25. Les mots d'un frère

7 minutes de lecture

La nuit était tombée sur la capitale. Certains voyageurs étaient attablés au rez-de-chaussée, à boire, discuter et rigoler entre eux. D’autres avaient gagné l’étage pour rejoindre leurs quartiers afin de se reposer de leurs longues journées.

Onyx fut conduit à sa chambre par Howlite, qui lui souhaita une bonne nuit de repos avant de redescendre. Le jeune homme laissa tomber son sac au sol et s’allongea sur le lit. Le regard rivé sur le plafond, il sentit un poids appuyé sur son thorax et sa vue se flouta. Il laissa aller son corps fatigué et ses pensées troubles divaguées tandis que les larmes perlaient aux coins de ses yeux.

Tous les efforts qu’il avait fournis, toutes les épreuves qu’il avait traversées l’avaient conduit jusqu’ici. Enfin. Après un mois de voyage dans ce désert aride, il avait finalement atteint la capitale. Mais les questions qui se bousculaient sans cesse dans son esprit n’avaient pas trouvé de réponses.

Et une nouvelle décision se dessinait devant lui : continuer sa route seul ou faire demi-tour. Après tout, même en ayant traversé la moitié du royaume, il n’avait aucune idée de l’emplacement exact de la pierre, ni la façon de la dérober, et encore moins l’impact qu’elle pourrait avoir sur lui ou la capitale. Il se rendit compte de son erreur enfantine ; foncé tête baissée dans l’inconnu n’était sans doute pas une bonne idée, et il en payait le prix aujourd’hui, tourmenté par ses pensées.

Alors que les larmes ruisselaient le long de ses joues, l’on tapa contre la vitre de sa fenêtre. Il se redressa, essayant ses joues d’un revers de main et fut surpris de voir la silhouette d’un petit rapace poser sur le rebord de la fenêtre.

— Suli ?!

Il se précipita pour ouvrir à l’oiseau qui s’envola et se posa sur le dossier de la chaise de bureau. Le jeune homme était ravi de revoir le messager de son ami, il s’empressa de détacher le message accrocher à la patte de l’animal et n’oublia pas de le récompensé en fouillant le fond de son sac pour lui offrir quelques morceaux de viande sécher.

Puis il prit place sur son lit et ouvrit le morceau de papier plier avant de commencer sa lecture.



« 'Akhi alsaghir

Je n’ai pas pu quitter la cité après ton départ. Tes parents sont inquiets, je n’ai pas su leur répondre lorsqu’ils sont venus me questionner…

Si tout s’est bien passé, tu ne dois plus être très loin de la capitale. Tu n’imagines pas à quel point j’aimerais être à tes côtés pour te guider. De lourds choix risquent de se présenter à toi.

Min alaliha, ne renonce pas ! Je te rejoindrais dès que possible, mais n’abandonne pas. Peu importe les choix que tu feras, ils te conduiront à destination.

Si tu as besoin d’aide, va voir Thybalt au centre de la cité, il pourra t’apporter de l’aide. Récupère le fragment et attend moi à Ymghur, je t’y rejoindrais dès que possible.

Évite-les ennuies, fait attention à toi et méfie-toi de ce qui t’entoure. La capitale est merveilleuse, mais elle peut faire de toi son prisonnier.

S. »



Un léger sourire se forma sur le visage d’Onyx. Il replia la lettre et la plongea dans sa sacoche. Il remercia l’oiseau et lui offrit la possibilité de se reposer avant de repartir vers l’Est. Les mots de Sona réchauffaient son cœur douteux et chassèrent les questions qui le tourmentaient. Il repensa aux mots qu’avait employés Tilidad plus tôt dans leur voyage : lorsque la situation semble désespérer, écoute ton corps, oublie ce que te dicte ton esprit et agis.

Cette citation pouvait s’appliquer à sa situation actuelle. Bloquer entre la raison et l’envie, il devait agir et cesser de se questionner sur ses agissements. Il se laissa retomber sur son lit et soupira. Sarshall vint se blottir contre son flanc pour se reposer, ce qui apaisa le garçon.

Selon un dicton, la nuit portait conseil. Il espérait que ce serait le cas pour lui.


*


La nuit fut courte pour Onyx. Il avait écouté les voyageurs rire aux éclats au rez-de-chaussée, et des pas monter et descendre entre les étages. Des allers et retours qui durèrent une longue partie de la soirée.

Puis, peu avant l’aube, une étrange lueur le réveilla. À travers sa fenêtre, il aperçut d’immenses faisceaux lumineux émané de la tour centrale de la capitale, s’élevant dans le ciel jusqu’à disparaitre à travers les nuages. De couleurs bleutées, elles oscillaient entre le cyan et le cobalt, avant de devenir entièrement blanches et de disparaitre. Il entendit des chants divins résonner dans les rues, et le calme réapparu aussitôt.

Cet évènement l’avait marqué, mais aucune lumière ne s’était allumée venant des habitations, comme si ce phénomène était entièrement normal ici. Peut-être était-ce le cas.

Lorsque le soleil décida enfin de se lever au-dessus des remparts de la ville, le jeune homme ne se réveilla pas immédiatement. Épuisé de son voyage et de sa nuit, ce sont les miaulements de son compagnon de route qui le levèrent.

Il était conscient d’avoir dormi plus que d’habitude, mais son corps était reposé et son esprit plus léger. Il se leva à contrecœur et s’habilla. Il délaissa sa djellaba de voyage pour un pantalon de soie et une chemise muni d’un col en V. Il enroula son chèche autour de son cou, mais ne le mis pas sur sa tête, il préférait garder ses cheveux à l’air. Le félin trouva une place sur l’épaule du garçon alors que ce dernier ouvrait la fenêtre pour permettre au rapace de reprendre sa route.

Il n’avait pas écrit de réponse à son frère de cœur, mais comptait bien écouter ses conseils. Il irait trouver le frère de Sona, Tybalt. Il avait quitté Tenerice dans son adolescence pour s’enrôler dans la garde impériale de la capitale. Onyx ignorait s’il avait réussi ni ou le trouver, mais il avait un indice en main : le centre de la cité.

L’oiseau partit. Le garçon rassembla ses affaires dans son sac et quitta sa chambre. Il descendit et retrouva la caravane attablée dans un coin pour déguster le déjeuner. Badho sourit à son arrivée et l’invita silencieusement à prendre place avec eux. Mais Onyx resta debout au bout de la table, les mains accrochées à la bandoulière de son sac.

— Que veux-tu nous annoncer, mon garçon ?

La voix du meneur se voulait rassurante, ce qui réconforta le concerné.

— Je ne vous accompagnerais pas pour le retour. Je reste ici.

— Tu poursuis ton voyage ?

— Oui.

— Tu es sûr de toi ?

— Je ne veux plus me poser cette question.

Le vieil homme éclata de rire, surprenant l’attablé.

— Je ne m’attendais pas à une réponse comme celle-ci de ta part. Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ?

Onyx hésita quelques secondes pour trouver les bons mots.

— Les encouragements d’un frère.

Badho calma ses rires et se leva pour étreindre le garçon.

— Alors va fiston. Découvre ce monde qui est nôtre, et sauve-nous.

Le concerné sentit une larme perler sur le coin de son œil droit et l’essuya aussitôt d’un revers de manche. Le reste de la caravane l’accueillir à l’attabler pour son dernier repas en leur compagnie. Ils discutèrent de leurs projets futurs ; certains prévoyaient de quitter la caravane pour s’installer à Tenerice, d’autres comptaient rejoindre les rangs rebelles sans donner trop de détails, et les plus fidèles restaient avec Badho pour continuer à agrandir le groupe malgré les éventuels départs.

Pendant ce grand chassé-croisé de discussion en tout genre, Tilidad glissa discrètement une bourse sur les genoux du garçon. Il la dévisagea une seconde avant qu’elle ne lui fasse signe de ne rien dire, puis s’approcha de son oreille.

— C’est un cadeau de départ, de Howlite et moi.

Les deux jeunes femmes lui sourirent et continuèrent de prendre part aux débats comme si de rien n’était. Il les remercia silencieusement, c’était un cadeau qui lui allait droit au cœur et lui rappela à quel point il était parti précipitamment de Tenerice. Sans un sou dans la capitale, il aurait eu du mal à manger ou même se loger. Une attention qui l’aiderait dans le futur.

Lorsqu’ils eurent fini leurs repas, Onyx salua chacun d’entre eux en les remerciant de nombreuses fois puis quitta l’auberge pour rejoindre l’écurie. Aggalaki l’attendait, déjà seller, ce qui le surpris.

— Tu comptes partir tout seul ?

Il se tendit en entendant la voix de Jun dans un coin de l’étable. Il ne lui adressa qu’un léger regard et se tourna vers sa monture pour y accrocher son sac. Sarshall profita de l’occasion pour grimper sur la selle et s’y installer.

— Parce que tu souhaites m’apporter ton aide ?

— Tu n’arriveras pas à faire quoi que ce soit ici sans t’attirer d’ennui.

— Tu n’en sais rien.

Les deux hommes se faisaient face à face. Auparavant, Onyx n’aurait pas affronté Jun, mais il en avait assez d’être traité comme un enfant par cet étranger.

— Je n’ai pas besoin de ton aide pour le moment.

— Ça viendra ?

Le plus jeune monta en selle et avança hors de l’écurie.

— Peut-être.

Il ne rajouta rien et quitta la cour de l’auberge sous les yeux surpris du plus vieux. Ce dernier ne s’attendait pas à un changement de comportement de la part de ce gamin, mais le sourire qui se dessina sur ses lèvres ne surprit pas Badho, qui les avait observés du porche de la bâtisse.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Arawn Rackham ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0