Minuit profond

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Minuit profond,

Dans les coupe-gorges infectés de misère, dans les coins affamés de la ville. Les murs, fissurés de haines résistent au temps et le pauvre halo d'un réverbère tremble et vacille.
Il ne reste plus rien des espoirs d'antan. Les indigents, les pauvres hères, se saignent à blanc. Ils s'accrochent aux promesses du Diable, que le bonheur est à leur portée : « Regardez les enseignes, persévérez, soyez malins, une Rolex vous rendrait tellement heureux. »
Les fantômes dans les rues crasses ne souhaitent pourtant ni monts ni merveilles. Les petits ont des rêves paisibles, si le Diable ne vient pas y mettre le feu : un travail honnête et une famille qui les aime.

Minuit profond dans les cœurs sans lumière. D'obscures ressentiments gonflent et grondent.
Ils hantent les brumes d'alcool, les jupes trop courtes, les mains baladeuses, volant chair et argent. Dans les recoins de la ville, la misère enfante la férocité.
Le Diable se réjouit, ceux qui creusent et en crèvent sont toujours les mêmes, si facile à saisir d'âme et de cœur. L'injustice est un royaume où s'égarent d'anciens combattants. Il conduit toujours les vengeurs en enfer.
Alors, à quoi bon ?
À quoi bon vivre ? Mais le corps l'exige et l'esprit construit sur les ruines, des illusions, un monde où tout demeure encore possible.

Bien que le Diable distille un poison de jamais, de morne, de gris, de lendemains qui râlent, bien qu'il dévore les couleurs et gèle les songes ; pour finir peu des maudits se donnent tout à fait. Rêvant encore aux essentiels, ils savent profiter d'une délivrance entrevue.

Minuit profond, mais dans les impasses un souffle sucré et parfumé, glisse au rythme des vagues souples d'un robe légère ; mais un chant de tendresse troue la poix des prophéties funestes ; mais une main amie, console et caresse…
Parfois, le Diable s'exaspère : des mortels contre lesquels il ne peut rien, contaminent de joie sa cour des miracles.

Ces êtres, joyaux de lumière, sans provoquer de convoitises, ni susciter de colère, parce qu'ils offrent des trésors de bienveillance et d'amour, parce que, sans eux, l'espoir renaissant serait dévasté, ces êtres, même les maudits les plus désespérés, les plus violents oublient leur rage et les protègent.
Le souffle sucré des robes légères, les champs de tendresses, les mains tendues, les baisers offerts redonnent les fragments des lueurs perdues.
Dans leurs danses de vie, comme un charme, derrière leurs talons, sous le baume d'une empathie sincère, les yogis de l'âme entraînent avec eux des rivières d'écorchés.
Les hommes et des femmes dans leur sillage, sont vaccinés contre le Diable et trouvent enfin une route qui traverse minuit profond.
Les réverbères illuminent alors les recoins sombres, les maudits dessillent et les enseignes révèlent leurs mensonges.
Impuissant, le Diable, dans ses poches, sent peser les Rolex inutiles et regarde , amer, ses esclaves déserter ses terres de désespoir.

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