Miroir

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Une femme traverse le boulevard et entre dans la librairie qui fait l’angle.
Son regard se pose sur un livre dont le titre « Miroir » l’attire. Elle l’ouvre et commence la lecture du prologue.

« Tandis que mes mots courent sur la feuille, j’observe vos yeux. Par hasard ou par curiosité, vous avez commencé à feuilleter ce livre d’un regard distrait.
Mais voilà que je m’impose à votre concentration. Vous vouliez seulement vous reposer un instant, et pourtant il se peut que je vous oblige à aller plus loin, à fouiller un peu plus afin de comprendre davantage.

Je perçois bien votre regard sur ces écrits. Je vous devine autant que vous allez vous découvrir au fil des pages à venir. Je peux déjà imaginer votre sourire en lisant telle phrase, votre étonnement en prenant connaissance d’un certain paragraphe. Qui sait si j’ai prémédité ce bouquet de réactions…

Le piège ne réside que dans ce face-à-face avec vous-même.
Réfléchissez, il vous suffirait de refermer ce livre pour ne rien savoir.

Votre curiosité sera-t-elle assez forte pour vous laisser emporter là où j’ai eu envie de vous mener ?
Je l’ignore, et ne le saurai sûrement jamais.

Alors, vous restez finalement ? Vous m’obligez par conséquent à poursuivre.

Savez-vous que l’essentiel n’est pas dans ce que nous montrons, mais au contraire dans tout ce que nous cachons, volontairement ou non ? Les apparences sont souvent trompeuses, elles dupent notre esprit.
Dès le début de ces lignes, lorsque j’ai perçu votre regard, en haut, j'ai ressenti une distance, une petite note d’indifférence en vous. Mais à travers mes mots, j’ai compris l’instant d’après que je pouvais vous toucher, retenir votre intérêt.
C’est relativement simple pour moi, il me suffit d’habiller les mots de séduction et de mystère, puis les dénuder, petit à petit, afin de vous laisser me découvrir, en même temps que vous vous découvrirez vous-même. J’ai écrit afin de m’inscrire en vous…

Attention, n’allez surtout pas imaginer que je vous manipule.
J’ai le plaisir, ou le défaut, d’être impudique et audacieuse lorsque j’écris, et si je vous guide pas à pas, d’ici jusqu’à plus loin, et pourquoi pas jusqu’à la toute dernière ligne et son point final, c’est avant tout pour qu’enfin vous fassiez votre connaissance.
Si vous choisissez de vous échapper, vous passerez à côté de ce beau rendez-vous entre vous… et vous. Mais je sais déjà que vous ne vous échapperez pas.

Imaginez un seul instant : vous auriez pu ne jamais entrer dans cette librairie.
Pourriez-vous dire alors que vous vous connaissez, je veux dire, réellement ?
Tout ce que j’ai écrit, que vous lirez d’un trait, n’a finalement rien d’extraordinaire.
Le plus surprenant ne réside que dans cette rencontre et dans ce que vous saurez découvrir de vous. »

Le livre à la main, la femme se dirige vers la caisse pour en régler le montant.
Elle a hâte de rentrer chez elle afin de reprendre sa lecture et se regarder dans ce Miroir.

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