sembla apprécier suffisamment le confort relatif du mollet d’Albert au point de commencer à baver copieusement sur le tissu de son jean. Même si ce n’était pas très grave en soit, Albert en éprouvait tout de même une certaine gêne.

Tout ceci resta cependant très anecdotique jusqu’à la troisième heure de voyage. Celle-ci semblait destinée à passer comme ses grandes sœurs sauf que ce fut à ce moment-là que la jeune femme se réveilla, les yeux ensommeillés et lui demanda s’il ne voulait pas durant quelques minutes garder un œil sur ses affaires. Albert ne projetant pas de changer de place d’ici à l’arrivée en gare de Nîmes, opina du chef. Et ce fut ainsi qu’elle s’éclipsa pour quelques minutes. Cependant les premières passées, Albert commença à trouver son absence un peu trop longue. Tapant sur l’épaule de l’ado qui ne leur avait pas adressé la parole, il arriva à obtenir une dizaine de secondes de son attention pour lui faire comprendre qu’il devait surveiller l’ensemble des affaires, puis il partit à la recherche de la jeune femme.

En vérité, il n’eut pas à pousser très loin son investigation car il se doutait bien de l’endroit où il pourrait la trouver. Il s’approcha de la porte fermée et se permit de lancer le plus délicatement possible, un :

« Tout va bien là-dedans ? »

Ce à quoi, il obtint une réponse directe et à moitié étouffée :

« Bien sûr que non, que ça ne va pas !

— Qu’y a-t-il ? » fit Albert.

La réponse prit une dizaine de secondes.

« Parlez moins fort ! Approchez-vous de la porte. » fit la jeune femme en baissant le volume de sa voix.

Albert malgré que la posture pouvait sembler très louche, approcha son oreille de la porte.

« Il n’y a pas de papier toilette.

— Ah, c’est embêtant.

— Pas du tout ! fit ironiquement la jeune femme passablement agacée.

— Je vais aller voir si je trouve le contrôleur… commença à dire Albert.

— Il vous manque une case ? Pourquoi ne pas alerter la garde nationale pendant que vous y êtes ? »

Albert se pinça les lèvres. C’est vrai qu’il n’avait pas été très fin sur ce coup-là. Il réfléchit puis finit par dire.

« Attendez-moi là, je reviens, j’ai ce qu’il faut dans mon sac.

— Je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre de toute manière. » fit la jeune femme.

Albert se mordit les lèvres une nouvelle fois. Il fallait qu’il arrête avec les expressions toutes faites. Il retourna donc à sa place et réfléchit. Pour rester discret, il ne pouvait prendre son rouleau de papier et se balader avec à la main dans le train. Il fallait donc faire discret et prendre son sac à dos. Il verrait ensuite pour extraire l’objet, une fois devant la porte ou au pire, il lui passerait le sac complet. Il retourna donc devant la porte des sanitaires son sac à dos entre les mains.

« C’est moi. Ouvrez que je vous passe… »

Il n’eut pas le temps de terminer que la porte s’ouvrit en mode éclair et une main agile l’attrapa lui au lieu de son sac pour l’entraîner à l’intérieur.

« Mais qu’est-ce que… »

Il entendit le verrou se manœuvrer dans son dos.

« Vous faites ? »

La jeune femme et lui étaient maintenant collés l’un à l’autre avec le sac à dos coincé entre eux deux. Albert était plus grand qu’elle. Elle lui arrivait au niveau du buste. Il s’inclina pour la regarder mais ne put croiser son regard car elle baissait la tête, les joues rouges comme une pivoine.

« Vous auriez pu vous contenter du sac, fit-il.

— Je sais mais j’ai paniqué. »

Albert soupira et laissant son regard aller pour comprendre combien et comment ils étaient coincés, il s’aperçut que la jeune femme avait encore le pantalon et la culotte baissés au niveau de ses chevilles. Il essaya bien de faire comme s’il n’avait rien remarqué mais à la vue des charmantes petites fesses blanches un peu tendues, il ne put pas s’empêcher d’avoir une petite bouffée de chaleur. Il aurait pu lui proposer de rouvrir la porte pour ressortir mais il ne le fit pas.

« Bon, maintenant qu’on en est là, dit-il, vous n’avez qu’à défaire la sangle de la canadienne pour dégager la fermeture de mon sac. Le rouleau est sur le dessus. »

La jeune femme resta silencieuse quelques instants. Puis elle s’exécuta. Pour manœuvrer, elle dut se baisser et lui, fut obligé de creuser son ventre pour la laisser passer. Ce faisant, il se retrouva au-dessus d’elle avec une vue en plongée sur les deux pêches, la silhouette du mont secret qui se camouflait derrière. De son côté, elle, baissant encore un peu la tête pour comprendre comment défaire la sangle, se retrouva avec le haut du front en contact avec le bas-ventre d’Albert qui lui était aux premières loges d'un tremoussage d'arrière-train d'une qualité sans égale. Et bien qu’elle tentât de faire comme si de rien n’était, elle ne put ignorer la bosse qui enfla à son contact. Elle secoua la tête faisant semblant de râler juste pour le plaisir d'amplifier la boursouflure. Au bout d’une minute, alors qu’il commença à faire franchement chaud, elle finit par récupérer son graal. Elle en arracha quelques feuilles et les fichant dans la main d’Albert, elle dit dans un souffle :

« Vous pourriez essuyer ? »

Albert ne put retenir un « Comment ? » qui sortit du cœur.

« Vu où nous en sommes… » fit la jeune femme qui dodelina une fois de plus la tête malicieusement, et sentit en réponse le corps d’Albert se tendre encore un peu plus.

Relevant ce défi aussi impromptu que tentant, Albert plongea sa main munie de sa petite armée de feuilles et l’appliqua là où il fallait pour essuyer les quelques gouttes qui perlaient sur les poils ras. Il en profita pour se venger de la perfide manœuvre précédente pour aller titiller avec brio l’appendice un peu plus bas. Il s’amusa des soubresauts qu’il provoqua mais comme il commençait à faire passablement chaud, jetant les feuilles dans l’urinoir, il opta pour des manœuvres digitales complémentaires plus invasives et efficaces qui aboutirent en quatre minutes.

Après cela, la jeune femme se redressa, les joues rosies et le sourire béat. Elle ne savait que dire et à cet instant, même si elle l'eût su, elle n'en aurait rien fait de peur de briser la magie.

« Je vais sortir, fit Albert en tentant de reprendre une certaine contenance et fichant sa main humide ayant commis le larcin au fond de sa poche. Je vous laisse me ramener mon sac à dos ?

— Pas de problème, fit la jeune femme avec un regard qui disait tout l’amour qu’elle éprouvait pour cette rencontre impromptue et intense. Il va falloir que je me recoiffe avec ça. »

Albert plongea ses yeux dans les siens et ne put s’empêcher un grand sourire tout en secouant la tête. Il déverrouilla le loquet et sortit des toilettes.

Une autre femme attendait et ne cacha pas sa surprise lorsqu’elle le vit sortir et aperçut rapidement la jeune femme avant que la porte ne se referme.

« Plus de papier. » fit Albert avec un sourire embarrassé.

L’autre eut un « Oh » et partit alors en quête d’un autre WC.

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